Quand on pousse la porte de ce bel appartement parisien baigné de lumière, c’est tout un monde qui se révèle. Celui d’un collectionneur inspiré : Stephen Di Renza, Design Director chez Dunhill.

Cet Américain de 44 ans aime les peaux de zèbres, la petite maroquinerie en crocodile et en lézard, les vieilles lunettes en écaille de tortue… Les boutons de manchette ? Il en possède d’innombrables paires, dont une en coquilles de cyclope ressemblant étrangement à deux yeux.  » Mon père les a ramenés de la Polynésie après la Seconde Guerre mondiale « , confie-t-il. Mais sa plus grande passion, Stephen Di Renza, Design Director chez Dunhill, la réserve cependant à l’art de la propagande :  » Je suis fasciné de voir comment les gens peuvent être programmés.  » Au début des années 1990, il a passé trois ans au Vietnam (à l’époque, il travaillait pour Habitat). C’est ainsi qu’il possède plus d’une centaine d’affiches de propagande vietnamiennes (très probablement la plus grande collection d’Europe), dont la plupart datent de la fin des années 1970 et ont élu domicile dans sa maison londonienne, une ancienne école dans le quartier de Battersea.  » Je pensais qu’elles m’aideraient à mieux comprendre cette période, explique- t-il. Après le départ des Américains, en 1975, aucune information n’est sortie du Vietnam pendant cinq ans. La majorité des gens ne savent même pas que le pays a vécu par la suite deux autres guerres avec la Chine et le Cambodge.  »

L’appartement parisien de Stephen Di Renza, lui, recèle bien d’autres £uvres d’art vietnamiennes. Dans la chambre, il y a un tableau de Truong Tân, un artiste censuré. Sur un mur de la cuisine voisinent trois bols remplis de riz. Ils ont été créés par l’Américain Bradford Edwards lors d’un séjour au Vietnam. Sur leurs couvercles en verre sont dessinés des cerfs-volants et des missiles, des pousse-pousse et des tanks. Une console en verre, quant à elle, accueille trois céramiques chinoises illustrant des scènes de la Révolution culturelle.

Situé à l’est de Paris, près du Bois de Vincennes, le bâtiment abritait auparavant une teinturerie, dont le client principal était l’Opéra de Paris. Lorsque Stephen Di Renza l’a découvert, il avait déjà été transformé en lieu d’habitation.  » Je n’aime pas les petites pièces, précise-t-il. J’ai simplement créé un dressing et abattu la cloison qui séparait l’espace principal en deux.  » Trois grandes photos trônent dans la pièce principale : une image très colorée d’une fleur d’artichaut par Clive Nichols et deux immenses clichés en noir et blanc que Stephen Di Renza a commandés à l’artiste japonais Keiichi Tahara comme visuels pour les boutiques Dunhill. L’un représente les pieds d’une statue romaine. L’autre est composé d’un gigantesque volant, d’une calandre de voiture d’époque et d’une mascotte Bugatti en forme de bouledogue anglais.

Le choix du mobilier est aussi original. Ainsi, la commode en verre et laque noire installée dans la chambre a été initialement conçue pour ranger des instruments médicaux. D’autres objets ont bénéficié d’une touche plus personnelle. Un tabouret d’Isamu Noguchi des années 1940 a été recouvert de cuir, les tiroirs d’un bureau scandinave aménagés pour accueillir une chaîne hi-fi et les pieds  » arachnéens  » d’une table basse retournés et ornés d’un nouveau plateau en verre. La cuisine, quant à elle, est composée d’un mélange de meubles Ikea et de tiroirs fabriqués sur commande en acier brossé.

Depuis son arrivée chez Dunhill, en 2000, Stephen Di Renza s’est efforcé de faire revivre l’héritage de la vénérable maison britannique.  » Elle a commencé par fabriquer des harnais dans les années 1890, note-t-il. Puis le fils du fondateur a eu l’idée géniale de créer des accessoires de voiture.  » Une copie d’une couverture en cuir (conçue, à l’origine, pour tenir les automobilistes au chaud) du début du xxe siècle repose d’ailleurs sur le lit du Design Director. Et sous son impulsion, trois modèles anciens de manteaux de voiture, désormais disponibles sur commande, ont été réédités.

Stephen Di Renza a aussi à son actif la rénovation de la boutique parisienne de Dunhill, sise dans la prestigieuse rue de la Paix et ouverte depuis 1924. Il a retrouvé les portes de l’époque au sous-sol et l’une des vitrines d’origine dans un entrepôt. Il a aussi ajouté à l’ensemble une table de bibliothèque de cinq mètres de longueur, découverte dans un château bordelais. Cette approche  » sur mesure  » caractérise bien le style Di Renza. Il a récemment achevé la restauration d’une maison médiévale au c£ur de la médina de Fez, qu’il propose à la location en villégiature. Les travaux ont duré trois ans.  » Chaque partie a été refaite à la main, souligne-t-il. Même les grilles métalliques. Quelque 75 personnes ont restauré les boiseries avec des Cotons-Tige.  »

Ian Phillips – Photos : Xavier Béjot

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