Fashion Week Paris: Ann Demeulemeester sera toujours Ann Demeulemeester

© www.anndemeulemeester.be

La créatrice belge a quitté sa maison pour d’autres horizons. Sans elle, mais avec sa petite musique bien à elle, son équipe signe un vestiaire, Femme et Homme mêlés, qui ne trahit rien, ne copie-colle rien, mais ouvre les voies du futur.

Quand elle était jeune fille, Ann Demeulemeester rêvait d’avoir voix au chapitre, c’est-à-dire d’avoir quelque chose à dire « dans la mode ». De sa belle écriture, elle confiait ce désir d’enfant, c’était en novembre 2013, dans une lettre intime, manuscrite, elle annonçait qu’elle arrêtait de travailler pour la maison qu’elle a si bien fondée et qui va lui survivre. Elle écrivait qu’elle avait le sentiment d’ « avoir accompli sa mission », elle qui a « toujours suivi son chemin », qu’une nouvelle ère s’ouvrait pour elle et pour sa griffe, qu’il était temps de « séparer les chemins », qu’Ann Demeulemeester pouvait très bien continuer sans elle, qu’avec l’équipe, il était décidé de montrer l’Homme et la Femme en même temps le 27 février 2014, qu’elle se sentait « fière » de ce qui avait été réalisé « ensemble ».

C’est dire si ce défilé était celui de toutes les interrogations. Serait-elle là ? Comment le virage sera-t-il amorcé ? Ann Demeulemeester sans Ann serait-ce encore pareil, voire viable ? Elle n’est pas venue saluer, la page est tournée, mais sa griffe porte son empreinte, magistralement.

Du côté femme, des drapés à tomber, du noir et du blanc, un parti pris radical, avec touche de doré sur des boots vraiment désirables. Pas de cuir, pas de fourrure, rien que des robes, manteaux, tuniques, pantalons, chemises qui redessinent un vestiaire sans cesse réinventé sur les mêmes bases – c’est cela la puissance émotionnelle de la marque de cette femme au regard d’eau cerné de noir qui fit de la mode belge ce qu’elle est aujourd’hui. Et c’est impressionnant. Toujours le même sillon, et si c’était cela la vraie raison de continuer à inventer une garde-robe à porter sans cesse ?

Du côté masculin, le doré s’aventure sur les chemises, les chaussettes ou les croquenots. Parfois une touche de rose très pâle vient souligner le blanc d’une silhouette féminine en diable pourtant drapée dans les atours d’un homme. L’androgynie n’est jamais loin, mais dans un mouvement léger de transparence qui laisse voir la chair et file des frissons. Avec Ann Demeulemeester, c’est sûr, il n’y a pas de no future.

Anne-Françoise Moyson

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content