La fascination

© RENAUD CALLEBAUT

L’Institut Français de la Mode prépare la rentrée scolaire de septembre prochain. Sur le toit-terrasse de cette nouvelle école, née de la fusion de deux prestigieuses institutions parisiennes, la codirectrice des programmes de création s’est posée un instant pour dire ses chances folles.

Sur ses épaules, un manteau d’homme Etudes dont le noir profond tranche à peine avec le gris de son chemisier signé Guillaume Henry pour Nina Ricci, aux pieds, des boots Celine, époque Phoebe Philo, qui caressent à peine l’ourlet d’un pantalon griffé de même –  » Je suis une fille à pantalons.  » Est-ce parce qu’ils n’entravent ni la marche ni l’envolée légère, façon entrechat ? La codirectrice des programmes de création du nouvel Institut Français de la Mode n’a rien oublié de ce qu’elle a appris aux côtés de Karl Lagerfeld, cette idée que  » aussi forte, originale, intéressante qu’elle puisse être, à la fin, la proposition d’un créateur doit être portée par quelqu’un « . Elle avait 20 ans et venait d’abandonner, sans se retourner, le métier de danseuse. Elle en avait pourtant rêvé toute sa jeune vie, à Paris, Bruxelles puis retour à Paris, forgeant son corps et son âme à l’aune de cette rigueur, de cette esthétique ancrée dans la musique classique, de cette baudelairienne  » poésie avec des bras et des jambes « . Mais à peine arrivée à New York, où elle avait été engagée dans une compagnie nouvellement créée, elle avait  » dépéri  » –  » J’étais déracinée, j’ai compris que je n’étais pas une nomade.  »

J’ai toujours u0026#xE9;tu0026#xE9; subjuguu0026#xE9;e par la cru0026#xE9;ativitu0026#xE9; des gens.

Il avait alors fallu rebondir, dans le désenchantement. Son père veut la présenter à monsieur Lagerfeld, elle demande :  » Qui est-ce ?  »  » J’ignorais ce que l’on faisait dans une maison de mode, je suis arrivée là tout intimidée. On avait besoin de quelqu’un à la production, j’ai eu une chance folle.  » Elle pénètre alors dans un univers où s’enchevêtrent mêlés serrés les tisseurs, les fabricants, les petites mains, l’atelier, les modélistes, le studio,  » un monde magique  » qui la fascine – comment ne pas l’être à voir un dessin devenir réalité ? Bien sûr, très vite, elle enchaîne les étapes, se nourrit de tout, aiguise son oeil, devient directrice de collection en 1986, ce sera son métier, qu’elle pratiquera ensuite ailleurs, chez Martine Sitbon, Ungaro, Celine, Nina Ricci et Sonia Rykiel, histoire de se  » frotter à d’autres créateurs, voir la mode à travers d’autres yeux « , le syndrome de l’autodidacte. Dans l’entre-deux si étroit, elle se marie avec Ralph Toledano – aujourd’hui président de la Fédération de la Haute Couture et de la Mode -, met au monde une fille puis un fils, ne pense plus jamais à enfiler des chaussons de danse, ne pas risquer de bafouer l’excellence d’antan.

En 2010, la Chambre syndicale de la couture parisienne l’approche pour qu’elle monte ex nihilo le programme de la quatrième année de son école, sa troisième vie peut débuter. Et tandis qu’elle le conçoit en équipe, sans savoir que huit ans plus tard, aujourd’hui, elle ferait pratiquement de même pour le nouvel Institut Français de la Mode, Mathias Ohrel, du cabinet de recrutement m-O Conseil, la challenge et lui propose de le rejoindre –  » Tu commences lundi prochain.  » Depuis, Céline Toledano pratique aussi le métier de chasseuse de tête avec cet instinct singulier qui l’habite, en passeuse de savoir-faire.  » Je me suis concentrée sur les créatifs et les métiers que j’ai pratiqués, la direction de production, de collection, les ateliers. J’ai toujours été subjuguée par la créativité des gens, observer de quoi se nourrit la création, ce qu’elle retraduit. Quand je rencontre des personnes de très haut niveau, parfois très jeunes, cela me met en joie.  »

Pour l’heure, avec l’équipe de la nouvelle institution née de la fusion de l’IFM et de l’Ecole de la chambre syndicale de la couture, elle met la main à la dernière mouture de ce projet ambitieux et passionnant qui entend enseigner la mode comme nulle part ailleurs. Il y sera question de savoir-faire, de créativité et de management de luxe, avec la seule philosophie qui vaille réellement : prendre les chemins de traverse. De sa vie, elle n’a jamais fait autre chose.

Bio express

1984 Met fin à sa carrière de danseuse et entre chez Karl Lagerfeld.

1995 Devient directrice de collection chez Martine Sitbon.

1998 Est nommée chez Nina Ricci.

2003 Entre chez Sonia Rykiel.

2010 Rejoint m-O Conseil et dirige la 4e année de l’Ecole de la chambre syndicale de la couture.

2018 Codirige les programmes de création du nouvel Institut Français de la Mode.

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