Bien dans leurs pompes

© Veja

Avec leurs baskets estampillées d’un V graphique comme Veja, ces deux copains d’enfance ont réussi à créer des accessoires à la fois mode et fair-trade.

Ils auraient dû finir dans une banque d’affaires ou à la tête d’une start-up active sur Internet, c’était le buzz du moment, le début des années 2000. Une carrière bien tracée, s’ils avaient suivi le parcours de leurs anciens copains de classe, diplômés en finance et management. Mais c’était compter sans la motivation de Sébastien Kopp et François-Ghislain Morillion à sortir de l’ornière, à se poser des questions, à regarder le monde qui les entoure et qui ne tourne pas toujours rond. Pour ces deux Parisiens, s’étant rencontrés à 14 ans sur les bancs du collège et à l’époque fraîchement engagés, pour l’un par Morgan Stanley à Washington, pour l’autre par la Société Générale à New York, le constat a sonné comme une évidence :  » On ne voulait pas devenir comme notre patron. On n’avait pas envie de cette vie-là, où l’argent est le moteur de tout.  »

Sac au dos, ces deux passionnés de voyages et d’économie alternative parcourent alors la planète, pour évaluer sur le terrain les initiatives des grandes entreprises en matière de développement durable. Ils constatent le décalage entre le discours et la réalité. Leur vient alors l’idée de monter un projet autour de ces enjeux :  » On a choisi la basket, car c’est le produit symbolique d’exploitation du Sud par le Nord. Et puis c’est un accessoire-phare, à la mode, pour notre génération.  »

L’objectif est simple : déconstruire la chaîne de production de la sneaker et la reconstruire de façon plus clean, avec un modèle simple, en toile de coton et caoutchouc.  » Nous avons remonté la filière, pour trouver des petits producteurs locaux, au Brésil. Nous désirions arriver à un produit qui leur permette, non pas de survivre, mais de vivre. En lançant notre marque sans pub, on a pu fabriquer une basket pour un coût de fabrication six à sept fois supérieur aux autres, mais en la vendant au même prix.  »

Le coton est bio et intégré à la culture du maïs, du sésame et des haricots, qui constituent l’alimentation de base des producteurs. Une polyculture qui permet de faire vivre 320 familles, dans le Nordeste brésilien. Le caoutchouc provient quant à lui d’Amazonie, seul endroit du globe où les hévéas poussent à l’état sauvage. Ce sont les habitants de la forêt, les seringueiros, qui récoltent ce matériau.  » Une école a été créée sur place, les matières premières sont payées avec un an d’avance et un procédé particulier a été enseigné aux locaux, pour leur permettre de transformer eux-mêmes le latex en feuilles de caoutchouc, afin de percevoir une meilleure rémunération, raconte le Belge Jean-Marc Ghys, propriétaire de la boutique bruxelloise Privejoke, qui suit la marque depuis ses débuts, et est même parti sur place, pour se rendre compte du travail accompli. Mais je ne suis pas Oxfam, je suis un magasin de mode. A côté de cette belle démarche, il fallait surtout que les articles me plaisent.  »

Dès l’origine, le modèle se veut simple, presque basique. Un pied dans l’engagement, l’autre dans la sphère fashion.  » On désirait en finir avec la vision de l’écologie de l’époque, liée au bonnet péruvien et au pull qui gratte « , raconte le duo. Un pari osé, mais qui paie, puisque ce sont 300 000 paires qui sont vendues annuellement. Tout n’est pas encore parfait. Dans un souci de transparence totale, la griffe explique sur son site les limites de son projet : des lacets qui ne sont pas encore en coton bio, faute de volume ; l’absence de recyclage des produits vendus ; le transport en avion pour livrer les Asiatiques et les Américains…  » On n’est qu’au début de quelque chose. Mais la conscience collective est désormais là « , concluent-ils. Avec, à la clé, des changements pour un monde meilleur. Pas à pas.

PAR CATHERINE PLEECK

 » On n’est qu’au début de quelque chose. Mais la conscience collective est désormais là. « 

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