L’ARTISTE

Michael Patterson-Carver est né à Chicago en 1958. Il réside actuellement à Los Angeles après avoir longtemps vécu en SDF nomade à travers les États-Unis. Il est repéré à New York en 2007 alors qu’il expose ses dessins sur un trottoir. Harrell Fletcher, professeur à l’université de Portland et plasticien contemporain connu pour son £uvre sociale et engagée, passe par là. Tel Apollinaire face aux toiles du Douanier Rousseau, son regard est littéralement happé par la frontalité esthétique, la franchise du propos et du trait, l’exceptionnelle simplicité que dégagent les £uvres à message politique de Patterson-Carver. Le travail de ce dernier est montré quelques mois plus tard aux cimaises de la galerie White Columns, à New York. La consécration est express : en 2008 il est lauréat du prix Altoïds, une récompense bisannuelle (25 000 dollars et une expo au New Museum) décernée par un jury d’artistes et non des moindres : Paul McCarthy, Cindy Sherman et Rirkrit Tiravanija. Buzz garanti. S’ensuivra naturellement une série d’accrochages en galerie à Londres, Paris, Cologne, Bruxelles. Un succès pour le moins subi pour cet autodidacte complet, gamin mal-né, placé dans une famille adoptive suite à la dépendance de sa mère à l’héroïne. Fortement marqué dans son enfance par le Mouvement des Droits civiques, Michael Patterson-Carver revendique à la mine et à l’aquarelle un activisme de gauche mâtiné de théories de la conspiration et de mythe du complot. À travers ses dessins de manifestants revendiquant leurs droits (dans un style très proche des muralistes mexicains) et ses récits allégoriques du monde politique contemporain, il pointe du crayon le bushisme mensonger, la voracité des princes de la finance, les relents supposés fascistes de la droite américaine, les collusions véreuses, la big-brotherisation généralisée, les libertés bâillonnées. Son but : dénoncer pour  » faire du futur quelque chose de bien « . Tout simplement. Artiste marginal, sur le fil de la paranoïa, Michael Patterson-Carver atteint le meilleur de l’art outsider avec cette £uvre à la fois militante, inquiète et traversée d’un humour irrésistiblement grinçant.

L’EXPO

Il s’agit de la deuxième exposition de Michael Patterson-Carver à l’espace Sorry We’re Closed, la galerie-vitrine de Sébastien Janssen située au Sablon, à Bruxelles. Les premiers dessins emblématiques de l’artiste montrant des hordes de manifestants ordinaires et bonhommes brandissant des pancartes à messages de type WE NEED WORK font place à une série d’£uvres plus sophistiquées. L’Américain travaille en prise directe avec l’actualité et c’est tout naturellement qu’on retrouve le printemps arabe traité à l’aune de son regard spontanément suspicieux et satirique. Les dirigeants déchus trouvent refuge à la frontière suisse, leurs trésors leur sont livrés à domicile comme un simple colis Amazon. On retrouve aussi un Obama (dont l’artiste est un fervent supporter) croqué tel un Christ soumis à la tentation. Par ailleurs, Patterson-Carver poursuit l’illustration de son propre sentiment de persécution en imaginant les rues américaines infestées de Men in Black traquant sans relâche la vermine gauchiste et contestataire qu’il pense constituer à leurs yeux.

Michael Patterson-Carver, à la galerie Sorry We’re Closed, 65A, rue de la Régence, à 1000 Bruxelles. Jusqu’au 20 août prochain. www.sorrywereclosed.be Chaque mois, Le Vif Weekend vous propose le décryptage d’une exposition. Parce que l’art contemporain est souvent taxé d’hermétisme, nous vous donnons les clés de lecture pour passer les portes des galeries et apprécier le meilleur de l’art vivant.

BAUDOUIN GALLER

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