« La société demande l’impossible aux parents »: pourquoi avoir des enfants, c’était mieux avant

Être parent n'a jamais été plus compliqué que de nos jours - Getty Images
Être parent n'a jamais été plus compliqué que de nos jours - Getty Images
Kathleen Wuyard
Kathleen Wuyard Journaliste & Coordinatrice web

Le syndrome du Wonderparent? Anne Peymirat, qui vient d’y consacrer un livre entier, le résume par le fait de « travailler comme si on n’avait pas d’enfants et élever nos enfants comme si on n’avait pas de travail ». Un paradoxe impossible à réconcilier, ce qui n’empêche pas nombre de parents d’essayer. Et de risquer le burnout (professionnel et familial) au passage.

Dans une autre vie, Anne Peymirat, était consultante chez Accenture. Mais la diplômée d’HEC, elle-même maman de quatre enfants, a décidé de se reconvertir en coach parentale certifiée – et d’appliquer ses propres conseils afin de ne pas céder à ce qu’elle a appelé le « syndrome du wonderparent ». Soit « la tyrannie de la double exigence : être le meilleur parent ET un professionnel au top », avec, à la clé, un burnout presque garanti pour des parents poussés à bout.

Un paradoxe qui ne date pas d’hier, rappelle l’auteure du Syndrome du Wonderparent, qui pointe que quand les femmes ont accédé au monde du travail, la société aurait dû permettre aux parents de dégager du temps pour leur famille dans la journée, mais que rien n’a été fait.

« L’arrivée d’un enfant est un bouleversement, qui requiert une attention qui, en plus du travail, laisse peu de place pour soi »

Anne Peymirat

Résultat: les parents se sont retrouvés à travailler comme s’ils n’avaient pas d’enfants. « Pire, jamais les injonctions à être de « bons parents » n’ont été aussi fortes, ce qui contraint les parents à élever leurs enfants comme s’ils n’avaient pas de travail » épingle Anne Peymirat, qui met en garde contre les conséquences de ce déséquilibre intenable: « ô surprise : les parents craquent – et en premier lieu les mères qui supportent encore la majeure partie de la charge domestique et familiale. Rien d’anormal puisque la société leur demande l’impossible : être à la fois un parent très présent pour ses enfants et un professionnel ambitieux et investi ».

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Et de préciser que « la société nous a transmis l’idée que travailler et avoir une famille est un non-sujet. Pourtant, le modèle familial avec deux parents actifs est relativement récent, souligne l’auteure et coach parentale. Et tout parent actif éprouve au quotidien la difficulté de mener de front l’éducation de ses enfants et une carrière professionnelle satisfaisante », ce qu’elle qualifie de modèle de société intenable.

Mais comment parvenir à s’en libérer – et éviter de passer du wonderparent au burnout parental?

Parents en burnout, le mal du siècle?

Première étape: se recentrer sur l’essentiel et chercher les causes de son mal-être éventuel, mais aussi de son bien-être.

« Prendre un temps d’introspection permet de faire des choix en s’affranchissant de la pression sociale et en répondant à ce qui est important pour vous » recommande Anne Peymirat. « L’arrivée d’un enfant est un bouleversement, qui requiert une attention qui, en plus du travail, laisse peu de place pour soi. Souvent, les parents ont l’impression d’être ballottés par les évènements, sans maîtrise de leur temps ni prise en compte de leurs besoins, confrontés à une sorte d’abnégation qui irait nécessairement avec le fait d’être parent ». Sauf que dans les faits, ce n’est pas si simple, ni évident.

Oser se confronter à la réalité

En effet, « malgré toute la joie apportée par un enfant dans la famille, les parents développent parfois aussi un sentiment de frustration et de non-accomplissement de soi. Il est important d’oser regarder ce qu’on ressent, même si ça ne correspond pas à l’idéal de parentalité promu par la société de la réussite ».

Et la Française de pousser les parents à affronter leur culpabilité (« La liste de ce que les parents qui travaillent se reprochent est très longue »), accueillir leur frustration ( « Le parent actif se sent limité dans ses capacités professionnelles et ses activités sociales ») mais aussi à « regarder en face leur fatigue écrasante », parce que « la charge familiale ajoutée au travail et aux nuits courtes conduit les parents actifs à ne jamais se poser ni se reposer ».

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Autant d’aspects qui constituent un frein au bien-être, Anne Peymirat affirmant que c’est en identifiant précisément les causes de son mal-être qu’on peut mettre en place rapidement des aménagements dans son quotidien, et en voir les gains assez vite sans culpabiliser. Voilà pour les bases. La deuxième étape ?

Penser SMART pour agir malin (et éviter le burnout aux parents)

La coach parentale souligne l’importance de fixer ses priorités, même si cela implique forcément une part de renoncement. « Les parents que je rencontre sont en général tiraillés entre le souci du bien-être de leur enfant et leurs attentes professionnelles », raconte celle qui est aux premières loges pour constater les renoncements que cela implique. Et auxquels celles et ceux qui viennent la voir ne pensent pourtant même plus, plaçant la présence auprès de leur enfant et la disponibilité au travail par-dessus tout. La solution? Un recentrage sur soi, en fonction de ses priorités et de son vécu, citant le psychiatre Christophe André et sa conviction que la vie intérieure n’est pas un luxe mais une nécessité.

Autrement dit, on s’interroge, on voit quels sont nos besoins, et si, par exemple, celui de souffler le soir se fait ressentir, on s’autorise à quitter le bureau plus tôt ou à acheter un plat préparé pour ne pas devoir cuisiner.

De manière plus structurelle, Anne Peymirat conseille de définir ses objectifs selon l’approche SMART, soit objectifs spécifiques, mesurables, atteignables, réalistes et inscrits dans une temporalité, car sans fixer de délai pour les atteindre, on a tendance à les reporter. Et de rappeler que si un parent épuisé par son nouveau-né ne peut pas se fixer comme objectif que celui-ci fasse ses nuits, il peut en revanche décider de réduire sa fatigue à lui en planifiant des siestes le week-end ou une solution de garde l’après-midi afin de pouvoir pleinement se reposer.

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Le changement, c’est maintenant

Le plus important: agir au quotidien, en prenant l’habitude de prioritiser les nombreuses tâches qui remplissent la to-do de chaque parent actif, lequel est souvent bien à mal de les classer par ordre de priorité puisqu’il se convainc qu’il doit absolument toutes les faire. Or, ce n’est pas le cas. « Lorsque vient le moment de choisir, le wonderparent peut être tenté de vouloir tout faire et de prendre quelques minutes de plus pour répondre à un mail urgent. Mais à long terme, ce qui fait du bien, c’est de faire des choses qui nous donnent satisfaction. D’où l’intérêt d’opérer des choix en amont et non dans l’instant, en fixant ses priorités et ses objectifs ».

Plus simple à dire qu’à faire? Disons qu’une période d’ajustement est nécessaire.

Mais le jeu en vaut la chandelle, car bien qu’on parle souvent de la nécessité de « concilier » vies professionnelle et privée, la notion même de séparation entre les deux est absurde puisqu’on n’a qu’une seule vie, et que ce que l’on vit dans le privé influence le professionnel, et vice versa. Raison pour laquelle Anne Peymirat qualifie la sortie du mythe du wonderparent d’enjeu de taille, aussi bien privé que sociétal.

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« Chaque parent actif a besoin de mieux comprendre la pression systémique qui pèse sur ses épaules et qui l’entraîne dans la spirale infernale du stress et de la culpabilité. Et en tant que société, on a besoin de parents qui ont réussi à se libérer du stress et de la culpabilité pour avoir un rôle actif et apaisé auprès des enfants comme au travail » assure la Française. Qui concède que pour atteindre cet objectif, il ne s’agit pas seulement de faire un travail sur soi-même mais bien aussi de faire jouer de son influence pour avancer les changements structurels nécessaires. Mais d’abord, une sieste bien méritée.

Le syndrome du wonderparent – Travailler comme si on n’avait pas d’enfants et élever nos enfants comme si on n’avait pas de travail, Anne Peymirat, Editions Payot Psy, 245 pages.

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