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Rencontre avec Amal Tahir, la sexologue et influenceuse bruxelloise qui libère les corps

Kathleen Wuyard-Jadot
Kathleen Wuyard-Jadot Journaliste

Suivie par plus de 100 000 personnes sur Instagram, la Bruxelloise de 28 ans, qui termine un cursus en sexologie clinique, partage sa vision de la sexualité positive. En ligne, mais aussi en librairies avec Aimer sainement, le manuel d’Amal Tahir pour en finir avec les dynamiques toxiques dans le couple.

Avec la fraîcheur et la franchise qui la caractérisent, et qui ont grandement contribué à sa popularité sur un réseau pourtant saturé, Amal Tahir a pris le temps de répondre à nos questions. Sexe, beauté, rapport au corps mais aussi engagements: portrait d’une jeune fille bien dans son temps, qui distille conseils et posts décomplexants sur un compte où l’on vient autant pour (ré)apprendre les bases d’une sexualité épanouie que pour se réconcilier avec son corps.

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Un parti pris qui a su séduire une communauté en pleine croissance, et taper dans l’oeil des plus grands: la Bruxelloise vient en effet de gravir les marches du 77e festival de Cannes vêtue d’une robe « qui met (ses) combats en avant ». Et de confier avoir eu une pensée pour « toutes les petites filles qui se diront ‘oh elle est grosse, glamour et heureuse’, parce que la représentation est la clé ». Rencontre avec une jeune femme inspirante et inspirée.

Pourquoi avoir décidé de lancer votre plateforme sur Instagram?

L’éducation sexuelle omet trop souvent le fait que la sexualité est un plaisir et un besoin. On vend plein de choses grâce au sexe, mais le sujet reste tabou, abordé uniquement de manière aseptisée. L’éducation sexuelle est la seule matière qu’on n’enseigne pas aux ados en leur donnant envie de s’y intéresser. Et pourtant, si les humains font l’amour, c’est avant tout pour donner et prendre du plaisir. Moi-même, j’ai appris sur le tas parce que mes parents étaient gênés d’aborder le sujet. C’est en arrivant à l’ULB et en parlant avec mes copines qu’on a réalisé qu’il y avait plein de choses qu’on ne savait pas. C’est ce qui m’a décidée à ouvrir ma plate-forme Instagram et à y partager des infos utiles aux femmes.

C’est important, pour vous, de vous inscrire dans une démarche d’entraide féminine?

La sororité est une forme de libération. Depuis quelques années, on s’affranchit enfin de la rivalité féminine. Avant, si un mec trompait sa copine, c’est l’autre fille qu’on blâmait, alors qu’aujourd’hui, on fera plutôt preuve de compassion envers elle. Ce changement de mentalité est nécessaire, parce que la rivalité féminine n’est jamais qu’une forme de misogynie intériorisée, une réplique du patriarcat entre femmes. Quand on s’inscrit dans une démarche de sororité, on se libère des comparaisons que la société nous impose avec les autres femmes et on se sent beaucoup mieux.

Mais comment s’affranchir des diktats physiques, qui mènent forcément aux comparaisons que vous dénoncez?

Le corps est un temple et non un champ de bataille où mener la guerre aux kilos. Adolescente, j’ai dû faire face à des troubles du comportement alimentaire, et aujourd’hui, j’utilise ma plate-forme pour prôner un message body positive. Appréhender le sport et une alimentation saine comme des clés pour être en bonne santé plutôt que des obligations pour mincir, ça change tout. Le mouvement body positive est très important, parce qu’il parle à toutes les femmes, pas seulement les rondes, et qu’il permet de reprendre le pouvoir sur son corps, peu importe ce à quoi il ressemble. La beauté est tout sauf futile. Prendre soin de soi est extrêmement important, ça permet de retrouver des sensations et d’améliorer son schéma corporel. J’adore prendre soin de moi et de mon apparence: je porte une taille 46 et j’aime challenger les préjugés en prouvant qu’on peut être ronde et super bien habillée.

Aujourd’hui, Instagram est devenu votre outil de travail…

Etre créateur de contenu est un métier à temps plein. C’est difficile de dissocier professionnel et privé quand on a une communauté avec laquelle on a envie de partager dans l’immédiat. Cela demande une attention de tous les moments, et ça implique aussi d’être une personnalité publique, ce qui fait qu’on ne sort jamais vraiment du boulot.

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Quel regard portez-vous sur Bruxelles, où vous habitez et qui se dévoile en filigrane de vos posts?

Vivre dans un endroit où on est sous-représenté est très difficile. Je suis née en Italie, près de Venise, et j’y ai habité seize ans avant de venir en Belgique. Là-bas, j’étais la seule Arabe de mon école et c’était très difficile de m’intégrer, tandis qu’ici, la société est plus métissée. J’habite Ixelles, et on dit souvent qu’on ne sort jamais de notre quartier… Mais c’est vrai! C’est là qu’on trouve les meilleurs restos, plein de boutiques de créateurs… C’est ma commune préférée, elle est en renouveau permanent et chaque nouvelle ouverture rend le quartier plus joli.

Vous prônez le fait de « relationner sainement ». Qu’est-ce que ça implique?

On doit réimaginer la manière dont on construit nos relations. Si on est célibataire, c’est important de faire le point sur son comportement, et de se demander si on est dans l’exploration de l’autre, ou bien si on traque le moindre détail. Relationner sainement, ça veut dire oser être soi-même, sans chercher la validation de l’autre, avec la capacité à remettre en question sa vie amoureuse plutôt que de renier ses relations passées, parce que chaque relation nous apprend quelque chose. Les femmes ont tendance à avoir peur d’être la «copine chiante» et à jouer aux meufs cool sans parler de leurs peurs, avec le risque de les vivre ensuite dans leur relation parce qu’elles ne les ont pas abordées d’emblée. Si on affecte une personnalité pour plaire à l’autre, une dynamique toxique peut s’installer dès le premier rendez-vous.

S’affranchir des diktats, briser les codes… C’est l’ardeur de la jeunesse qui vous anime?

Avoir 20 ans aujourd’hui est une chance. On parle de nous comme de la pire génération, accro à nos smartphones, mais en vrai, on est hyper engagés. On mène plusieurs combats de front et on fait changer les codes. On questionne les standards de beauté, l’égalité des sexes, on se bat pour l’inclusivité… On remet en question plein de choses pour aboutir à une société où plus personne ne se sent mis de côté. Quand je vois ce que mes contemporains accomplissent, je suis heureuse et fière d’appartenir à leur génération.

Aimer sainement, par Amal Tahir, éditions Leduc. @amaltahir

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