Une même affection

© ALAIA - PETER LINDBERGH

Azzedine Alaïa et Peter Lindbergh s’étaient trouvés presque sans mot dire. Cette amitié dans le travail et dans la vie s’expose à Paris en quelque cinquante photos et silhouettes. Un même attrait pour le noir, un même esprit, une même intemporalité.

Leurs prénoms et leurs noms sont accolés serrés pour titrer cette exposition et annoncer ainsi d’emblée leurs horizons communs – les ombres sombres, les visages, la narration et une amitié de longue durée rare dans le monde de la mode. Peter Lindbergh (1944, Leszno-2019, Paris) et Azzedine Alaïa (1935, Tunis-2017, Paris) se sont rencontrés à la croisée des chemins de la photographie et de la couture. « Ce qui les lie, c’est l’amour inconditionnel du noir, de la femme et de leur travail qu’ils ont pratiqué sans relâche. Et surtout, ils se sont donné la liberté l’un à l’autre de s’exprimer, sans s’imposer des consignes », souligne Benjamin Lindbergh, l’un des fils du photographe et codirecteur, avec Olivier Saillard, de cette expo qui privilégie le regard en miroir.

Ainsi l’ont-ils imaginée: une conversation entre la photo du vêtement porté, et pas n’importe comment, ni par n’importe qui, et ce même vêtement mannequiné sur un buste, le plein et le vide, répété une cinquantaine de fois. Pour mieux montrer que ces « deux grands hommes » ont écrit ensemble l’histoire de la mode française, pour partie, quand Peter Lindbergh saisissait au plus près les supermodels des années 80 qu’il fut le premier à photographier, tandis qu’Azzedine Alaïa s’entêtait à sculpter leur silhouette dans des robes sans défaut. « Il y avait tant de ressemblances entre eux, précise Benjamin Lindbergh, mais ils n’avaient pas forcément besoin de se les dire, ils se comprenaient en se regardant. Je pense que chacun aimait chez l’autre la franchise, le respect des êtres et une approche sans artifice. Mon père disait: « Le chemin vers l’extraordinaire est toujours le même, soyez vous-mêmes et vrais. » Or, ce n’est pas facile d’être soi-même mais Peter et Azzedine laissaient chacun s’épanouir, dans la confiance, pour mieux se révéler. C’est pour cela que la plupart des photos de mon père, comme les vêtements d’Azzedine, transpirent quelque chose de vrai. Ils ont été totalement fidèles à leur travail et à ce qu’ils pensaient être juste, sans laisser l’extérieur les influencer sur ce qu’il fallait faire et sur ce qui était à la mode. »

On se souvient de ces shootings sur les plages du Nord, balayées par le vent, ils nous emmenaient en voyage par la puissance de leur monochromie et d’une narration en pointillé. Benjamin Lindbergh lui aussi s’en souvient, autrement, forcément, il était enfant, il accompagnait son père sur le terrain, au Touquet, à Deauville, plus tard en Camargue. « J’allais faire ma vie sur la plage, avec ma pelle et mon seau pendant que les grands travaillaient, j’avais l’impression qu’ils s’amusaient. A l’époque, les équipes étaient petites, on voyageait tous ensemble en bus, avec un camping-car pour le stylisme et une table pour le coiffeur-maquilleur, comme si on partait en vacances, comme une « gipsy family », rien n’était compliqué. » Et si c’était cela, cette complice simplicité, qui crève les yeux encore aujourd’hui? Et si c’était cette évidence du moment et d’une créativité partagée dans le respect qui rendait ces clichés infiniment beaux et intemporels?

Azzedine Alaïa Peter Lindbergh, Galerie Azzedine Alaïa, 18, rue de la Verrerie, à 75004 Paris. fondationazzedinealaia.org

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