Des clics (et des claques)

© INGRID OTTO

 » J’ai dû aller voir sur Wikipedia ! « , s’offusque un obscur blogueur. Appelons-le Roger. Roger, donc, est ulcéré par une chronique féministe qui analyse le dernier film de Tarantino. La journaliste y parle, entre autres, du  » male gaze « , un concept que Roger, qui s’intéresse tout de suite au féminisme depuis hier, estime être  » n’importe quoi « . Que faire face à cet argument massue ? Balayées, les décennies de recherches, aux latrines, la florissante littérature sur le sujet ! Si Roger ne connaît pas, c’est forcément nul. Le  » male gaze  » (soit  » regard masculin « ), ça fait au moins quarante ans qu’il a été théorisé. Il s’agit de la manière dont à la télé, dans la pub et dans l’art en général, les femmes sont représentées par des hommes et pour des hommes. Au cinéma, leurs répliques tiennent souvent sur un Post-it, elles ne sont que rire, cambrure, sensualité et grands yeux papillonnants. Soit : réduites à leurs fonctions décoratives et/ou sexuelles. L’homme, lui, est le héros, celui par qui l’action arrive, le sauveur, le narrateur. La femme est finalement là pour le mettre en valeur. Regardez des films hollywoodiens, quasi tous réalisés par des hommes, avec cette grille de lecture : vous ne verrez plus que ça. Et si ça ne vous intéresse pas du tout, sincèrement, peu me chaut, mais y’a moyen qu’on en parle sans se faire insulter ? Ça fait des semaines que la journaliste subit des viriles saillies suite à son article. Et principalement parce que ceux qui le lisent n’ont aucun début d’idée de l’existence des théories sur lesquelles elle s’appuie. Parce que oui, mes petits pères vociférants, pour savoir, faut se renseigner. Si je devais trouver un point positif aux réseaux sociaux, et ces derniers temps l’exercice n’est pas évident, c’est sans doute qu’ils ont permis une diffusion des savoirs qui étaient jusque là réservés à des petits cercles militants. Entre autres féministes. Face à tous les Roger du monde, nous sommes désormais mieux armées. Je comprends que ça fasse un peu peur. Mais va chouiner ailleurs, Roger.

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