L’optimisme comme remède à la crise. Utopique, selon vous ? Pas de doute, vous faites partie des pessimistes. La lecture de cet article est dès lors susceptible de vous donner de l’urticaire. Serez-vous suffisamment téméraire pour y plonger ? Après tout, le seul risque est de finir par voir la vie du bon côté…

Admettons-le d’emblée : être cynique, sarcastique, pessimiste, limite aigri, c’est terriblement trendy. La faute aux icônes : de Houellebecq à Woody Allen, en passant par Beigbeder ou Humphrey Bogart, il n’y en a pas un pour rattraper la moue désillusionnée de l’autre. À l’inverse, une bonne humeur permanente est terriblement ringarde, voire suspecte. La preuve : aucune personnalité n’ose afficher un sourire XXL au quotidien. Pas même Obama. Parce que depuis le Candide de Voltaire, les optimistes passent pour des cons. Si. Même Charles Baudelaire avait défini cet a priori dans son dictionnaire des idées reçues :  » Optimiste : équivalent d’imbécile « . Alors forcément avancer l’optimisme comme remède miracle pour solutionner les maux de la Terre, c’est du suicide médiatique.

Et pourtant. Cela n’a pas empêché Laurence Shorter d’en faire le but de sa vie : convertir le monde entier à l’optimisme. Ce chômeur trentenaire britannique, un brin paumé, s’est un jour mis en tête d’écrire un best-seller en dévoilant la recette du bonheur. Pour y parvenir, il décide de rencontrer les plus grands optimistes de ce monde pour leur demander leurs astuces. Avec Bill Clinton en point d’orgueà Histoire de montrer à son père, pessimiste notoire, qu’il a réussi son pari.

Laurence Shorter démarre donc sa quête avec la définition traditionnelle de l’optimisme, celle qui fait voir systématiquement le verre à moitié plein. Trois ans de voyages et de rencontres plus tard, notre homme comprend qu’il se goure complètement. Depuis, il nous offre une nouvelle définition, car l’optimisme, selon lui, c’est justement pile l’inverse de  » voir la vie en rose « .  » Je l’appelle « la pensée positive inverse ». On devient optimiste en percevant clairement les sentiments et les pensées négatives qui habitent notre cerveau, et qui règlent nos façons de réagir aux événements. Une fois qu’on les identifie et qu’on les canalise, ces pensées négatives ne peuvent plus nous commander aussi facilement.  » Le point commun des optimistes qu’il a questionnésà

Parce que son livre, Laurence Shorter l’a bel et bien écrit. Et fait traduire (1). Au fil de son enquête, il a interviewé l’archevêque Desmond Tutu, le philosophe bouddhiste Matthieu Ricard, l’entrepreneur sud-africain aux idées humanistes Taddy Blecher, la coach de vie Byron Katie ou encore le milliardaire Richard Branson et, aussi, l’ex-président Bill Clinton…  » J’ai découvert que les optimistes les plus extra-ordinaires partageaient une même approche du bonheur, s’enthousiasme-t-il. Il n’est pas question de rester positif envers et contre tout ou de forcer son positivisme, mais de voir, comprendre et accepter les véritables configurations de l’esprit. Pour se rendre compte du processus mental, et cesser l’identification constante de nos pensées. C’est cela qui semble être le vrai secret de l’optimisme.  » Plutôt que de se dire  » je ne vais jamais y arriver « , optons pour le  » ce sera dur, mais je vais y parvenir « . D’ailleurs,  » impossible  » ne fait pas partie du vocabulaire des optimistes.

Worry but be happy

Délicat, face à une personne qui vient de perdre son emploi, de déclarer que c’est l’occasion rêvée pour trouver le job de ses rêves ? Tout dépend de qui on a en face de soi.  » Il est important de respecter le niveau de chacun, souligne l’écrivain optimiste, devenu paradoxalement auteur dramatique. On peut donner cette réponse à quelqu’un qui avait envie de savoir comment se sentir mieux psychologiquement. Mais finalement, c’est une question de langue et de vocabulaire. Le chemin n’est pas le même pour tout le monde. Il n’existe pas de recette universelle. Mais il est plus facile de trouver un nouveau boulot si on se sent heureux, non ? « 

Toutefois, comment ne pas se laisser entraîner dans le tourbillon des mauvaises nouvelles ? Un seul JT pris au hasard suffit pour déchanter : licenciements massifs, conflit israélo-palestinien, menace terroriste ou bactériologique, crise économique et boursière, problèmes environnementaux, faim dans le monde, progression du sida, criminalité, surpopulation, catastrophes naturelles, OGMà Avec un tel lot de nouvelles effrayantes, difficile ne pas déprimer et penser que la planète tout entière court à la catastrophe. La faute aux médias, le marasme ambiant ? Trop facile.  » C’est une erreur de tenir les medias responsables de notre pessimisme, clame Laurence Shorter. Il faut plutôt voir la responsabilité du côté de cette caractéristique universelle de l’être humain à croire aux pensées négatives émises par son cerveau. Les medias agissent simplement comme miroirà « 

Heureusement, Laurence Shorter n’est pas le seul  » illuminé  » à croire dans le bienfait des pensées positives. Dans notre pays, il existe, depuis quelques années déjà, la ligue des optimistes du royaume de Belgique (2). Leur doctrine ?  » Nous avons un esprit et non une doctrine : un esprit de solidarité, de justice, de liberté, de respect pour la personne humaine. Si diverses que soient nos croyances, si dissemblables que soient nos milieux, nous avons tous cette conviction commune que c’est pour l’homme un devoir positif de se dévouer et d’agir. Nous estimons donc que toutes les façons de vivre ne sont pas équivalentes. Nous combattons le nihilisme moral, quel que soit le nom qu’il porte. Nous croyons à la nécessité, à l’efficacité de l’effortà Nous sommes persuadés que, dans notre société émiettée, les divisions sont plus factices et moins irréductibles qu’elles ne le paraissent et que, dans une commune recherche de la paix sociale et de l’union nationale, peuvent se rencontrer les hommes de bonne foi, dégagés de tout esprit de secte et de parti…  » Les optimistes sont humanistes et partagent le sentiment intrinsèque que l’homme est bon. C’est par la coopération qu’on trouvera les solutions.

L’optimisme, c’est la santé Le secret du bonheur, alors ? Le lâcher prise. Ne plus avoir peur de la mort, ni de l’échec, oser avancer, apprendre à rebondir, et ne jamais se laisser décourager. Facile ? Pas tant que ça !  » J’ai en effet rencontré certaines personnes qui l’ont trouvé soudainement et facilement, simplement parce qu’elles l’avaient décidé, confie Laurence Shorter. Comme Kastan Akira, une femme au foyer californienne qui a décidé un beau jour d’être heureuse plutôt que d’attendre que le bonheur arrive enfin. Et qui en a fait une philosophie de vie développée dans son livre si joliment titré Choose Happiness Now (Happiness Now Publications) –  » Choisissez le bonheur maintenant « . Ou comme Immaculée Ilibagiza, une rescapée du génocide rwandais, qui après avoir vécu cachée trois semaines dans sa salle de bains a survécu à cette épreuve effroyable parce qu’elle a réalisé, à un moment, qu’elle avait le pouvoir d’accepter cette situation, de pardonner à ses tueurs potentiels et de vivre sans crainte. Mais selon moi, dans la majorité des cas, le lâcher prise est un voyage, une évolution.  » À nous donc de trouver, comme il aime l’appeler, notre  » facteur saut du lit « , celui qui nous donne l’énergie de nous lever le matin en ayant la volonté d’accomplir de belles missions. Un facteur propre à chacun de nous.

S’il vous fallait encore une raison pour rejoindre le camp des optimistes, sachez que ceux-ci sont en meilleure santé, grâce à un système immunitaire moins affaibli !  » Des études prospectives réalisées sur vingt ou trente années montrent qu’une attitude optimiste permet de vivre plus longtemps et en meilleure santé, souligne le Belge Thierry Janssen (3), auteur de Vivre en paix (Marabout). On considère même que les pensées et les émotions dites  » positives  » constituent un avantage évolutif pour l’espèce humaine, dans le sens où elles permettent d’échapper aux effets délétères du stress.  » Commencez par vous entourer de gens qui ont la pêche, car, bonne nouvelle : l’optimisme est contagieux ! Ensuite, gardez à l’esprit que le bonheur est une décision. On peut choisir d’être heureux, mais pour cela il faut le vouloir. Vraiment.  » La prise de décision, la volonté d’être optimiste est le plus important, conclut Laurence Shorter. Après c’est un voyage qui peut durer toute une vie. Mais on peut modifier son état de pensée tout de suite. Les techniques bouddhistes, la thérapie de comportement cognitif sont autant de méthodes qui nous aident à y parvenir progressivement.  » Départ immédiat pour l’odyssée de l’espoir.

(1) Le Secret de l’optimiste : le tour du monde d’un acharné du bonheur, éditions JC Lattès, 2009.

(2) www.liguedesoptimistes.be

(3) Propos recueillis par Psychologies. com

Valentine Van Gestel

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