Hambourg city in progress

Michel Verlinden
Michel Verlinden Journaliste

épicentre de la coolitude allemande, Hambourg est le city-trip incontournable du moment. Au programme de ce parcours en tissu urbain aujourd’hui en pleine expansion : architecture, création, scène off et green attitude.

« Vivre et laisser vivre, tel est le mot d’ordre à Hambourg. Cette ville portuaire offre une ouverture d’esprit que l’on rencontre rarement dans d’autres endroits. A cela s’ajoute un décor exceptionnel où le vert des parcs et le bleu de l’eau dominent à La qualité de vie y est vraiment unique « , commente Alfredo. Ce Bordelais stylé a quitté la France il y a trente ans pour s’installer au c£ur de ce confluent où se joignent Alster et Elbe. Pas une seconde il n’a envisagé de quitter ce paradis d’air pur et de liberté.

En quelques décennies, Hambourg s’est tracé un horizon nouveau. La ville est désormais bien loin de l’image de  » cité de tous les péchés  » – à l’image du trop fameux quartier chaud de Red Light District sur la Reeperbahn – que du statut de havre bourgeois et hautain qu’on a pu également lui prêter. Désormais, cette ville en phase avec son temps invente et innove. Boostée aux nouveaux concepts, elle fait preuve d’ouverture. Ainsi, elle fut la seule à accueillir en 2007 le fameux Cube du plasticien Gregor Schneider. Conçue comme un  » monument à la tolérance « , cette £uvre inspirée par la Kaaba – édifice cubique et sacré de La Mecque – n’avait pas obtenu droit de cité à Berlin et à Venise. Motif invoqué : éviter d’éventuelles polémiques. Moins frileux, les commissaires d’exposition hambourgeois lui ont donné sa chance durant plusieurs mois. A raison, elle n’a pas causé la moindre vague. Preuve supplémentaire de l’esprit libertaire qui règne ici. Des vibrations positives qui contribuent ainsi à placer la ville hanséatique à la pointe des dernières tendances, qu’il s’agisse d’art ou d’architecture.

Moins stressante que Berlin mais tout aussi créative, Hambourg voit sa population croître régulièrement. La qualité de vie pousse en effet de nombreux Allemands, ainsi qu’une élite cosmopolite, à s’y établir. Les autorités de la ville ont prévu que, d’ici à 2040, il faudrait accueillir plus de 400 000 habitants supplémentaires. D’où la multiplication de projets de développement. Parmi ceux-ci, HafenCity (la Cité du port) se taille la part du lion. Ce qui n’était, il y a peu encore, qu’une friche du côté des docks est aujourd’hui un  » work in progress  » : un projet immobilier colossal regroupant 12 000 habitants. Ce périmètre de 155 hectares vibre quotidiennement au son des marteaux piqueurs et est survolé par un incessant ballet de grues de chantier. Peu à peu s’y trace le Hambourg de demain. Une ville où individus et conscience écologique sont au centre des préoccupations. Lofts, entreprises, restaurants, espaces de loisirs et magasins dessineront les traits de ce nouveau visage qui va prendre forme endéans les quinze années à venir. Dès le début de l’aventure, le projet architectural a aimanté les signatures les plus prestigieuses. Des Suisses Herzog & de Meuron à Rem Koolhaas, en passant par David Chipperfield. HafenCity ou comment ébaucher les lignes de demain.

Scène off

Possédant ses lettres de noblesse culturelles, Hambourg s’affiche entre autres comme la capitale du monde des médias allemands. Les hebdomadaires Der Spiegel mais aussi Stern et Die Zeit y ont leur siège. Cette présence importante de la presse n’est pas un hasard, la ville portuaire se plaît, en effet, à jouer les agitateurs d’idées. Quel que soit le domaine.

Pour prendre le pouls de cette cité en pleine effervescence, il faut se rendre au Sternschanze, le quartier qui monte. Situé au nord de Sankt-Pauli, ce périmètre urbain est résolument  » off  » comme aiment à l’affirmer les Hambourgeois lorsqu’il s’agit d’évoquer la scène hype. Truffé de cours intérieures, ce quartier autrefois malfamé est aujourd’hui devenu le repaire des artistes, des étudiants et des bobos. Les boutiques s’y succèdent, plus intéressantes les unes que les autres. Wohnkultur 66, par exemple, temple dédié au design scandinave, s’est installé dans un ancien abattoir. Crée par Anna-Martina Münch et Manfred Werner, cet entrepôt aux lignes brutes expose les pièces rares des designers les plus prestigieux, de Finn Juhl (1912-1989) à Alvar Aalto (1898-1976), en passant par le travail plus contemporain du Finnois Vesa Honkonen et sa remarquable chaise Kiasma. Pour un design plus accessible, rendez-vous au Lockengelöt, le shop de Dennis Carsten où ce créateur décalé et obsédé par la récupération fait de la rue son atelier lorsque le temps le permet. Pieds nus sur le trottoir, il imagine des sacs, des plats mais aussi des horloges sur la base de vieux vinyles. Côté mode, c’est la Marktstrasse qui s’impose. Les stylistes et les boutiques vintage s’y succèdent. Mention pour le magasin éponyme de Silvie Jungbluth, une adresse proposant une mode glam où les pin-up façon Betty Page croisent un univers gothique. Idem pour Hot Dogs, antre de la fripe figurant parmi les lieux pionniers de la rue. Dans cet esprit d’avant-garde, Sternschanze s’affiche comme un périmètre propice aux galeries d’art. L’artspace Heliumcowboy propose ainsi une sélection pointue d’artistes issus du Street Art et des pratiques artistiques urbaines.

Le quartier abrite également une quantité de bars et de restaurants. Au KaffeeKontor, petite cantine new-yorkaise, l’on craque pour les cafés de différentes origines et les pâtisseries home made. A Wein & Boules Vinum Weinhandel, un néo-caviste offre une sélection éclairée de vins autochtones et étrangers. Au Nil, un restaurant en vogue, la cuisine fusion franco-méditerranéenne y est un modèle d’équilibre et d’harmonie. Les bars, eux aussi, scandent avec beaucoup d’à-propos la nuit hambourgeoise. Absinth, au décor très poète maudit, rend évidemment hommage à la Fée verte. Dans un genre plus contemporain, les murs de 3Freunde, le nouveau cocktail-bar en vogue, laissent la parole à Anne Pfirsich, street artiste locale reconnue.

Ville easy-going

Quittant l’avant-gardiste Sternschanze, une balade à travers la ville livre son lot de surprises. Ainsi, les hôtels design s’y découvrent particulièrement atypiques. Tel l’East, un hôtel impressionnant qui a pris ses quartiers dans les murs d’une ancienne aciérie du xixe siècle. Mis en scène par Jordan Mozer, le célèbre architecte et designer basé à Chicago, l’enseigne propose des lignes organiques mêlant ancien et moderne, Orient et Occident. Le restaurant fusion ainsi que les chambres – où aucune séparation n’existe entre le lit et la salle de bains – sont la signature emblématique du lieu. Tout aussi vrai pour l’hôtel Side, bâtiment de huit étages en verre dont l’éclairage est l’£uvre du metteur en scène et plasticien nord-américain Bob Wilson.

La scène food livre aussi quelques temps forts. Mutterland associe ainsi boulangerie, épicerie fine et néo-cantine. Impossible de ne pas faire référence à l’enseigne new-yorkaise Dean & DeLuca, si ce n’est la touche viennoiserie et crèmerie allemande. L’adresse est parfaite pour un lunch léger dans un décor associant carrelage et bois. Dans un genre plus sophistiqué, Fillet of Soul s’affiche comme un haut lieu du live cooking. Accolé au Deichtorhallen – la Maison de la Photographie – ce restaurant branché décline une cuisine fusion préparée minute devant les convives. L’adresse témoigne de façon significative du food boom qui s’est emparé de la ville.

Pour des sensations plus architecturales, du côté des docks, entre la Van-der-Smissen-Strasse et l’Altonaer Balkon, trois réalisations détonantes sont signées par les architectes locaux Bothe, Richter et Teherani (BRT). La première, Dockland (2005), est un bâtiment entièrement construit sur l’eau. Faite de verre et d’acier, cette construction affiche un impressionnant profil acéré. La seconde, le Elbbergcampus (2003), est un complexe de lofts et de bureaux parfaitement inséré dans le paysage. La dernière, la plus impressionnante, est une réalisation en forme de porte-conteneurs destinée à accueillir un store Habitat.

Carnet de voyage en page 72.

Michel Verlinden

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