Désuètes les bonnes manières ? Non, non ! Les règles de savoir-vivre et les comportements héroïques signent leur retour. En se conjuguant dorénavant avec glamour. et humour !

Il fut un temps où les hommes s’adonnaient avec plaisir au baisemain, maîtrisaient les règles de bienséance, défendaient la veuve et l’orphelin avec vigueur et offraient des fleurs pour remercier (et non pour se faire pardonner). Aujourd’hui, générosité, courage, bonnes manières et galanterie ne s’illustrent plus que dans une élite, jugée souvent vieux jeu. Conséquence directe d’un féminisme parfois excessif : une bonne partie de la gent masculine n’ose plus porter les volumineuses valises des femmes par crainte de se faire traiter de macho. Abusif ? C’est un euphémisme. Nombreux sont ceux qui ont vu dans cette évolution de la société l’occasion inespérée de manquer à leurs devoirs de courtoisie avec le consentement de leurs pairs.

Mais l’ère du  » Elles ont voulu l’égalité ? Elles l’ont !  » clamé chaque fois qu’un homme pourrait être galant, mais évite ainsi de l’être, est bientôt révolue. Les héros dandy annoncent fièrement leur come-back. Pour preuve, les sorties culturelles tous azimuts rendant hommage à la galanterie : lancement du magazine belge Gentleman, fin 2006, apparition du site www.dandies.fr sur la toile, déclinaison de la  » gentleman attitude  » par les parfums Homme de Givenchy, présentation du nouvel album du rappeur Ne-Yo, intitulé Year of the Gentleman, le mois dernier, et publication du guide Comment devenir un héros dans la collection  » L’art oublié d’être un homme  » chez JC Lattès. Voici donc le retour du néo-gentleman.

 » Un gentleman est quelqu’un qui sait jouer de la cornemuse, mais qui n’en joue pas « , Woody Allen.

En analysant le contenu du nouveau bimestriel et le site web, on comprend la cible : le néo-gentleman aime le style, le luxe, le high-tech, les plaisirs de la vie et les belles  » choses  » (belles voitures, belles montres, belles femmes), et il les respecte. Le modèle à suivre ? Bond. James Bond. Alias l’icône parfaite. Que ce soit sous les traits de Sean Connery, Roger Moore ou Daniel Craig, tous ont en commun  » la grande classe « . Délicat et distingué jusque dans la perfidie. Tout un art.

Mais ne devient pas 007 qui veut. Pour devenir un héros, il ne suffit pas de posséder l’apparat. La queue-de-pie ne fait pas le gentleman . Tout est une question de mentalité. Fini de courir pour s’emparer de la dernière place assise, dorénavant, si on galope, c’est pour l’offrir à quelqu’un de plus vulnérable que soi (handicapés, personnes âgées, femmes enceintes, jeunes enfantsà). D’ailleurs, le rappeur Ne-Yo a choisi de montrer l’exemple. Pour illustrer son  » année du gentleman « , il a non seulement troqué jeans et casquette contre tailleur et feutre, mais il se singularise en plus grâce au rôle qu’il offre aux ladies : alors que les autres rappeurs en profitent pour s’entourer des bombes en bikini autour d’une piscine, Ne-Yo, lui, met en scène sa soumission à des femmes de caractère dans le clip Miss Independent.  » J’ai définitivement un faible pour les femmes à fort tempérament, qui en veulent et qui ont du pouvoir « , avoue l’artiste. Le néo-gentleman apprécie la compagnie des neo-fées du logis : plus libres et plus indépendantes.

Après la mentalité, il faut puiser dans ses tripes.  » La différence entre un héros et une personne ordinaire consiste à oser « , écrit Sam Martin, l’auteur de Comment devenir un héros et du best-seller G is for Gentleman . Point essentiel. Et pour l’illustrer, le cas de Wesley Autey est éloquent. La scène se passe en janvier 2007 et ne dure que quelques fractions de seconde : ce maçon d’une cinquantaine d’années plonge sur les voies du métro de New York pour sauver un étudiant de 20 ans, tombé du quai suite à un malaise. La rame déboule à grande vitesse, pas le temps donc de remonter. Wesley tire le gamin au milieu des rails et s’allonge sur lui avant de disparaître sous les wagons. Une fois le train immobilisé, les deux hommes s’extraient en rampant : ils sont indemnes. Wesley est illico érigé en héros. La question cruciale : en feriez-vous autant ? Difficile de répondre, étant donné que le temps de vous le demander, il est déjà trop tard. L’auteur d’un acte héroïque ne réfléchit pas, il agit instinctivement. À ne pas confondre avec  » stupidement « . Pas de place ici pour la demi-mesure. Le héros n’est pas idiot, il est prêt. Wesley savait, consciemment ou non, comment sauver cet homme. Il savait qu’il y avait suffisamment de place pour un corps humain sous ce convoi, il s’était déjà préparé mentalement à ce type d’intervention d’urgence.

Bien vu. Mais pour être prêt, il faut se connaître. En repérant ses points faibles, on peut les travailler et les améliorer, voire apprendre à les dompter. Et ainsi posséder les deux qualités nécessaires aux héros en herbe : courage et assurance.  » Nous pouvons tous apprendre comment sauver quelqu’un d’un bâtiment en flammes, soigner une blessure par balle, survivre dans les contrées désolées ou danser le tango, épingle Sam Martin. Mais ne s’apprennent pas en revanche le courage et la volonté de courir des risques pour le bien-être des autres. Vous devrez les acquérir sur le tas. « 

 » La vraie chance des héros, c’est de plaire aux femmes « , Jean Van Hamme.

Le neo-gentleman a donc conservé son côté valeureux. À la question  » Pourquoi faut-il apprendre à étouffer un feu ou à conduire un bus à toute vitesse ? « , la réponse est évidente : parce que tout aussi aimable qu’il soit, un homme qui se cache derrière sa femme pendant une agression perd instantanément son statut de prince charmant. Question de réputation. Comme la romancière britannique Jeanette Winterson interrogeait très justement les lecteurs de The Independent :  » Wonder Woman serait-elle prise au sérieux si, après la catastrophe, elle envoyait un fax disant toute sa sympathie ?  »

Cela dit, il n’est pas obligatoire de sauver des vies tous les jours pour obtenir le statut de néo-gentleman. Celui-ci s’obtient de façon plus subtileà  » L’attitude chevaleresque prend une tout autre dimension dans la vie de héros, précise Sam Martin. Ne vous imaginez pas qu’un héros doive quitter son travail pour arpenter les rues en quête de malfaisants. On a besoin de lui chaque jour, en tous lieux. Pour aller chercher les enfants à l’école, ramener un salaire au foyer, préparer un petit déj’ pour sa chérie ou pourchasser un agresseur. Un héros doit d’abord commencer par aimer la vie. Et ensuite se lâcher à fond.  » Finalement, devenir un néo-gentleman n’a rien de vraiment compliquéà Déjà vous ?

Valentine Van Gestel

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