Le corps du délit

© KAREL DUERINCKX

Un événement récent remis en perspective à l’aide de références historiques ou pop culture, de mauvaise foi occasionnelle et d’une bonne dose de désinvolture.

Toute controverse épidémiologique mise à part, ce fut l’une des rares polémiques estivales de l’Hexagone, dont l’actu déborde toujours un peu par-delà nos frontières, et ce, qu’elle nous concerne ou non – d’aucuns estimeront que l’épisode ici relaté ne regardait finalement personne, et ils ont à la fois tort et raison, mais nous y reviendrons.

Rapide évocation des faits : en août dernier, sur la plage de Sainte-Marie-la-Mer, deux femmes ont été sommées par des gendarmes de réenfiler le haut de leur maillot, la pratique du topless incommodant apparemment une famille installée à proximité. S’ensuivit un ramdam mobilisant le maire local, les hautes sphères de la gendarmerie, et même le ministre de l’Intérieur, tous pressés de se poser en défenseurs des libertés, admettant en choeur qu’il n’y avait pas de quoi sonner la maréchaussée. Après tout, il y a quand même près de trente ans que la loi française distingue clairement le monokini de l’exhibition sexuelle, merci pour elles. Ça fait d’ailleurs un bail que ces dames tombent la moitié de leur itsy bitsy Bikini sans faire sourciller grand monde, à l’exception d’acariâtres commères ou d’éventuels mateurs planqués derrière leurs Ray-Ban. Les archives de l’Institut national de l’audiovisuel en témoignent, elles qui ont conservé de savoureux reportages de terrain sur le  » seins-nus  » datant des années 60 et 70 – des extraits  » explicites  » sont même disponibles sur YouTube, plate-forme pourtant réputée pour sa propension à sabrer le moindre contenu un peu olé-olé.

u0026#xC7;a fait un bail que ces dames tombent la moitiu0026#xE9; de leur itsy bitsy Bikini sans faire sourciller grand monde.

Signe des temps, l’expo Louis De Funès de la Cinémathèque de Paris organisera ce 13 septembre une visite naturiste, en clin d’oeil au puritanisme zélé du maréchal des logis-chef qu’il incarnait dans Le gendarme de Saint-Tropez. Et si, préciseront les cinéphiles avertis, Cruchot chassait les nudistes, ce qui n’est pas tout à fait pareil, on retiendra surtout qu’en 1964 déjà, des millions de spectateurs français moquaient la frilosité et la tartufferie de leurs forces de l’ordre. Et puis, tant qu’à convoquer Molière, on rappellera aussi qu’à la fameuse tirade  » Cachez ce sein « , cette chère Dorine réplique au faux dévot  » Je vous verrais nu du haut jusques en bas, que toute votre peau ne me tenterait pas « , lui renvoyant dans les dents ses propres turpitudes et sa propension impie à la sexualisation.

La conclusion de ces quelques considérations sur la pudibonderie ? Disons qu’en voyant le bon côté des choses, on peut arguer que cette pantalonnade médiatique nous en aura sans doute épargné une autre, à savoir une énième crise de nerfs autour du Burkini.  » Comment ?  »  » Pourquoi ?  » s’écrient de concert ceux que le sujet a tendance à crisper, et pour qui les deux problématiques semblent, par définition, diamétralement opposées. En guise de réponse, on se contentera de pointer un faisceau de similitudes, comme le fait qu’il s’agisse dans un cas comme dans l’autre de micro-événements, montés en épingle pour vendre du papier, d’élans autoritaires, rétrogrades et procéduriers ou, encore et toujours, de l’irrépressible besoin d’exercer un contrôle sur le corps des femmes, suivant qu’on le juge trop couvert ou pas assez.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content