Un bon cru mais sage. C’est ce que l’on retiendra de la XXe édition du festival international des arts de la mode de la cité varoise. Une édition sans l’ombre d’un Belge mais qui a révélé le duo de Berlinoises c. neeon. L’occasion de découvrir aussi des jeunes stylistes venus de France, du Japon, de Colombie, d’Autriche et de république tchèque.

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Sur les hauteurs trône la villa Noailles, une maison à la romaine signée Mallet-Stevens qui s’ouvre sur des terrasses suspendues et des jardins secrets. Traditionnellement, chaque pièce y accueille, au moment du festival, l’univers d’un créateur de mode. En contrebas, au bout d’une route bordée de pins, s’étire, sur près d’un kilomètre, la plage de l’Ayguade. C’est ici qu’on avait installé, cette année, le chapiteau des défilés. Entre ces deux points cardinaux convergent, pendant quatre jours, les festivaliers. Une armée de branchés, venue de Paris, de Londres ou de Berlin pour dénicher les nouveaux talents de la mode et de la photographie et fêter cette année, du 29 avril au 2 mai dernier, les vingt ans du célèbre festival à Hyères. Un bon cru mais, de l’avis de tous, une édition sage, où l’absence des Belges a été remarquée.  » On nous avait habitués à plus de fantaisie « , commentent, à la sortie du défilé d’ouverture, deux habituées fidèles au rendez-vous depuis vingt ans. Les deux élégantes évoquent les noms de Viktor & Rolf, Xavier Delcour, Gaspard Yurkievich découverts ici.  » C’est jeune et sage « , renchérit la styliste belge Billie Mertens, lauréate du festival en 1992, et aujourd’hui enseignante à La Cambre.  » Ce qui a changé par rapport aux débuts où les candidats débordaient de créativité, c’est que tout est devenu très portable « , observe, de son côté, un photographe de mode qui suit le rendez-vous depuis la première édition.

Pas de Belges donc. Pourtant, Hyères sans Belge, c’est comme le Var sans accent : une contradiction. En 2003, Sandrina Fasoli et Laurent Edmond remportaient respectivement le Grand Prix du Jury et le Prix 1,2,3, du nom de l’enseigne de prêt-à-porter partenaire du festival. Cette année-là, on dénombrait pas moins de cinq Belges sur dix candidats présents dans la compétition. Jean-Pierre Blanc, le directeur du festival, tente une explication :  » Il faut reconnaître que la vague créatrice a un peu baissé en Belgique, affirme-t-il. Mais peut-être le fait qu’il n’y ait pas de Belges cette année va servir de stimulant. Avant, quand il y avait trop de Belges, on me demandait de faire des quotas pour les Français. Alors maintenant, je ne vais tout de même pas faire des quotas pour les Belges !  » Un attaché de presse de Pressing, l’agence parisienne en charge de l’organisation du festival, précise de son côté :  » Nous avons reçu moins de candidatures de La Cambre cette année. » Pas de Belge donc ou plutôt presque pas, car en cherchant bien, on trouve. Derrière ce duo de Japonais baptisé Rij, on découvre en effet Akira Naka, étudiant en troisième année à l’Académie d’Anvers. Cette Académie que le styliste trouve  » inspirante « , et où il a appris  » l’acceptation de la différence « . C’est d’ailleurs dans la ville flamande que le duo a créé pendant deux mois sa collection baptisée  » I accept you « . Des silhouettes d’une grande technicité qui avaient pourtant retenu toute l’attention, nous confiait un des membres du jury, la veille de la délibération. Mais les huit personnalités de la mode, dont le couturier Azzedine Alaïa, à qui revenait la responsabilité d’élire le jeune espoir de la création, en ont finalement décidé autrement. Lors de cette XXe édition, qui dénombrait quatre Français ainsi que deux Français d’adoption, un Tchèque et un Colombien, ce sont finalement les Allemands qui se sont distingués. La palme û ou plutôt le palmier û est revenu aux Berlinoises Clara Kraetsh et Doreen Schulz, réunies sous la griffe c. neeon et récompensées pour leur univers coloré et graphique. Tonja Zeller, de Hambourg, la chouchou des journalistes de mode, est repartie, quant à elle, avec le Prix 1,2,3 pour ses vêtements sobres et raffinés. Un prix qui a également été décerné au Colombien David Gil pour sa collection explosive baptisée 777 et qui est constitué d’une bourse de 15 000 euros doublée de l’opportunité de commercialiser une ligne dans les boutiques 1,2,3 de France et de Belgique.

Dimanche 1er mai, le soleil brillait sur le dernier défilé du festival. Sur la plage de l’Ayguade, on attendait la fête organisée par Swarovski, nouveau partenaire du festival aux côtés de LVMH, L’Oréal Professionnel et 1, 2, 3. Et sur les hauteurs de la ville, à la villa Noailles, on s’apprêtait à souffler les 20 bougies. Pour les créateurs, les professionnels de la mode et les organisateurs, la nuit allait être longue car, comme dit la chanson entonnée durant les défilés, on n’a pas tous les jours 20 ans. 20 ans et des poussières, c’est aussi l’âge des stylistes qui ont souhaité au festival varois un joyeux anniversaire. Petit tour d’horizon des lauréats et de nos coups de c£ur.

Les variations graphiques de c. neeon

Grand Prix du Festival de Hyères 2005. A la clé, un défilé à La London Fashion Week en septembre soutenu par Top Shop et Harrods, une collection  » Capsule  » pour Top Shop et leur collection commercialisée à la boutique Maria Luisa à Paris.

CV : Clara Kraetsh, 28 ans et Doreen Schulz, 27 ans, Berlin (Allemagne). Formées toutes les deux à la Kunsthochschule Berlin WeiBensee (KHB), Clara a ensuite travaillé chez Bless à Paris et Doreen £uvre pour Bernard Willhem à Anvers depuis 2001.

Signe distinctif :  » Way too blue  » est une collection très graphique, nourrie d’imprimés à la Mondrian, qui s’inspire en réalité des paysages urbains de Berlin.  » Nous avons voulu traduire tout ce que l’on voit quand on roule très vite dans la ville : les feux de signalisation, les lumières, les croisements, les gens… « , explique Clara. Les deux amies, qui se sont rencontrées pendant leurs études et créent en duo depuis trois ans, proposent des tops à capuche sur des leggings en maille, des robes cagoules à enfiler sur des collants et jouent sur les superpositions de rayures et de couleurs.

La nature explosive de 79934321

Prix du public et Prix 1, 2, 3.

CV : David Gil, 27 ans, rebaptisé 79934321, le numéro de son passeport colombien, a étudié la mode au Fine Art College de Miami, à la Chambre syndicale de la Haute Coutu-re à Paris et à l’IFM, (section management), à Paris.

Signe distinctif : sa mode est directement issue d’une étude psychanalytique sur l’état du monde. Diagnostic : la peur d’une perte d’identité. Ce constat est le point de départ d’un défilé assez violent, où les mannequins portent des moulages de têtes en guise de sac à main, où le c£ur humain bat sur des tee-shirts, où les robes sont équipées de cartouches qui explosent sur le catwalk et où les chaussures sont calquées sur des revolvers. Pour cette première collection que le Colombien a voulu très expérimentale, le créateur s’est notamment associé avec d’autres artistes pour la confection des accessoires. Avec le Franco-Suédois Thomasine Giesecke qui a signé un sac baptisé  » à c£ur ouvert  » et avec Nicolas Babinet qui a fabriqué  » le corset kamikaze « . La mise en scène originale de cette collection intitulée 777 (il vit depuis sept ans en France, il a présenté sept silhouettes à Hyères, et 7 est le premier chiffre de son passeport) a non seulement conquis le public à Hyères mais surtout la marque 1,2,3 qui distribuera une partie de sa collection dès l’hiver prochain.

La douce sobriété de Tonja Zeller

Prix 1, 2, 3.

CV : Tonja Zeller, 34 ans, Hambourg (Allemagne) a étudié à l’Université des Sciences appliquées (section design) de Hambourg.

Signe distinctif : une classe et une distinction naturelle que l’on retrouve dans ses vêtements. Des pièces d’une belle sobriété, aux coupes impeccables déclinées en noir ou en blanc : leggings portés sous des jupes avec des spartiates, assortis de petits pulls noirs en maille transparente. Ses ensembles noirs à capuches et ses combinaisons se portent avec un top à dos nu et des boots. Des silhouettes féminines qui ont séduit, à l’unanimité, les journalistes de mode.

Grâce au Prix 1, 2, 3, sa collection sera disponible l’hiver prochain dans les boutiques 1, 2, 3 de France et de Belgique.

Tendance néomoyenâgeuse chez Romain Kremer

Mention spéciale du jury.

CV : Romain Kremer, 23 ans, France, formé à l’école Duperré, à Paris.

Signe distinctif : Romain Kremer aime définir sa collection comme néomoyenâgeuse. Ses petites jupettes pour hommes n’ont rien de féminin.  » Au Moyen Age, les hommes portaient des jupes, rappelle-t-il. Cette interprétation du masculin féminin, c’est récent.  » On retrouve aussi dans ses créations des références aux années 1980.  » Impossible d’y échapper, c’est notre génération « , dit-il. Chez lui, les anoraks sont revisités en version cuir et les salopettes, en velours côtelé, sont portées sur des sous-pulls bleu pétrole. Le styliste a été tout particulièrement salué par le jury pour son univers créatif. Il habillera les vitrines de la boutique Maria Luisa à Paris pendant la semaine de la mode en octobre prochain.

Une féminité épurée signée Rij

CV : Akira Naka, 32 ans et Kenji Tanaka, 23 ans, sont japonais. Akira est étudiant à l’Académie d’Anvers. Kenji est diplômé du Bunka Fashion College à Tokyo d’où est sorti notamment Junya Watanabe.

Signe distinctif : cette colllection, réalisée à Anvers et baptisée  » I accept you « , déploie une grande technicité notamment à travers de beaux manteaux, où la flanelle se fond dans de la maille, portés au-dessus de jupons violets. Une extrême sobriété et une douce féminité pour cette collection qui aurait mérité d’être primée.

Les petites filles pas sages d’Estelle & Marion Hanania

CV : Estelle et Marion Hanania, 24 ans, sont parisiennes. Marion a suivi l’enseignement de l’Ecole Duperré, à Paris. Et Estelle a suivi une formation en graphisme à l’école Estienne et aux Beaux Arts (section photo) à Paris.

Signe distinctif : les deux s£urs jumelles signaient ici leur première collection en duo. Estelle définit l’univers et Marion le conçoit. Marion créait déjà des chaussures (en vente à la Samaritaine à Paris) pour lesquelles elle a reçu le prix La Redoute en mars 2002. Ainsi, elle a commercialisé un modèle de botte dans le catalogue. Pour cette collection ultraféminine, présentée à Hyères sous le nom de  » Marble’s flesh « , elles ont voulu jouer sur les contrastes d’un cuir un peu agressif associé à une jupe fluide et transparente. Leurs vêtements, qui s’effeuillent, se veulent  » initiatiques « . C’est féminin,  » mais pas uniquement romantique « , clament-elles. Une collection que l’on aurait bien vue chez 1,2,3.

Jakub Polanka dévoile la femme

CV : Jakub Polanka, 25 ans, République tchèque, a suivi l’enseignement de l’Institut français de la Mode (IFM) à Paris.

Signe distinctif : pour lui, la mode est un message, une vision à partager. Sa collection, modulable et transformable, baptisée  » Transformation « , donne à la femme le loisir de s’exposer autant qu’elle le souhaite. Si, lors du premier passage, le corps et le visage sont entièrement recouverts, le vêtement va s’effeuiller au fur et à mesure du défilé pour devenir une jupette bulle à porter sur un top en mousseline transparente. Les références à son pays natal sont nombreuses. Un talent émergent de République tchèque où les artistes ont besoin de se faire connaître.  » C’est comme si nous étions encore communistes, confie le jeune styliste. Les artistes ont peur ou sont cachés. Quand les gens ont de l’argent, ils achètent des grandes marques. Ils ne prennent pas le risque de s’intéresser aux jeunes créateurs.  » Emigré à Paris, il n’y trouve pourtant pas plus de liberté.  » Il y a trop d’argent à Paris. Du coup, les gens ne sont pas libres de faire ce qu’ils veulent vraiment « . L’Europe ?  » On verra dans cinq ans. Pour l’instant, ce sont les autres qui viennent produire chez nous car la main-d’£uvre est moins chère, mais ça ne nous rapporte pas grand-chose.  »

Agnès Trémoulet

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