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L'appareil photo numérique fait son grand retour DR Canva

L’obsession de la Gen Z pour cet appareil photo est-elle cliché?

Kathleen Wuyard
Kathleen Wuyard Journaliste & Coordinatrice web

23, 33, 43, 53 ans: voit-on forcément la vie autrement avec (plusieurs fois) dix ans d’écart ? Positionnés chacun dans une décennie différente, nos journalistes confrontent chaque vendredi leurs points de vue en débattant des sujets dont tout le monde a parlé lors de la semaine écoulée.

Appartenant respectivement aux générations Z, Millenial et X, Thibault Dejace, Kathleen Wuyard, Nicolas Balmet et Nathalie Le Blanc confrontent leurs points de vue sur le buzz du moment dans notre chronique « 10 ans d’écart ». Le sujet de la semaine?

Le retour en grâce de l’appareil photo numérique version beta

Celui-là même qui a fait office d’avancée incroyablement futuriste lors de son lancement, synonyme d’économies de pellicule et de temps (plus besoin d’apprendre le développement!). Incontournable de toutes les soirées du tournant du millénaire, cet accessoire ô combien Y2K s’offre un retour en grâce dans la foulée des UGG et autres jeans taille basse.

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À l’origine de l’engouement retrouvé pour l’appareil photo numérique version beta, ni Millenials ni membres de la Gen X nostalgiques du « bon vieux temps », mais bien la Gen Z, qui, sans avoir connu l’avènement de cet objet technologique, ne jure que par ses clichés au rendu moins léché. Mais ne serait-ce pas un peu cliché, tout ça?

Thibault, 23 ans « Un accessoire fun quasi obligatoire en soirée »

À l’heure où les smartphones dernier cri accumulent les mégapixels tandis que la qualité des appareils photos ne fait qu’augmenter, les vieilles caméras de mon enfance, ou « digicams » font leur grand retour. Et ces appareils photo/vidéo à la qualité plus que douteuse s’imposent de plus en plus. Comme un espèce d’accessoire fun quasi obligatoire en soirée, dont je dois bien avouer ne plus résister à ses charmes désuets.

Je craquais déjà complètement pour la photo argentique (je me suis d’ailleurs offert un appareil photo récemment, au grand dam de mon portefeuille) mais les prix actuels des pellicules (je vous l’ai dit mon portefeuille m’en  veut) me refroidit quelque peu. Dès lors, l’utilisation d’une digicam m’apparait de plus en plus alléchante.

Pas tant pour l’image qu’elle m’offrira (quoi que, à voir ce que certains de mes congénères, les fameux GenZers, arrivent à faire, je suis curieux) mais peut-être plus pour la douce mélancolie et les souvenirs qui sont rattachés à cet objet. Et au vu des circonstances actuelles, comment puis-je me réfréner face à cet objet doudou ? Vous l’aurez deviné, à l’heure de boucler ces quelques lignes, je viens de confirmer l’achat de ma première digicam…. Cliché, moi?

Kathleen, 33 ans: « Rendez-moi l’appareil photo numérique de mes 18 ans »

Si Confucius avait connu l’avènement des smartphones et des réseaux sociaux, il y a fort à parier qu’il n’aurait jamais affirmé qu’une image valait mille mots. Car de nos jours, si certaines se monnaient à prix d’or par ceux qui préfèrent être qualifiés de « créateurs de contenu », une photo ne vaut plus grand chose. Ou du moins, contrairement à sa fonction première, ne reflète plus la réalité.

Filtres, retouches, AI… Rien ne ressemble moins à une personne qu’une photo postée en ligne, si tant est que la personne en question manie les outils à sa disposition avec enthousiasme. Je suis bien placée pour le savoir, n’hésitant pas à jouer avec la luminosité ou la chaleur d’une image si j’ai le teint pâle ou inégal. Résultat, selon les critères convenus de beauté, je n’ai jamais été plus à mon avantage sur les photos de moi (à l’exception de celles prises par mes parents, mais je digresse) et pourtant, cette perfection de façade a ôté tout le plaisir qu’il pouvait avoir à immortaliser un moment.

Bien sûr, techniquement, les images de l’époque appareil photo numérique, Skyrock et Myspace étaient moins belles. Elles étaient aussi bien plus joyeuses, spontanées et authentiques. D’ailleurs, si Apple pouvait décider de ressusciter l’iPod indissociable de ces soirées dans la foulée…

Nicolas, 43 ans : « La mode actuelle, c’est d’adopter cet appareil photo tout pourri ? »

Chère Génération Z, bonjour.

Je propose qu’on se tutoie, hein. Qu’apprends-je donc ? Que tu aurais une soudaine attirance pour les appareils des temps anciens ? En voilà une intrigante nouvelle !

Permets-moi d’essayer de comprendre. Tu veux du vintage, c’est ça ? Des trucs un peu flous, un peu moches, un peu ringards ? Tu veux de l’éclairage approximatif et des yeux rouges ? Désolé, mais vraiment, je vais devoir être méchant avec toi. Parce qu’en fait, ça fait maintenant plusieurs années que je me démène comme un diable pour être à la page en matière de technologies clinquantes et modernes, tu vois. J’ai échangé mon walkman contre Spotify, j’ai bazardé tous mes DVD pour prendre un abonnement Netflix, et j’ai même revendu mon Gameboy sur 2emain.be pour télécharger Candy Crush sur mon smartphone qui m’a coûté un bras. Et toi, tu fais quoi ?

Soudainement, tu me dis qu’en fait, la mode actuelle, c’est d’adopter cet appareil photo tout pourri qui te donne une tronche de zombie en gueule de bois et qui te propose encore le sépia comme filtre ? Sois honnête avec moi : tu oublies de me respecter, on est d’accord ? Oui, je pense qu’on est d’accord. Alors voici ma suggestion : ton appareil photo, tu n’as qu’à le ranger dans sa petite pochette en tissu, le glisser dans un sac à dos, sortir dans la rue, aller t’acheter un ticket de train pour Paris, prendre le métro jusqu’à la tour Eiffel, prendre l’ascenseur vitré qui te mènera à 276 mètres de hauteur, profiter de la vue imprenable sur Paris, sortir ton appareil de sa pochette et le jeter en bas en essayant de pas toucher un enfant.

Ça ira ? Merci. Bonne journée à toi. Et couvre-toi bien : Paris, c’est comme chez nous, il fait un peu frisquet en ce moment.

Nathalie, 53 ans : « Je laisse aux jeunes ces images un peu floues »

J’adore la photographie depuis qu’on m’a offert un appareil photo pour ma première communion, en 1981 : l’Extralite, un Kodak long et étroit. Il m’a accompagné en voyage scolaire, et je ressens encore presque physiquement l’excitation de recevoir enfin l’enveloppe avec les photos développées. Je suis d’ailleurs restée fidèle à l’argentique jusqu’à ce que mon rédacteur en chef de l’époque m’oblige à passer au numérique dans les années 90. La liberté de prendre des photos à l’infini était grisante, mais quand je suis tombée nez-à-nez avec l’appareil photo analogue est-allemand Lomo en l’an 2000, j’ai renoué avec les joies de la pellicules. Jusqu’à ce que j’égare mon appareil lors d’un voyage en Italie.

À l’automne dernier, j’ai parcouru pour la première fois une ville (Venise, en l’occurence) armée uniquement de mon smartphone, et j’ai trouvé ça… Follement libérateur. Des clichés de qualité supérieure étaient à portée de clic, sans devoir trimballer de gadgets encombrants avec moi. Sereine comme jamais dans la Sérénissime, j’ai réalisé que j’étais désormais (i)Phonographe plutôt que photographe.

Je laisse donc aux jeunes les images un peu floues des appareils photos numériques d’antan et la nécessité de les trimballer à chaque occasion susceptible d’être immortalisée. Pour ma part, je vais m’inscrire à un cours de photo au smartphone, et je ne doute pas qu’il existe un filtre qui permette à mes clichés de ressembler à ceux que je prenais il y a 20 ans. Disons que pour moi, ces appareils photos sont comme les leggings: been there, done that. Et en toute honnêteté, le rendu n’était pas si dingue lors de leur première vague de popularité…

 

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