Entre parenthèses

© NICOLAS BALMET

Je vous préviens : c’est l’heure des adieux, et je ne suis pas du tout doué pour ça. Vous allez me dire que personne n’est doué pour ça. On est bien d’accord. Sauf que chez moi, c’est maladif. Tiens, l’autre jour, j’ai dû dire au revoir à un vieux sparadrap qui s’agrippait depuis trop longtemps sur mon bras en raison d’une horrible blessure (une piqûre d’ortie), et en le jetant, je n’ai même pas su quoi lui dire. Certes, j’ai finalement opté pour un très cocasse  » Repose en plaie « , mais j’étais bien conscient que ce brin d’humour cachait surtout ma difficulté à accompagner ce petit bout de tissu vers son dernier voyage. Alors ne m’en voulez pas. Cette chronique s’arrête ici (enfin, pas vraiment  » ici « , c’est une expression : en fait, pour être précis, elle s’arrête en bas de la page, j’imagine que vous aviez compris). La raison est simple : ces parenthèses avaient pour but de dérider gaillardement vos esprits confus tout au long du confinement. Mais là, on peut dire qu’on a clairement tourné la page. On a ouvert les portes du fameux  » monde d’après qui ressemble comme deux gouttes d’eau au monde d’avant « . Je ne sais pas vous, mais de mon côté, j’ai observé des signes qui ne trompent pas. Mardi dernier, par exemple, alors que je déconfinais tranquillement en voiture, j’ai constaté un  » ralentissement sur le Ring extérieur de Bruxelles en direction de Grand-Bigard « , me rappelant ce dicton prononcé chaque matin à la radio depuis ma naissance et probablement depuis la naissance de mes arrière-aïeuls. Quel choc. Un embouteillage. Je n’avais plus assisté à une telle scène depuis trois bons mois. Mes bras m’en tombèrent (encore une fois, c’est une expression, hein). Pourtant, j’y ai vu un véritable symbole : celui de l’épilogue d’une longue et formidable période d’insouciance. Un peu comme la fin de Woodstock, la séparation des Beatles ou la mort de Mufasa. L’orchestre qui cesse définitivement de jouer. Hasta la vista, baby. Le lendemain, comme si le message n’était pas encore assez clair, un ami m’appelait pour m’inviter à manger chez lui, me faisant comprendre que les haricots étaient vraiment cuits (oui, c’est une expression ! Vous connaissez beaucoup de gens qui invitent d’autres gens à manger des haricots chez eux, sérieusement ? ). Bref, on y est. Il est temps de se quitter. De sortir les mouchoirs et de laisser nos chouettes moments sur le quai de la gare. Soyons forts. Je suis certain qu’on se reverra, ici ou ailleurs. Bien sûr, ça va me faire drôle de ne plus vous parler de mon barbecue, de mes avions en papier, de mon anniversaire ou de mes vacances. Mais permettez-moi d’être sérieux durant quelques phrases. On s’en fout, de tout ça. Le plus important, c’est que vous soyez là, en pleine forme, à quelques enjambées d’un été que je vous souhaite aussi paisible que passionné. D’ailleurs, je vous ordonne de vous marrer, de vous enivrer et de ne rien prendre au sérieux pendant les semaines à venir, O.K. ? Et puis, je vous supplie de garder en tête toutes les choses constructives que vous avez ressenties ou apprises durant cette longue parenthèse. Alors à partir de maintenant, on arrête de se plaindre, on se rend compte de notre chance, et on avance. Voilà, cette chronique s’arrête (vraiment) ici.

Petit u0026#xE0; petit, notre vie sociale refait son nid. u0026#xC7;a sent mu0026#xEA;me du0026#xE9;ju0026#xE0; un peu l’u0026#xE9;tu0026#xE9;, la cru0026#xE8;me solaire et la cru0026#xE8;me glacu0026#xE9;e. Mais lu0026#xE0;, il faut que je vous avoue un truc…

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