A Suze-la-Rousse, en Drôme provençale, l’Université du vin dispense, le temps d’un week-end, des cours d’initiation à la dégustation. De quoi (ap)prendre de la bouteille. Reportage.

Du haut de ses huit siècles, le monumental château médiéval de Suze-la-Rousse observe tranquillement le village se réveiller. Le vent est fleuri, le pain encore chaud, le soleil fait comme chez lui et les cigales chantonnent déjà. On se croirait dans un roman de Christian Signol. Pas vraiment un temps pour aller à l’école. C’est pourtant bien pour suivre un week-end de cours intensifs qu’on est là, un samedi à 8 h 30 du matin, carnet et stylo en main. Attention, pas de quoi se plaindre : au programme, pas de trigonométrie arrache-cheveux, pas d’analyse de l’appareil reproductif des drosophiles, ni d’élocution sur les Huns. Non, ici, on est là pour parler et déguster du vin afin d' » approcher le produit avec plus de rigueur. Parce que lorsqu’on est amateur, on apprend souvent par bribes et de manière un peu désorganisée « , résume en guise de mot de bienvenue Renée Payan, responsable de la formation de cette université particulière : l’Université du vin.

Fondé il y a trente ans, cet établissement privé d’enseignement supérieur niché au c£ur même du château de Suze délivre formations longues et diplômes aux professionnels du secteur viticole (vignerons, sommeliers, maîtres de chai…). Et certains week-ends de l’année propose aux amateurs des initiations à la dégustation. Comme Jean-Marie qui désire  » étendre son vocabulaire au-delà de c’est bon, c’est pas bon, c’est cher, c’est pas cher « , Guy qui souhaite  » comprendre pourquoi il aime le vin « , ou Gerald qui, carrément, veut  » tout savoir, c’est pas compliqué ! « . Le but de cette immersion n’est évidemment pas de distinguer un pauillac d’un margaux à l’aveugle. Ça se saurait. En revanche,  » vous allez apprendre à organiser votre plaisir, affiner votre vocabulaire du vin et pouvoir prendre le risque d’acheter des produits que vous ne connaissiez pas « , annonce Marie-José Richaud, £nologue, vigneronne et professeur à l’UDV.

B.a.-ba

Chaque élève s’est sagement assis dans l’auditoire : une vingtaine de places, chacune agrémentée d’un évier –  » on va vous demander de cracher, vous comprenez pourquoi…  » – à côté duquel sont disposés quatre verres hauts et ventrus,  » à tenir par le pied : le vin ne se réchauffe pas et ça pose son dégustateur « , avance Marie-José Richaud.

Si avant de savoir lire, il vaut mieux maîtriser l’alphabet, ici avant de commencer à déguster, il est plutôt nécessaire de s’entendre sur les saveurs primaires. Plus spartiate qu’épicurien, le premier exercice consiste ainsi à mettre au point une grille de lecture commune : tous les verres sont maintenant remplis… d’eau. Dans laquelle a été ajoutée une concentration sucrée, salée, acide ou amère. La base. Et pourtant. Si le sucré et le salé se repèrent plutôt aisément et à l’unanimité, entre l’acide et l’amer, c’est déjà la foire d’empoigne. On répète le même exercice avec du vin rouge de pays, lui aussi modifié. Débat bis. Après cette entrée en matière un peu rêche mais qui a au moins le mérite de mettre un peu d’ordre dans cette tour de Babel où flottent les apprentis £nophiles, on passe au premier blanc.

Analyse sensorielle

Aidé d’un syllabus reprenant toutes les étapes de l’analyse sensorielle, chacun s’échine à remplir sa fiche de dégustation avec méthode. L’ambiance est à la discipline. Examen visuel d’abord où l’on juge de la couleur, de la limpidité, de la brillance. Examen olfactif ensuite pour caractériser l’intensité aromatique, de monocorde à complexe, et, plus amusant, les odeurs que le vin dégage : floral ? végétal ? animal ? épicé ?  » Faites confiance à votre mémoire olfactive, encourage Marie-José, concentrez-vous, triez vos souvenirs.  » On reconnaît les habitués de la cuisine, plus pointus dans leur approche des arômes. Puis vient l’examen gustatif, à l’issue duquel on émet une appréciation d’ensemble sur l’équilibre entre l’alcool, l’acide et le moelleux du jus. Et enfin la question qui tue : d’où vient ce vin ? L’acidité mène certains dans le muscadet, d’autre au sancerre. C’est dans le Sud-Ouest, à Gaillac qu’il fallait aller pour réussir son interro. Personne n’est honteux : tout le monde est en échec. Tout au long du weekend, on goûtera près de vingt étiquettes choisies parmi les 4 000 bouteilles dormant en cave. Du blanc, du rosé, du rouge. Du  » petit « , du grand. Des têtes de gondoles (saint-julien, gewürztraminer…), des découvertes (arbois, irouleguy rouge…). Chaque vin est une leçon. A chaque analyse, on progresse. Lentement. Mais on progresse. Au fur et à mesure, les analyses s’affinent, les références s’installent, les réflexes apparaissent.

Le vin pour les nuls

Entre les séquences pratiques, le stage comprend également des exposés théoriques adaptés aux plus ignorants. De la constitution du vin, à son élaboration en passant par le décryptage d’une étiquette, on reprend tout à zéro. Sans jargon ni snobisme. C’est là sans doute que réside le premier intérêt de la formation : remettre les idées en place, offrir un vade-mecum, une boussole. Pour apprendre à apprendre. Comme toute université qui se respecte, en somme. Le résultat est en tout cas probant : le dimanche soir au resto, bien accompagné d’une bouteille de cairanne rouge, on se surprend à détecter des arômes insoupçonnés, jouer au petit Proust avec sa mémoire, à simplement mieux apprécier. Un mécanisme s’est déclenché. Reste à huiler le moteur régulièrement. Avec modération, of course.

Université du vin, château de Suze, à F-26790, Suze-la-Rousse. Tél. : +33 04 75 97 21 30. Internet : www.universite-du-vin.com Prochains week-ends de dégustation : 11 et 12 octobre, 22 et 23 novembre, 6 et 7 décembre prochain. Prix : 346 euros TTC (comprend le prix du déjeuner collectif du dimanche midi).

Baudouin Galler

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