Mon bel oranger

 » J’aime l’idée que le parfum, si immatériel et impalpable, provienne de quelque chose de concret, de réel et de très artisanal, comme la terre, les fleurs, la cueillette « , assure Olivier Polge, parfumeur créateur chez Chanel. Depuis l’élaboration, à Grasse, du mythique N°5 en 1921, la maison parisienne a eu à coeur de préserver ce savoir-faire fragile désormais inscrit au patrimoine de l’humanité par l’Unesco. Même si la production locale est loin de lui suffire, la griffe au double C a su nouer, depuis de nombreuses années déjà, des partenariats avec les producteurs du cru pour ses jus les plus précieux. Après la rose et le jasmin, c’est aujourd’hui le bigaradier qui fait l’objet d’une attention particulière. La filière locale est devenue confidentielle, le prix à payer, hélas, pour continuer à travailler dans les règles de l’art. Chanel, qui achète déjà l’intégralité du  » néroli pays  » issue de la distillation des fleurs d’oranger de la coopérative historique de la région, a décidé de s’engager dans le développement d’une filière durable d’oranger amer. La marque s’est pour cela associée une fois encore à la famille Mul pour planter fin 2018 pas moins de 600 pieds de bigaradiers sur 15 000 m2. Le projet, qui s’inscrit dans une démarche d’agriculture biologique, fonctionne également en économie circulaire : tout ici est exploité, rien ne se perd car ce végétal ne génère aucun déchet. Chaque produit de l’arbre trouve un débouché. Les fruits récoltés en décembre se changent en confiture, en vin ou en oranges confites. Une activité d’expression à froid permet même d’obtenir de l’essence de bigarade à partir des oranges vertes. En avril-mai, les fleurs blanches récoltées à la main au petit matin sont distillées pour donner l’huile essentielle de néroli et l’hydrolat de fleur d’oranger. Quant au bois de taille, il donnera naissance, après distillation, à l’huile essentielle de petit grain. Autant de matières nobles qui entreront un jour dans les compositions ourlées d’Olivier Polge…