rénovation maison Damian O Sullivan
Le salon possède toujours son parquet et sa cheminée de 1936. Au mur, la tôle ronde est une œuvre de Frank Ammerlaan. © Jan Verlinde

A Bruxelles, dans la maison années 30 du designer Damian O’Sullivan

Près des étangs de Woluwe-Saint-Pierre, cette maison de 1930 a des allures de bateau à quai. Le designer Damian O’Sullivan, qui a œuvré pour Hermès et Vuitton, y vit et travaille, dans un univers où l’architecture et le surréalisme se répondent.

Avec son style paquebot – fins garde-corps métalliques, hublots et angles arrondis – et ses grands vitrages, cette villa de la rue Père Damien, à Bruxelles, est très représentative des années 30.

Une esthétique transatlantique, apanage du luxe dont raffole la clientèle fortunée de l’époque, qui nous projette dans l’imaginaire du voyage. «Quand je l’ai visitée pour la première fois, il pleuvait. La deuxième fois également, et pourtant je la trouvais très lumineuse! Je devinais tout son potentiel», raconte son propriétaire.

Les origines de la maison

Né d’un père irlandais et d’une mère française, Damian O’Sullivan grandit aux Pays-Bas, à Leyde et Rotterdam. Il s’installe à Bruxelles il y a une dizaine d’années: «Dès mon plus jeune âge, j’étais baigné dans l’architecture moderniste.» Un bon indicateur pour s’établir ici. Il faut dire qu’en tant que designer, notre hôte a un œil d’expert.

Après avoir retrouvé les plans d’origine et mené son enquête, il apprend que la maison aurait été construite pour un baron aviateur en 1936, par l’architecte Charles Van Nueten (1899-1989). Si son nom ne nous est pas familier, il a pourtant réalisé de nombreux projets, notamment la reconstruction du Cirque Royal à Bruxelles, en 1953. L’architecture soignée de cette maison lui vaudra plusieurs articles dans les revues d’époque et deux mentions au prestigieux prix d’architecture Van De Ven, en 1938.

Salon design
Le salon, avec une peinture de Rafaël Rozendaal. © Jan Verlinde

Modernisme minimal

Dans les années 70, la demeure a subi plusieurs transformations malheureuses, et nécessitait un grand projet de rénovation, mené par l’occupant actuel. Aussi, toutes les fenêtres ont été refaites selon les dessins d’époque ainsi que le sous-bassement en carreaux de grès noirs de la façade, qui avait été démantelé.

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En puriste, Damian O’Sullivan souhaitait un retour aux dispositions d’origine, mais pas seulement – «L’idée était de rendre la maison plus performante.» L’habitation s’équipe de panneaux solaires sur le toit, du chauffage au sol dans la cuisine et les salles de bains, et d’une pompe à chaleur. Et comme la beauté réside dans les détails, il continue ses investigations pour retrouver des interrupteurs en Bakélite et des robinets de radiateurs d’époque.

salle à manger design
Sur l’enfilade fifties de la salle à manger, le Bootbag DAMIAAN, en total look noir. Au mur, une peinture de Justin Weiler. © Jan Verlinde

Si la façade paraît modeste, l’impression d’espace se décuple à l’intérieur, spécialement à l’étage des pièces à vivre. Dans le salon, un immense châssis s’étend sur toute la hauteur et la largeur de la pièce, la baignant de lumière.

Un modernisme minimal, ponctué par de discrets éléments décoratifs: l’arrondi des corniches murales, une cheminée en travertin, et un ensemble de portes sombres, presque noires: «L’architecte Van De Ven importait des portes en pitch-pin des Etats-Unis, c’est peut-être pour cela que Charles Van Nueten en a placé beaucoup dans la maison», sourit le designer.

Ceci n’est pas un sac

Sur l’enfilade de la salle à manger se trouvent deux sacs à main, aux lignes singulières. L’un présente un motif de serpent, l’autre reprend les traits d’une botte. «Pour le Bootbag, j’avais vu une idée un peu semblable mais j’ai poussé plus loin le côté botte», explique le créateur.

Ses origines multiculturelles lui confèrent une grande créativité, doublée d’une certaine audace: «Après des études de design au Royal College de Londres, j’ai eu l’idée d’un porte-cravate. J’ai envoyé une lettre manuscrite au CEO d’Hermès, Jean-Louis Dumas, il n’y avait pas d’e-mail à la fin des années 80. Il m’a invité à lui présenter mon projet, qu’il a tout de suite aimé. Puis je lui ai proposé un projet de sac, qu’il a également retenu pour la collection. Voilà comment j’ai commencé», raconte-t-il.

La cuisine est contemporaine. La forme ronde de la fenêtre hublot se retrouve à différents endroits de la maison, dans l’esprit paquebot.
La cuisine est contemporaine. La forme ronde de la fenêtre hublot se retrouve à différents endroits de la maison, dans l’esprit paquebot. © Jan Verlinde

Un parcours créatif qui le conduit notamment à collaborer avec différents artistes comme Anish Kapoor, pour l’aider à réaliser son vortex d’eau Descension. Avant de revenir au luxe, il y a quinze ans: «Je renouais avec un ami qui travaille pour Hermès, l’occasion pour moi de réintégrer la maison, autour cette fois de l’art de la table», avec plusieurs collections de porcelaines et objets exposés au Salone de Milan.

Sa collaboration avec Louis Vuitton

Repéré par Louis Vuitton, il officiera pour la maison durant plus de trois ans, créant maroquinerie et accessoires, avant de lancer sa propre marque en 2022: «J’ai eu envie d’explorer pleinement ma créativité et de revenir à la maroquinerie.»

La salle de bains en marbre rénovée par Damian O’Sullivan. On y retrouve la forme ronde dans le miroir.
La salle de bains en marbre rénovée par Damian O’Sullivan. On y retrouve la forme ronde dans le miroir. © Jan Verlinde

Associé avec Christina Zeller, ex-responsable création et marketing chez Delvaux, il fonde DAMIAAN. «Le nom est venu de la rue où j’habite, rue du Père Damien. Et aussi du fait que mon nom a toujours été écrit différemment! Ma mère l’écrivait Damien, mon père Damian, et aux Pays-Bas on prononçait Damine, si bien que je devais mettre deux points sur le «e» pour qu’on prononce Damien.»

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Une histoire digne du surréalisme, à l’image des sacs qu’il imagine. «La ligne conductrice est très influencée par Bruxelles, le côté surréaliste, figuratif et narratif.» Si le Bootbag évoque le trompe-l’œil de Magritte, le Snakebag s’inspire du rêve du peintre Delvaux, avec une poignée qui devient un serpentin. La tentation du fruit défendu?

«Ou la tentation d’acheter un bel accessoire, sourit le designer. Je recherche des idées fortes qui vont surprendre, qui ne ressemblent pas aux autres marques.» S’ils sont pratiques et utilitaires, nos sacs portent toujours nos propres histoires, et ce sont ces histoires que DAMIAAN veut raconter.

Le designer Damian O’Sullivan.
Le designer Damian O’Sullivan. © Jan Verlinde

damiaan.co Dès 990 euros, chez Cachemire, coton et soie, à Bruxelles, et en ligne.

Bio express

– Charles Van Nueten naît en 1899 à Saint-Josse-Ten-Noode et décède à Bruxelles en 1989.
– Architecte et peintre, il fait ses études à l’Académie des beaux-arts de Bruxelles, dont il sort en 1921.
– Sa production est vaste et très diversifiée: maisons, logements sociaux, bureaux, magasins, écoles, gares, salles de spectacle, pavillons d’exposition…
– Pour l’Expo universelle de Bruxelles en 1935, il conçoit le Planétarium.
– En 1939, il succède à Victor Bourgeois à la présidence de la Société belge des urbanistes et architectes modernistes.
– Dans les années 50, il édifie plusieurs bâtiments au Congo belge.
– En 1953, il reconstruit le Cirque Royal à Bruxelles.
– Il enseigne à La Cambre de 1936 à 1966.

La façade de style paquebot typique des années 30 a retrouvé ses lignes d’origine grâce à une restauration méticuleuse du propriétaire.
La façade de style paquebot typique des années 30 a retrouvé ses lignes d’origine grâce à une restauration méticuleuse du propriétaire. © Jan Verlinde

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