Tout l’été, Le Vif Weekend fait une pause dans les cafés de nos provinces. Cette semaine : un ancien bar clandestin, les plus beaux seins du Brabant wallon et Dalida a cappella.

Elle est mondialement connue dans son entité. En quarante ans, Raymonde Barcelo aka Poupette a fait de son bar éponyme une institution du BW. À mille lieues de la Wallifornie tout en teints mimolette et pulls noués sur les épaules, l’antre populaire de cette femme de gouaille apparaît comme une heureuse anomalie dans un paysage menacé par l’ignorance agissante des tenants du lounge. Ici, pas de hauts verres de vins snobs aussi chiches que chers, on vient de loin vers Hamme-Mille pour répondre à la question qui invariablement débute toute conversation accoudée :  » Et pour toi Minou ?  » Car si l’offre ne brille pas par sa variété (chopes en bouteille, pinards discount et alcools classiques,  » pas de café, la machine est foutue « ), le service, botte secrète de la tenancière, s’avère plus que généreux.  » La dose Poupette est imbattable « , témoigne un jeune barbu à accent Vondel qui passe régulièrement la frontière linguistique toute proche pour s’offrir une  » parenthèse hors du temps (sic) à l’intérieur de laquelle tout le monde se tutoie « . La proprio confirme, d’une voix travaillée jadis par le tabac blond avant que le crabe essaie de l’attraper par la gorge :  » J’aime les gens, et c’est dit avec le c£ur, y’en a qui m’ont fait crever mais je les ai tous domptés. Chez moi, il n’y a pas de place pour les têtes d’ampoules et les dikkeneks.  »

Quand elle dit chez moi, il faut l’entendre littéralement. Nous sommes effectivement à l’arrière de sa maison de briques élevée au début des sixties, alors qu’elle débarque de sa Champagne natale, jeune trentenaire, son militaire belge de mari au bras. Jeunes brabançons en recherche de nid, n’écoutez pas :  » Il n’y avait personne ici, on a acheté le terrain 37 000 francs.  » Très vite, par le bouche-à-oreille, la bicoque devient  » le  » rendez-vous bibitif et festif des alentours. C’est un café hors normes, certains lâchent clandestin pour épicer la légende – comprendre sans registre de commerce. On la dénoncera, elle se mettra en règle et agrandira trois fois, pieds de nez aux délateurs. L’époque est restée mythique. Vérité ou fantasme, des bruits courent encore sur le caractère alors peu catholique de ce club privé de campagne.  » On raconte des choses…, constate-t-elle. J’étais juste très jolie, tout le monde m’adorait. J’avais les plus beaux seins du Brabant wallon mais je ne les ai jamais montrés à personne d’autre qu’à mon mari.  » Rire collégial,  » la même, Minou ? « 

On n’en saura pas plus et qu’importe les mauvaises langues, il reste toujours le charme du secret. Et la saveur bien vivace d’une convivialité franche et sans détours quand la reine du bar, une fois l’ambiance à point, s’empare du micro et fait grésiller ses cordes vocales sur des paroles de Dalida ( Gigi l’amoroso) ou de la Piaf ( Mylord) alors que l’audience entonne des  » Allez Poupette !  » dignes d’un match de Jean-Mi le pongiste. Une atmosphère dont il reste à espérer qu’elle perdurera après les transformations prévues ce mois d’août par le fils héritier de ce royaume décontracté du coude. On serait triste de devoir chanter sur un air de Delpech que c’était bien, chez Poupette.

32, rue de Tourinnes, à 1320 Hamme-Mille.

PAR BAUDOUIN GALLER HENDRICKX

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