Belgium’s got talent: le Belge Igor Dieryck, grand gagnant du Festival international d’Hyères

Igor Dieryck et Pierre De Maere
Le créateur belge Igor Dieryck, lauréat, triplement couronné au 38e Festival international de mode, de photographie et accessoires d’Hyères. © Jérôme Van Belle
Anne-Françoise Moyson

Le créateur belge Igor Dieryck est triplement couronné au Festival international de mode, de photographie et accessoires d’Hyères. La 38e édition promeut ainsi plus que jamais la jeune création placée sous le signe de la grâce, du mérité et de la liberté. Bravo.

En 4 jours intenses, bouillonnants, hors du temps mais pas de l’époque – car le bruit et la fureur du monde s’y font entendre et y trouvent écho -, la création s’est donné rendez-vous à Hyères, dans le Var. Du 12 au 15 octobre 2023, le Festival international de mode, de photographie et accessoires, plus communément appelé Festival d’Hyères a vécu sa 38e édition. Soit 4 jours concentrés, ramassés en un même lieu, la villa Noailles, sur une colline surplombant la Méditerranée, dans cette demeure moderniste qui fête son centenaire. On savoure l’esprit visionnaire de Charles et Marie-Laure de Noailles, couple de mécènes au regard acéré, aux goûts larges et avant-gardistes qui osa rêver d’une telle merveille au début du siècle passé et demanda à l’architecte Robert Mallet-Stevens de dessiner une « petite maison intéressante à habiter ».  

Jean-Pierre Blanc
© Jérôme Van Belle

Dans cette villa-labyrinthe, le temps d’un long week-end, la jeune création s’est donc rassemblée à l’appel de Jean-Pierre Blanc (en photo), fondateur de ce festival dont la première édition date de 1986, c’est si loin déjà, c’était un autre siècle.

On en veut pour preuve la composition de son jury Mode, confié aux bons soins d’un président à peine sorti de l’adolescence, Charles de Vilmorin, 26 ans, pratiquement le même âge que les 10 finalistes, au tout début d’une carrière qui reste encore à écrire. Il n’en est en effet qu’à ses premiers pas. A peine diplômé de la Chambre syndicale de la couture parisienne, l’industrie de la mode (qui aime s’inventer des contes de fée) l’a illico porté aux nues. Au printemps 2020, Charles de Vilmorin lance donc sa marque, à son nom et un an plus tard, est engagé à la direction artistique de Rochas, trop tôt, trop jeune, trop inexpérimenté, il le reconnaît lui-même. L’aventure tourne court au bout de deux ans, en avril dernier ; le voilà désormais en roue libre, à la tête de son propre label où de ses rêves et de ses cauchemars, il fait des silhouettes théâtrales et naïves – le privilège de la jeunesse.

Le mérite

Il n’empêche, entouré de sa bande d’amis, dont le chanteur belge Pierre de Maere, la réalisatrice et photographe Alice Moitié, le directeur artistique de la maison Lesage Hubert Barrère, l’écrivaine Sophie Fontanel ou encore l’artiste Bilal Hassani, le voici président du jury mode du 38e Festival d’Hyères.

Igor avec Pierre De Maere

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Claire Laffut aux platines

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Claire Laffut aux platines

Bilal Hassani

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Bilal Hassani

Igor avec Pierre De Maere

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Claire Laffut aux platines

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Claire Laffut aux platines

Bilal Hassani

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Bilal Hassani

C’est-à-dire chargé de déterminer qui sortira du lot, lui qui se plaît à rappeler avec une grande sincérité qu’il envoya sa candidature il y a quelques années mais ne fut pas retenu pour figurer parmi les finalistes, c’est désormais de l’histoire ancienne. Avec le Prix du Jury Première Vision, Charles de Vilmorin, en âme et conscience, a donc choisi de couronner le sérieux, l’acharnement, la foi en la créativité jamais premier degré, le talent et le goût du travail bien fait.

« De son job d’étudiant à la réception d’un hôtel, il a retenu la complexité  des rapports sociaux tant codifiés. Il en a fait un vestiaire qui mixe le tailoring parfaitement réalisé au sportswear en filigrane, avec une réflexion fine sur les finalités de l’uniforme. »

Autant de mots qu’Igor Dieryck personnifie parfaitement. Le jeune créateur est belge, a 24 ans, vient d’Arlon, a été formé à l’Académie Royale des Beaux-Arts d’Anvers où il a appris à travailler d’arrache-pied et dont il est sorti diplômé en juin 2022, il est aujourd’hui chez Hermès où il œuvre au studio Homme.  

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Sa collection unisexe, il l’a baptisée « YESSIR ». Elle a le mérite d’être pensée, coupée, cousue au cordeau. Et elle a plusieurs niveaux de lecture, c’est voulu, c’est là aussi que l’on découvre la subtilité et l’intelligence d’Igor Dieryck. A travers ses vêtements immédiatement portables, il entend « mettre en lumière ceux qui trop souvent demeurent ignorés et occultés par un système qui ne laisse pas la place d’être puissants ».

De son job d’étudiant à la réception d’un hôtel, il a retenu la complexité  des rapports sociaux tant codifiés. Il en a fait un vestiaire qui mixe le tailoring parfaitement réalisé au sportswear en filigrane, avec une réflexion fine sur les finalités de l’uniforme. Il s’amuse aussi avec des micro détails qui font sourire, sur la braguette, les lettres Welcome et en guise de boutons de manchettes, un YES et un SIR qui jouent les gimmicks.

Igor Dieryck met également un point d’honneur à travailler avec des ateliers belges et d’autres labels noir-jaune-rouge, parce qu’il sait combien il est crucial de vivre la collaboration fructueuse, de lutter contre la disparition des savoir-faire locaux et de viser une proximité moins carbonée et donc plus verte.

La grâce

Grâce à ce concours, qui crée des ponts entre l’industrie de la mode et les jeunes créateurs émergeants, leur offrant la possibilité de travailler avec de grandes maisons réunies sous la coupole du 19M, Igor Dieryck a aussi collaboré avec le plumassier Lemarié. Il rêvait d’une veste dont la matière évoquerait des plumes, l’organza effrangé amoureusement par les ateliers de la maison Lemarié fait son effet, en superposition de couches de tissus qui volètent au moindre souffle.

Le jeune créateur belge a puisé sa référence formelle dans le plumeau des femmes de chambre qui comme des ombres s’attaquent à la poussière… C’est politique, finement décalé, voire surréaliste, il a des racines belges après tout. Et c’est tellement élégant qu’on comprend parfaitement pourquoi Igor remporte le Prix du 19M des Métiers d’art

La liberté

Si Igor Dieryck rêve un jour peut-être mais pas demain de lancer sa propre marque, il sait très intelligemment qu’il lui faut encore apprendre, il n’ira pas se brûler les ailes. Il sait aussi qu’il peut remercier ses parents de l’avoir soutenu et guidé du mieux qu’ils le pouvaient, en le ramenant parfois sur terre, lui conseillant d’avoir toujours un plan B. Son triple couronnement fait plaisir, car dans ce monde où souvent l’esbrouffe sans fond paie, ce qui est ici récompensé, c’est le mérite d’un jeune homme talentueux qui bosse dur, avec humilité et acuité.

Igor avec Pierre De Maere

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Claire Laffut aux platines

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Bilal Hassani

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Pierre De Maere

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Pierre De Maere

Igor avec Pierre De Maere

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Igor avec Pierre De Maere

Claire Laffut aux platines

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Bilal Hassani

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Pierre De Maere

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Pierre De Maere

Lire aussi: Igor Dieryck marche dans les pas de Margiela chez Hermès – et incarne le futur de la mode belge

Noailles, une villa-phare


Dans cette villa Noailles qui ressemble à une ruche, s’agrège une foule de gens, toutes générations confondues, qui font de la création leur moteur. On y croise des Hyérois pure souche, qui savourent leur chance d’avoir un tel lieu à portée de main, comme un phare dédié à la créativité, ce qui sous-entend la beauté, même singulière.
On y rencontre les grands acteurs de l’industrie de la mode, Chanel en tête – au mitan des années 80, Karl Lagerfeld tomba en amour pour la Villa Noailles alors saccagée et abandonnée à son triste sort de lieu fantomatique. Suite logique, la maison aux deux C s’est inscrite en tête de liste des partenaires officiels de ce Festival qui peut se targuer d’être le plus ancien du genre. On y retrouve aussi quantité d’artistes, de Camélia Jordana à Jeanne Added, en passant par Claire Laffut et Barbara Butch…
Autant de femmes puissantes qui marchent dans les pas de Marie-Laure de Noailles, « libertaire et provocatrice, immensément généreuse », comme le rappelle la présidente du Festival, Pascale Mussard, qui a délibérément choisi de placer cette 38e édition sous l’aura de ces trois mots – « la grâce, le mérite et la liberté ». Promis, on fera tout pour essaimer.

Les lauréats du 38e Festival international de mode, de photographie et accessoires, Hyères

Concours Mode

  • Grand Prix du Jury Première Vision : Igor Dieryk
  • Prix Le19M des Métiers d’art : Igor Dieryck
  • Prix de la collection éco-responsable Mercedes : Petra Fagerstrom
  • Prix l’Atelier des Matières : Petra Fagerstrom
  • Prix du Public – Ville d’Hyères : Igor Dieryck

Concours photographie

  • Grand Prix du Jury de la Photographie 7L : Thaddé Comar
  • Prix de la photographie American Vintage : Souleymane Bachir Diaw
  • Prix du Public – Ville d’Hyères : Kin Coedel

Concours Accessoires

  • Grand Prix du Jury : Gabrielle Huguenot
  • Mention spéciale du Jury : Christiane Schwambach
  • Prix Hermès des accessoires de mode : Victor Salinier
  • Prix du Public – Ville d’Hyères : Victor Salinier

Lire aussi: Belges de Paris: les bonnes adresses d’Igor Dieryck, designer chez Hermès

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