Michel Verlinden
Michel Verlinden Journaliste

A la veille de fêter ses dix ans d’existence, le Fooding débarque ce week-end à New York en grande pompe. Portrait d’un fondateur aux anges qui se profile plus que jamais comme le fils rebelle de la gastronomie française.

Alexandre Cammas sort de quatre mois exténuants. Quatre mois au cours desquels il a vécu à New York avec femme et enfants dans le but de mettre sur pied Le Fooding d’Amour Paris – New York, un événement en forme de consécration pour un concept à la base 100 % frenchy. Le Parisien lève le voile sur deux jours d’un line-up carabiné au P.S. 1, une ancienne public school devenue espace d’art contemporain, affilié au prestigieux MoMa, Museum of Modern Art :  » On signe un event pointu en faisant se croiser chefs, graphic de-signers, mixologistes et DJà parisiens et new-yorkais. Il y aura entre autres David Chang, Wylie Dufresne, William Ledeuil et Daniel Boulud aux fourneaux mais aussi Paul Sevigny et Kolkoz aux platines « . Sans parler du programme qui porte la patte desillustrateurs les plus en vue du moment, de So-Me à Paul Sahre, en passant par Tim Tomkinson et André.

Fooding : contraction de food et feeling. Quand ce néologisme – le mot n’existait pas davantage en anglais – est né sous la plume du journaliste Cammas, en février 1999, peu d’observateurs ont pensé qu’il durerait plus d’un été. Au départ il a même tout du buzz éphémère.  » J’ai mis le doigt un peu par hasard sur un changement dans le goût du jour. J’avais un bon mot mais il était vide de sens. La force du fooding tient au fait que l’on (NDLR : avec son complice Emmanuel Rubin) a mis du temps à lui trouver un contenu. Au départ, en journalistes, on s’est contenté de raconter sans £illères ce qui se passait d’intéressant en cuisine sans se soucier des genres, de la pizzeria à la grande table. Après, on a ambiancé tout cela avec des événements uniques mêlant cuisine, arts graphiques et musique. On a réveillé la gastronomie pour la rendre plus sexy et plus populaire.  » Du coup, en dix ans, le fooding n’a cessé de monter en puissance. Désormais, il est pressenti comme une sorte de label en phase avec l’époque, véritable alternative aux guides gastronomiques classiques.

Avoir jeté un tel pavé dans la mare gastronomique correspond bien à la nature profonde d’Alexandre Cammas.  » J’ai toujours pris plaisir à contredire les gens à table, d’abord mon père, ensuite mes beaux-parents, finalement tout le monde.  » Né anticonformiste, il appartient à la filière aveyronnaise, la même que celle des frères Costes, celles de ces provinciaux montés à Paris pour y ouvrir bistrots et restaurants. Chez les Cammas, on est cafetier de père en fils. Pas lui, même si son bac en poche, il opte pour l’école hôtelière à Strasbourg. A défaut. Il sèche les cours de cuisine qui l’ennuient copieusement.  » J’étais mauvais. Je me souviens d’un examen où je devais réaliser une pièce montée. Elle était de travers, un désastre. Au moment de l’inspection, je me tenais un peu penché derrière pour essayer de corriger la perspective. « 

Il revient à Paris où il enchaîne les petits boulots tout en tentant sa chance comme pigiste, un vieux rêve. Culotté, il envoie une lettre à Monique Pivot – l’épouse du célèbre animateur – alors directrice du magazine de Gault & Millau. Fort de cette petite collaboration, il se vend à d’autres journaux, notamment Libération. C’est là qu’il est repéré par Jean-François Bizot, fondateur d’ Actuel et découvreur de talents, qui le transfère à Nova Magazine.  » C’est lui qui m’a décapsulé, il m’a tout appris.  » Ensemble, ils signent le premier guide Fooding.  » Un bouclage de folie, 10 jours et 10 nuits chez lui. J’ai failli jeter l’éponge cent fois.  » Le succès du guide l’amène à imaginer des mises en scène pour accompagner leur sortie.

En 2002, bingo, le Tout-Paris est présent à un pique-nique décalé au Palais de Tokyo, une première du genre où se bousculent Emmanuelle Devos, Anne Brochet, Starck, Orlan, Annette Messager, Ariel Wizmanà 2008 marque l’année de l’internationalisation du concept, à Bruxelles, marché-test s’il en est. Un an plus tard, le couvert est dressé à New York, vitrine ultime. Le fooding est désormais sur des rails et Cammas en apesanteur.

Michel Verlinden

J’ai toujours pris plaisir à contredire les gens à table, d’abord mon pèreà finalement tout le monde.

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