Ringards, les emojis? DR Le Vif Weekend 10 ans d'écart

Trop ringards les émojis et les GIFs?

Kathleen Wuyard Journaliste
Nicolas Balmet Journaliste
Nathalie Le Blanc Journaliste

23, 33, 43, 53 ans: voit-on forcément la vie autrement avec (plusieurs fois) dix ans d’écart ? Positionnés chacun dans une décennie différente, nos journalistes confrontent chaque vendredi leurs points de vue en débattant des sujets dont tout le monde a parlé lors de la semaine écoulée. Cette semaine : l’utilisation des émojis et des GIFs. 

Appartenant respectivement aux générations Z, Millenial et X, Thibault Dejace, Kathleen Wuyard, Nicolas Balmet et Nathalie Le Blanc confrontent leurs points de vue sur le buzz du moment dans notre chronique « 10 ans d’écart ». Le sujet de la semaine?

Les émojis et les GIFs

Ou plutôt, la question qui fâche: leur utilisation est-elle ringarde? Le choix d’insérer des émojis, voire pire, des GIFs dans une conversation serait-t-il vraiment, ainsi que les Zoomers l’affirment, la marque du Boomer, et ce, quel que soit votre âge? Le verdict avec 10 ans d’écart.

© Thomas Sweertvaegher

Thibault, 23 ans : « La sobriété est de mise »

Faut-il écrire avec des émojis ? A en croire l’ensemble des SMS, DM Insta et autres messages que j’envoie, je dirais que oui. La pratique semble s’être automatisée et un message sans émoticônes me parait presque froid. Même si, à y regarder de plus près, je semble ne me limiter qu’à deux-trois émojis bien spécifiques et relativement polyvalents. Soit celui qui pleure de rire, celui avec des cœurs dans les yeux et le smiley souriant (mais en grand, pas celui qui sourit à moitié, il m’effraie lui).

Un trio auquel je recours avec parcimonie: j’utilise un smiley qui pleure de rire (mais pas sept d’affilée) pour exprimer mon hilarité. Le pouce est banni de mon lexique, de même que les cœurs de toutes les couleurs, à l’exception éventuellement du blanc. Less is more en matière d’émojis (et de GIFs mais ne nous aventurons pas sur cette pente glissante.)

Malheureusement, cette sobriété émoticonale ne semble pas être d’application chez les générations qui me précèdent et semblent, elles, privilégier le maximalisme. Des smileys à la pelle, souvent utilisés de travers (non maman, l’émoji affichant un sourire en coin ne veut pas dire ce que tu penses) et accompagnant la plupart du temps des publications qui me font dire que oui, peut-être que les émojis sont devenus un rien ringard.  Du moins chez certains…

© Clément Jadot

Kathleen, 33 ans : « Mieux vaut être ringarde que mal interprétée »

Ayant grandi au croisement de la fin des années 90 et du début des années 2000, j’ai compris dès mon plus jeune âge que toutes les modes n’étaient pas bonnes à suivre. Je refuse ainsi fermement de succomber à la tendance du string apparent, d’abord sous pression parentale lors de son apparition au tournant du millénaire, et désormais consciente de la justesse de leur réticence alors que ce dernier se découvre à nouveau d’un fil.

Il en va de même de la tendance à bouder les émoijis et autres GIFs sous peine d’être périmé. Si mon utilisation enthousiaste des émoticônes me vieillit autant que ma persistance à prendre au sens propre le terme « sous-vêtements » (sous les vêtements le string, pas apparent) alors d’accord. Mieux vaut être ringarde que mal interprétée, et à l’heure actuelle, on fait difficilement mieux que les émojis et les GIFs pour s’assurer qu’un message soit bien compris.

À moins d’opter pour un bon vieux coup de téléphone, mais ça aussi, c’est quelque chose que je préfère laisser aux autres. Pour ma part, j’entretiens une correspondance soutenue et imagée avec les êtres qui me sont chers, et auxquels je réponds parfois simplement d’un GIF bien placé, car il est certaines images qui valent plus que de longs discours. Et taper « je ricane toute seule de ma blague tel un lézard goguenard » est tout de suite moins évocateur que la version animée. Pareil pour les emojis : plutôt que d’utiliser le smiley clin d’oeil, je pourrais préciser à mon mari « au fait, ce message est passif-agressif », mais je n’ai pas envie d’avoir l’air mesquine 😉. Par contre, ne me lancez pas sur l’utilisation de plusieurs emojis similaires à la suite : ça, c’est carrément 👵🏻👨🏼‍🦳.

Lire aussi: 10 ans d’écart: appétissantes, les butter boards?

© Thomas Sweertvaegher

Nicolas, 43 ans : « Il saupoudre mes messages en les assaisonnant d’un zeste de fun »

Quand on a vu naître Caramail et compagnie, dont le but consistait à papoter de n’importe quoi avec n’importe qui, on ne peut que se souvenir de la joie intense procurée par ces émojis surgissant à tout-va au milieu des conversations. Je ne pense pas avoir mordu tout de suite, convaincu que mes mots valaient plus que ces petits ronds jaunes. Mais j’ai mordu quand même et, encore aujourd’hui, je déverse des émojis à volonté dans toutes mes conversations « privées » – seuls mes contacts pros y échappent, sauf parfois.

C’est devenu comme un réflexe. Et quelque part, pour moi qui pratique un humour sans barrière, c’est un moyen de ne pas trop offenser ceux qui s’offenseront quand même mais peut-être un peu moins – je ne citerai personne, ma sœur se reconnaîtra.

Attention : l’émoji, dans mon cas, ne remplace en rien une phrase composée d’un sujet, d’un verbe et d’un complément d’objet direct. Il ne m’empêche pas de mettre des majuscules et des virgules. Et il doit être finement choisi, placé à une place précise, sans être entouré d’une horde d’autres émojis identiques. En fait, je suis un épicurien de l’émoji : il saupoudre mes messages en les assaisonnant d’un zeste de fun, mais ça s’arrête là. Et pour être très honnête, je trouve les émojis bien plus explicites et plus utiles que ce foutu langage SMS fait de « tkt », de « mnt » ou de « a2m1 », à qui j’envoie ici-même, là, maintenant, un vigoureux GIF avec un beau doigt d’honneur – fallait pas m’énerver.  

Lire aussi: 10 ans d’écart: la « cuffing season » sonne-t-elle le glas du romantisme?

© Thomas Sweertvaegher

Nathalie, 53 ans : « On savoure les petits plaisirs de la vie »

Je suis une fervente utilisatrice de GIFs, du genre à bombarder mes amis de lamas sautillants, de saynètes de « Schitts Creek » ou encore de blagues tirées de « South Park ». Je suis également du genre à accompagner environ 67% de mes messages d’émojis, lesquels me demandent une attention toute particulière car ils s’affichent en tout petit sur l’écran de mon téléphone, rendant leur interprétation difficile. Cette goutte symbolise-t-elle des sueurs froides ou bien une larme? Et cette langue, veut-elle dire que je salive, ou bien que j’ai faim (mais pas d’aliments)?

Les jeunes qui m’entourent me disent que mes épisodiques erreurs d’interprétation sont tout sauf cool. Sachant que je ne l’ai jamais été de ma vie et qu’il me semble un peu tard pour m’y mettre, je m’en accomode toutefois parfaitement. D’autant que les GIFs que j’envoie me font toujours rire aux éclats, et que les émojis dont je parsème mes messages garantissent que ceux-ci sont reçus de la bonne manière.

Bonus ajouté: la lecture des émoticônes utilisés par les autres par l’ordinateur de ma voiture, qui prend sa plus belle voix robotique pour ajouter « émoji d’une baignoire » ou autre « coeur rouge » entre deux mots, ce qui ne manque jamais de susciter mon hilarité. Peut-être que c’est ça, le secret de l’utilisation des émojis par les Boomers: on a suffisamment d’expérience pour savourer les petits plaisirs de la vie 👌

Lire les chroniques 10 ans d’écart, où les générations confrontent leurs points de vue
10 ans d’écart: la « cuffing season » sonne-t-elle le glas du romantisme?

10 ans d’écart: appétissantes, les butter boards?

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content