Les stations de ski en peine de neige, secourues par la science

© Getty Images

Comment anticiper les chutes de neige dans le futur et comment gérer les stocks au quotidien ? Face aux caprices du climat, les stations de ski se tournent vers des outils scientifiques qui leur fournissent des prévisions personnalisées à différentes échéances.

Les domaines skiables aiment à mettre en avant chaque année « la magie de la neige » lorsque tombent les premiers flocons. Mais les enjeux économiques et les aléas dus au réchauffement climatique les contraignent en réalité à une gestion de plus en plus serrée de leur « or blanc ».

De nouveaux outils scientifiques sont apparus ces dernières années pour les aider à planifier « de manière personnalisée », à court terme (quand et combien fabriquer de la neige artificielle, prévisions de précipitations pour un secteur donné, etc.) comme à long terme (pour juger de la pertinence ou non de futurs investissements face au réchauffement climatique).

Sans équivalent dans le reste du monde, ils ont été co-conçus en banlieue de Grenoble dans les labos de Météo-France, de l’Inrae et du bureau d’étude Dianeige, unis en un partenariat public-privé d' »ingéniérie touristique ».

ClimSnow, se projeter jusqu’à l’horizon 2100

Créé en 2020 après une dizaine d’années de recherches, cet outil s’adresse aux élus et directeurs de station, confrontés à de délicats choix stratégiques à long terme. Il est mentionné dans le plan de soutien Avenir Montagnes dévoilé en mai 2021 par le gouvernement.

Basé sur les projections climatiques et prenant en compte les spécificités et équipements locaux (y compris en neige artificielle), il permet de projeter l’état futur du manteau neigeux et les impacts concrets du réchauffement climatique sur les territoires « sur 20, 30, 40 ans ou même jusqu’à la fin du siècle », explique Carlo Carmagnola, docteur en nivologie et chargé d’affaires du projet.

crédit ClimSnow

Peu intéressées au départ, les stations affluent: « 140 stations ont été étudiées en deux ans, les 2/3 des stations françaises. Il n’y a presque pas de semaine où on ne signe pas de contrat ClimSnow », selon M. Carmagnola.

Le projet a d’abord été conduit auprès de stations-pilotes en Isère, puis a intéressé les domaines « qui se posaient déjà des questions du type +est-ce que dans 30 ans on sera encore là? + » comme Metabief (Jura), les stations des Alpes du Sud et des Pyrénées. D’autres, mieux loties en neige, « ont plus de marge de manœuvre et ont beaucoup moins anticipé ».

La Compagnie des Alpes, propriétaire de plusieurs grandes stations (La Plagne, Les Arcs, Val d’Isère, Méribel…) a pour sa part choisi de développer une version simplifiée et moins complète de ClimSnow, baptisée Impact. 

Prosnow, anticiper la production de neige 

Prosnow, comme sa version simplifiée Tipsnow, est un logiciel interactif destiné au personnel technique des stations.

Mis à jour chaque matin avec les prévisions sur 4 jours de Météo France, il fournit des prévisions par secteur sur toutes les variables d’intérêt (hauteur de neige, températures, vent et précipitations) permettant de travailler la neige pour la préparation des pistes. Celle-ci s’opère généralement en deux phases: la production d’une sous-couche, puis le « confortement ».

Les simulations – faites sur les supercalculateurs de Météo France à Toulouse, Bélénos et Taranis- permettent notamment de calculer les volumes de neige artificielle nécessaires et de planifier la consommation d’eau et la date optimale de production, sachant que la neige ne peut se fabriquer que par températures négatives. 

Le logiciel, issu d’un projet de recherche financé par la Commission européenne, est exploité par différents consortiums dans 5 pays européens.

TipSnow, en finir avec « le doigt mouillé »

Lancé l’année dernière à la demande de la station des Arcs, qui l’a financé à hauteur de 30.000 euros, TipSnow permet de calculer la hauteur de neige « idéale » pour conserver une piste ouverte jusqu’à une date donnée. 

Les objectifs de hauteur de neige varient tout au long du calendrier: « Il y a des dates-clés pour les stations: pour les vacances, il faut que les pistes soient propres. Dès qu’elles sont finies, on se projette sur les vacances suivantes, puis sur la fin de saison », explique M. Carmagnola. 

L’approche, qui utilise aussi les données GPS récoltées sur le terrain par les dameuses de dernière génération, se veut « très concrète et pragmatique »: selon les circonstances, on peut décider de « sécuriser » une portion de piste ou au contraire la fermer plus tôt que prévu si l’entretien revient trop cher. 

Et avant ? « Avant, on faisait plutôt au doigt mouillé », s’amuse le scientifique.

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