La cuisine mexicaine se met en quatre pour rivaliser avec le succès de sa voisine péruvienne

Les Chapulines Tostada, sauterelles grillées que l'ont sert typiquement dans certains quartiers de Mexico © istockphotos

Face au boom du Pérou sur la scène gastronomique mondiale, le Mexique multiplie les initiatives pour ne pas rester à la traîne: mise en valeur du patrimoine culinaire, inventaire des recettes traditionnelles et développement à l’étranger d’une célèbre chaîne de tacos.

Dans l’édition 2017 de l’influent classement mondial des « 50 Best Restaurants », deux établissements péruviens figurent dans le top 10, Central (5e) et Maido (8e). Le premier restaurant mexicain n’arrive qu’en 20e position. « Le Mexique et le Pérou sont les étoiles montantes de la scène gastronomique mondiale », assure à l’AFP William Drew, représentant de ce classement. Les deux pays se livrent selon lui « une compétition saine », et « le Mexique peut devenir, autant que le Pérou, une destination culinaire phare au niveau international ». « Je ne pense pas que ça doive être l’un ou l’autre », ajoute-t-il.

Cet expert relève la montée en gamme des restaurants mexicains gastronomiques: « Ils ne sont pas forcément très sophistiqués mais sont de très bonne qualité ». Sasha Correa, de l’école gastronomique espagnole Basque Culinary Center, souligne qu' »en très peu de temps, le Mexique n’a pas seulement rejoint le mouvement (l’essor de cuisine latino-américaine ces dernières années, NDLR), il l’a fait avec force, caractère et nombre d’éléments distinctifs ».

Et l’enjeu aujourd’hui est avant tout de savoir « vendre » ses plats, explique Mauricio Avila, en charge du programme national de cuisine traditionnelle au ministère de la Culture mexicain: « Le Mexicain adore sa cuisine et en est très fier mais il ne l’expose pas car il a toujours cru qu’elle n’était pas assez bien pour les étrangers », juge-t-il.

Se faire connaître

La liste des plats mexicains connus du grand public, dit-il, « ne représente même pas 10% » du patrimoine culinaire du pays, nourri par le métissage de dizaines de peuples indigènes, par les conquistadors espagnols et les migrations des siècles suivants, loin de l’image grasse et basique des nachos et burritos.

La fameuse salade mexicaine
La fameuse salade mexicaine© istockphotos

En 2010, la gastronomie traditionnelle mexicaine est entrée au patrimoine immatériel de l’Humanité de l’Unesco aux côtés du « repas gastronomique des Français » et de la diète méditerranéenne. Depuis, le gouvernement mexicain insiste sur la diversité des mets du pays: 78 volumes d’une collection intitulée « Cuisine indigène et populaire » ont été publiés. Chacun est consacré à une région, un ingrédient ou une communauté, tandis que 13 autres tomes répertorient les recettes traditionnelles.

Les autorités travaillent également à un inventaire scientifique des ingrédients, des différentes sortes de maïs, de haricots et de piments (chile) aux variétés locales de tomates, d’avocats et de cacao. « La cuisine mexicaine n’a pas besoin de se réinventer. Elle a besoin de se faire connaître, d’être davantage pratiquée et diffusée », souligne Mauricio Avila.

échoppe sur le marché de Mexico
échoppe sur le marché de Mexico© istockphotos

Croisade du goût

« Dans la communauté (indigène) dont je suis originaire, la cuisine reste la partie la plus importante du foyer, car c’est autour (de la cuisine) qu’il s’organise », se souvient Alejandro Ruiz à propos de son enfance à La Raya, village de l’Etat de Oaxaca (sud). C’est là qu’il a appris à moudre le maïs et à cuisiner pour nourrir la fratrie, pendant que sa mère lavait du linge pour subvenir aux besoins du foyer. « Ce que je cuisine reflète qui je suis, l’endroit où je suis né… tout cela se trouve dans mon ADN. Quelle est mon identité? Oaxaca », clame ce chef dans son élégant établissement de Mexico, Guzina Oaxaca.

assiette mexicaine typique traditionnelle
assiette mexicaine typique traditionnelle© istockphotos

La variété de ses cuisines régionales est une force du Mexique par rapport aux autres pays d’Amérique latine. « Au Pérou, tout est concentré à Lima, au Brésil à Sao Paulo et à Rio, au Chili à Santiago et en Argentine à Buenos Aires. Le Mexique, lui, s’exprime à travers toutes ses régions. C’est pour ça que c’est, à mon avis, ce qui il y a de plus intéressant (en Amérique latine) à l’heure actuelle », fait valoir Sasha Correa du Basque Culinary Center.

« Vous ne pouvez pas parler de cuisine mexicaine sans parler de certaines régions du Mexique », et cette variété gastronomique l’a fait jouer dans la même catégorie que « la Chine, l’Inde, l’Italie et la France, par exemple. C’est un pays tellement vaste et il y a tant de traditions et d’influences », renchérit Laura Siciliano-Rosen, co-fondatrice du blog Eat Your World, qui vit à New York.

Taquerias

Assiette de chez El Tizoncito : porc, oignon, ananas, fromage et tortilla
Assiette de chez El Tizoncito : porc, oignon, ananas, fromage et tortilla© Flickr/ Krista

Dans cette croisade nationale du goût, la restauration rapide ne compte pas rester à la traîne. El Tizoncito, une des plus célèbres chaînes mexicaines de « taquerias » – les restaurants à tacos, plat par excellence pour manger sur le pouce dans ce pays – a ouvert en décembre un premier établissement à l’étranger, à McAllen au Texas.

« Les taquerias sont une icône de la gastronomie mexicaine, c’est une tradition et un folklore », affirme Luis Alberto del Valle, administrateur de cette chaîne fondée en 1966.

Des ingrédients aux recettes en passant par l’agencement et la décoration du restaurant, tout a été pensé pour respecter la « tradition mexicaine », selon M. del Valle. « On essaye de répondre à cette nostalgie qu’éprouvent certains compatriotes aux Etats-Unis qui recherchent le goût mexicain. »

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