Y a-t-il trop de jours fériés en mai?
Les jours se suivent et ne se ressemblent pas, sauf les prochaines semaines, égrenées avec une régularité d’horloge suisse d’une série de jours fériés. Lesquels sont paradoxalement autant source de joie que de mécontentement.
Du moins, c’est l’avis de nos journalistes, qui se risquent à poser une question susceptible de fâcher: n’y aurait-il pas presqu’un peu trop de jours fériés en mai? Tout dépend d’à qui on demande.
Thibault Dejace: « Ces journées chômées ne le sont, en réalité, pas tant »
Les semaines se suivent et ne se ressemblent définitivement pas. Surtout en mai, qui même si il nous promet de faire ce qu’il nous plait, ne demeure pas dénué de tout rythme. Ces dernières semaines ont été jalonnées ça et là, de jours dits « féries ».
Je met ce qualificatif entre guillemets car vous n’êtes pas sans savoir chers lecteurs, que j’occupe un statut de free-lance, et qu’étant aux balbutiements de ma carrière, ces journées chômées ne le sont, en réalité, pas tant. Par exemple, j’ai célébré ce premier mai, la fameuse fête du travail, en travaillant. Le lendemain de Noël, c’était repu (voir gavé) que je me suis mis derrière mon ordi pour travailler.
Mais cette année, je l’ai joué un brin plus finement. Je suis parti en vacances durant l’enchainement sacro-saint de l’Ascension et de la Pentecôte. (Si mon catéchisme est encore bon la première célèbre la montée de Jesus au ciel, et la seconde sa descente -spirituelle uniquement – parmi ses douze apôtres). Pour éviter cet ascenseur spirituel, et le rythme désynchronisé qu’il entraine presqu’irrémiablement mais aussi échapper au sentiment presque triste de m’attabler à mon bureau en ces jours de congé non-payé (bah oui, free-lance oblige).
Perdu pour perdu, parait. Au moins j’ai pris du bon temps.
Kathleen Wuyard: « Ces respirations sont tantôt bienvenues, tantôt suffocantes »
« La donna è mobile », ce qui, vous en conviendrez, est nettement plus joli (et moins dénigrant) que « la femme est inconstante », et c’est établi depuis le Rigoletto de Verdi. Près de deux siècles plus tard, on est toujours aussi changeantes, nous les femmes, enfin, du moins, celle-ci, et suivant la semaine voire même le jour où vous demandez mon avis sur les jours fériés, celui-ci varie.
C’est qu’en tant qu’indépendante pourvue d’un travail certes passionnant et voulu depuis l’enfance, mais aussi prenant et pas vraiment du genre de ceux qu’on laisse derrière soi en quittant le boulot vers 16h30, ces respirations en pleine to-do hebdomadaire sont tantôt bienvenues, tantôt suffocantes. Autant je ne rechigne jamais à travailler le week-end (sauf le dimanche, c’est pêché) autant je trouve quelque chose de tragique à m’attabler derrière mon bureau un férié, et pas seulement parce que dans le cas du 1er mai, par exemple, c’est presque un pied de nez à ce que la journée célèbre.
Je me retrouve donc à accumuler frénétiquement les journées à rallonge à l’approche du jour J, afin de pouvoir en profiter l’esprit quelque peu apaisé, goûtant ces heures indolentes en sachant que malgré elles, mon travail aura été accompli. Prends ça, Verdi.
Nicolas Balmet: « A partir du mois de mai, ça part en cacahuète »
Bien sûr, ce serait mentir vilainement que de dire « moi, perso, les jours fériés, je m’en bats les macaronis, vous pouvez les mettre à la brocante, je ne m’en sers jamais. » Non, la plupart du temps, je suis plutôt content quand j’apprends qu’un jour férié est en approche, même si généralement, l’info me parvient quelques jours avant la date D, grâce à la personne qui partage mon toit et qui prend en charge tout ce qui concerne les jours, les semaines, les mois et les années dans cette maison – si vous désirez m’écrire pour me parler de charge mentale, n’hésitez pas, mais je ne répondrai pas, je vous dis que ce n’est pas moi qui m’occupe de ça.
Bref, oui, le jour de Noël, je suis relativement reconnaissant auprès de Jésus de pouvoir roupiller un peu sur mon canapé en digérant la dinde de la veille. Idem pour le jour de l’An, qui tombe quand même vachement bien pour décuver les bulles et récupérer un soupçon d’énergie en regardant une comédie française sur Netflix. Pareil à Pâques : le lundi de congé n’est pas forcément à jeter quand, quelques heures plus tôt, on s’est rempli la panse avec des œufs de toutes les couleurs en criant aux gosses « ne mangez pas tout aujourd’hui, hein ! » alors qu’on n’est pas foutus de respecter nous-mêmes cette injonction. Mais bon ! Voilà. Si ces jours fériés-là sont précieux pour les épicuriens, il faut néanmoins reconnaître qu’à partir du mois de mai, ça part complètement en cacahuète. Je m’explique. Le 1er mai, a priori, on n’a rien fêté la veille. A l’Ascension, à ma connaissance, aucune festivité n’est prévue pour fêter l’arrivée de ce bon vieux Jésus aux cieux. Et à la Pentecôte, si quelque chose s’organisait pour… je-ne-sais-quoi (je n’ai jamais bien compris la Pentecôte, en fait), il est plus que temps qu’on me mette au courant ! Conclusion : les jours fériés du mois de mai, c’est bien sympa mais ça sert à rien. Mais c’est bien sympa.
Nathalie Le Blanc: « Les jours fériés sont comme un cadeau de la société »
Comme je n’ai pas d’enfants, les jours fériés me prennent parfois par surprise. Jusqu’à ce que l’un ou l’autre proche me fasse remarquer qu’à telle date, tous les magasins seront fermés et que je n’aurai pas besoin d’aller travailler, et alors je suis ravie. C’est un peu comme si la société me faisait un cadeau, parce que c’est ça que sont les vacances. Ne me comprenez pas mal, j’aime beaucoup mon travail, mais j’ai aussi une vie en dehors de ce dernier, et celle-ci est bien remplie.
Coudre des robes, peindre de (mauvaises) aquarelles, planter des jardinières: tant d’activités, si peu de fériés! Et à les remplir avec enthousiaste, il ne s’agirait pas d’oublier que ces mini-vacances ont du sens. Si, en tant qu’athée, rien ne me lie émotionnellement au jour de l’Ascension ou au lundi de Pâques, mais l’Armistice ou la fête du travail, pour ne citer qu’elles, sont des célébrations de la liberté dont nous jouissons aujourd’hui. Et qu’on fait parfois mine de prendre pour acquises.
Enfin, « on », pas tout le monde: d’après la coalition 8 mai, le mois devrait compter un jour de repos supplémentaire, pour commémorer la Libération et honorer les résistants qui se sont battus contre la Seconde Guerre mondiale. Je signe pour, non seulement parce que ce jour extra ferait de mai un mois décidément aéré niveau travail, mais aussi et surtout parce que je trouve important de nous rappeler chaque année le courage nécessaire à risquer sa vie pour l’idée de liberté et de justice. Une bravoure qui nécessite bien un jour (au moins) pour tenter de se la représenter.
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À 25, 35, 45 ou 55 ans: voit-on forcément la vie autrement avec (plusieurs fois) dix ans d’écart ? Positionnés chacun dans une décennie différente, nos journalistes confrontent chaque vendredi leurs points de vue en débattant des sujets dont tout le monde a parlé lors de la semaine écoulée.
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