Palais royal

Pour sa première adresse en France, l’Ecossais Gordon Ramsay a pris ses quartiers à Versailles, à deux pas du château et du bassin de Neptune. Aux fourneaux du Trianon : Simone Zanoni, 32 ans, homme de l’ombre et de confiance du gaélique Soleil. So chic.

Dans les cuisines du Trianon, à Versailles, Simone Zanoni, 32 ans, jongle avec les ingrédients comme avec les langues. Avec quatre Français, trois Italiens et autant de Britanniques sous ses ordres, sa brigade est un mille-feuille de nationalités. Sans compter – cherry on the cake – l’ombre de l’Ecossais, le remuant, le tonitruant Gordon Ramsay… C’est pour lui, la nouvelle  » cooking star  » internationale, que Simone Zanoni a accepté de quitter Londres afin de prendre les rênes du restaurant gastronomique, le Trianon. Ou, plus précisément, du  » Gordon Ramsay Trianon « .

10 étoiles au Michelin

L’enjeu a la taille d’un énorme gâteau de mariage : hormis le restaurant du Hilton de Prague, c’est la première fois que Ramsay s’attaque au Vieux Continent. Sur la carte d’état-major de la gastronomie, ce haut gradé – au total, 10 étoiles au Michelin – a déjà conquis la moitié de la planète. Londres où il a ouvert une dizaine d’établissements, lui est acquis, les Etats-Unis où il détient presque autant d’enseignes que dans la capitale anglaise, est sa base arrière tandis que Dubai et Tokyo sont en train de céder à l’avancée. En bon businessman, son QG londonien qui emploie 150 personnes sur quatre étages, centralise toutes les réservations, rationalise les flux nécessaires à faire tourner à plein régime l’intendance. Non content de son ascension fulgurante, le général Ramsay est passé maître dans la gestion de son image à travers des émissions et des ouvrages culinaires mais aussi le lancement de produits dérivés qui portent son nom.

Peu connu encore de ce côté-ci de la Manche, cet ancien joueur de foot professionnel n’a pas choisi son nouveau terrain de jeu par hasard. Niché dans un sublime 4-étoiles (le Trianon Palace) en liseré du parc du château de Versailles, le restaurant homonyme se double d’une brasserie chic, La Véranda, elle aussi supervisée par le duo Ramsay/Zanoni. On les distingue facilement : le premier est un cocon ouaté avec des grands fauteuils anis, le second une grande salle ouverte sur un paysage champêtre. Parti à la conquête du territoire français, avec la ferme intention d’y remporter ses premières étoiles, le  » bad boy  » gaélique compte sur son meilleur attaquant pour s’imposer en France : Simone Zanoni.

Ce chef de cuisine, homme de l’ombre et surdoué, travaille pour Ramsay depuis la première heure. D’abord comme simple commis à l’Aubergine en 1997, puis comme sous-chef au Claridge’s, et enfin comme chef de cuisine au Restaurant Gordon Ramsay de Londres, auréolé de trois étoiles.

Le goût du challenge

Quand on demande à Zanoni, sur l’heure du coup de feu, si il ne fallait pas être fou pour quitter son palais londonien pour une  » terra incognita « , il devient tel une casserole à pression.  » C’est exactement ce que je voulais ! Moi, j’adore les challenges, c’est ce qui nous fait avancer, non ? Les gens ne nous connaissent pas ? Très bien, on va faire nos preuves, en toute humilité. Je ne supporte pas l’arrogance de certains chefs français qui, du haut de leur tour d’ivoire, veulent imposer leur vision de la gastronomie « , dit-il entre deux coups de fil à un fournisseur et une inspection minutieuse d’un ragoût qui mijote à feu doux. Nous sommes des étrangers ici, c’est à nous de nous adapter. Versailles n’est pas Londres, où, même dans les grands restaurants on sert des pieds de cochon ! Le public est plus exigeant qu’en Grande-Bretagne, avec une meilleure connaissance des produits. Il faut y aller en douceur, avancer par touches successives.  » Ce qui n’empêche pas une cuisine bien charpentée…

Au menu de la carte hivernale : une grouse rôtie – un lagopède, gibier proche de la gélinotte que l’on trouve sur les terres d’Ecosse et d’Irlande -, ou un filet de Black Angus poché, une race bovine réputée, originaire du comté d’Angus. Et quand elles ne sont pas directement inspirées du monde celtique, les saveurs du Trianon puisent dans un registre puissant et complexe. Une soupe de potiron à l’anguille fumée et beurre de cèpes prend l’allure trompeuse d’une émulsion avant de révéler en bouche sa palette de tons sourds, mystérieux. Si le goût s’apparente parfois à un paysage, celui-là est fait de tourbe, de bruyère et de blizzard. Moins tourmenté, le filet de turbot poêlé accompagné d’un tian d’avocat enrobé de tomates jaunes sonne déjà presque la fin de l’hiver.

La gastronomie française au top

De la cuisine de son pays d’origine, l’Italie, il reste au jeune chef ce goût des choses simples, des ingrédients nature (les légumes du Trianon proviennent ainsi du potager du château de Versailles) qu’il partage avec son alter ego du sous-sol, Eddie Benghanem, ex-chef pâtissier de l’hôtel Ritz. Ses desserts puisent dans un registre évident à base de fruits tels que la pomme ou la poire ou le chocolat  » qui parlent à notre inconscient collectif « .

Si Simone Zanoni se plaît à brouiller subtilement les frontières de la gastronomie française, pour la mâtiner de touches scottish, c’est parce qu’il l’aime plus que tout.  » C’est la meilleure ! lâche-t-il. La cuisine italienne quand elle décroche trois étoiles, c’est parce que c’est de la cuisine française.  » Et le souvenir ému des tortellini au potiron que lui préparait sa mère quand il était enfant, dans un petit village près du lac de Garde ?  » Je vénère les plats italiens, c’est une nourriture conviviale, sans manières mais qui n’a rien à voir avec un restaurant gastronomique.  » Et de reconnaître la pression du défi français :  » C’est une année test pour nous au Trianon. Nous ne sommes ici que depuis quelques mois mais Gordon songe déjà à une prochaine adresse, dans Paris cette fois « . Un vrai stratège, on vous dit.

Carnet d’adresses en page 60.

Antoine Moreno

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