Rencontre avec Rita Baga, la drag-queen superstar présentatrice de Drag Race Belgique « Rita, c’est le feu, Jean-François est le calme »
A 36 ans, la célèbre drag-queen québécoise est sous les feux de l’actualité. Elle présente la deuxième saison de Drag Race Belgique, le dimanche à 22 heures sur Tipik. Et publie un essai, où l’intime rivalise avec la réflexion sur la condition et les droits des LGBTQIA+.
Ecrire, c’est vivre
Récemment, je me suis rendu compte que peu d’ouvrages sur l’art de la drag avaient été publiés par une drag-queen. J’ai voulu combler ce vide. J’ai commencé à écrire quelques chapitres. J’éprouve dans ma chair ce besoin de faire régulièrement le point sur mon évolution, sur mes idées. Puis, les Editions de l’Homme m’ont approchée pour que je rédige une biographie car ils jugeaient mon parcours singulier. C’est l’acte de naissance de mon livre (*), au confluent de l’autobiographie et de la présentation de ce qu’est la drag.
Devenir drag-queen, c’est vivre une transformation
Elle peut être physique, comme toucher le côté psychologique, voire artistique de l’individu. On devient un personnage atypique, avec ses propres couleurs, son langage, sa fantaisie assumée. C’est une démarche artistique où entrent en jeu le maquillage qui change les traits, les vêtements, les perruques, les bijoux, les ongles… On crée un personnage comme le fait un clown, qui ne ressemble en rien à celui que l’on est dans sa vie quotidienne ordinaire.
Il faut se méfier des idées reçues
Rita est née il y a dix-huit ans. A l’époque, j’avais des copains qui étaient drag-queens. Mais je ne trouvais aucun intérêt à le devenir même si j’étais séduite comme spectatrice. Un jour, pour l’anniversaire d’une amie drag-queen, je lui ai fait la surprise de me transformer une soirée. Ce fut un déclic. J’ai réalisé que les idées reçues que j’avais sur ce milieu étaient le résultat d’amalgames et de fausses rumeurs.
J’ai longtemps eu peur du jugement des autres
J’ai caché cet aspect de ma personnalité pendant tout mon cursus universitaire. Même le dire à ma famille a été difficile. Aujourd’hui, tout cela paraît loin. Je vis en symbiose : le personnage de Rita cohabite en bonne intelligence avec Jean-François. L’un est pourtant l’opposé de l’autre. Rita est sulfureuse, exubérante, c’est le feu. Jean-François est le calme, prudent, dans la réserve.
Etre connu peut être déstabilisant
J’ai appris à la dure qu’être dans l’œil du public signifie aussi être scruté à la loupe. Les gens peuvent sortir nos squelettes des placards. Au début, lors de mes passages à la télévision, j’angoissais à l’idée de faire honte aux drags. De dire « la phrase de trop », de devenir « cancelled », de prendre toute la lumière et d’en priver d’autres « collègues ». Au point parfois de devenir polie pour ne pas déplaire. Un comble lorsque l’on pense au côté irrévérencieux de notre art.
La Belgique occupe une place dans mon cœur
Je suis venu pour la première fois à Bruxelles faire un stage de psychologue clinicien. C’est ici que j’ai réalisé que je n’étais pas fait pour ce métier. A ce moment de ma vie, j’avais besoin de m’éloigner du Québec. La solitude était une inconnue qui m’attirait. Pas pour me retrouver mais pour me trouver.
J’ai su jeune que je n’étais pas un petit garçon typique
L’homosexualité était présente dans ma jeunesse sans être nécessairement expliquée : un de mes oncles vivait en couple avec un homme. Pour moi, ils représentaient une entité, comme un couple hétérosexuel, que je connaissais depuis ma naissance. C’est en primaire que j’ai pris conscience des préjugés et insultes homophobes. On me disait théâtral ou expressif. Alors que les autres gamins jouaient dans la cour, je préférais être avec mes copines. Je voyais les autres comme des brutes.
La communauté queer est riche de sa diversité
J’ai la chance de voyager. J’ai parcouru l’Allemagne, le Royaume-Uni, les Pays-Bas, la Belgique. A chaque excursion, je me fais un devoir de visiter les quartiers « gays » ou des établissements queers. J’adore en apprendre davantage sur les réalités des communautés de la diversité sexuelle et de genre. Malheureusement, les préjugés ont la vie dure même au sein de ces communautés. Certains types ou certains genres sont préférés à d’autres et, dès qu’on sort du moule, on peut se faire swiper assez rapidement. Mais des progrès se font sentir.
Les drag-queens ont toujours été à l’avant-garde des luttes féministes et pour l’égalité
C’est une sorte de doigt d’honneur aux assignations de genre. Mais rien n’est acquis. On n’a toujours pas atteint l’égalité entre les genres à l’échelle planétaire. Et dans environ 70 pays, s’afficher LGBTQIA+ est passible d’une condamnation judiciaire. Certes, on note des avancées, mais il reste toujours des luttes à mener pour la reconnaissance de notre métier. Une émission comme Drag race y contribue grandement.
(*) Une paillette à la fois. Journal d’une reine, par Rita Baga, Editions de l’Homme, 192 pages.
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