Comment le design graphique renforce l’identité queer

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Infor Sida asbl, Flying condom © Condom packaging Collection Fonds Suzan Daniel (Amsab-ISG), Illustration: Frédérique Guiot
Fanny Bouvry
Fanny Bouvry Journaliste

Le Design Museum Brussels présente l’expo Brussels Queer Graphics. Au travers de flyers, affiches, tee-shirts et fanzines, le musée revient sur plus de 70 ans d’engagement en images des communautés LGBTQI+.

Voilà un angle intéressant et pour le moins original pour aborder l’histoire de l’engagement et du militantisme des communautés LGBTQI+ : celui des arts graphiques. C’est le parti pris de l’exposition Brussels Queer Graphics qui se tient actuellement au Design Museum Brussels, près de l’Atomium.

« Le graphisme promeut une forme alternative de collectivité. Que ce soit dans le cadre festif ou dans une démarche militante, ces créations graphiques offrent une visibilité accrue de ces communautés et leur permettent de s’identifier auprès de publics spécifiques », expliquent les organisateurs.

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L’expo Brussels Queer Graphics, au Design Museum Brussels. Photo : SDP

Rassemblant tee-shirts, flyers, affiches, pin’s, magazines et autres supports, la scénographie retrace ainsi 70 ans d’histoire, depuis la naissance du mouvement, en 1953, sous l’impulsion de Suzan Daniel. Cette femme, lesbienne, créa le premier groupe homosexuel connu en Belgique, le Centre Culturel Belge (CCB).

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La Belgique Gai, 1980, brochure. Copyright : Collection Fonds Suzan Daniel (Amsab-ISG)

Des débuts à aujourd’hui

Si l’engagement de Susan Daniel a permis de commencer à mettre en avant les communautés LGBTQI+, le travail n’est même encore aujourd’hui pas fini et la cause a connu de nombreux obstacles.

Dans les années 50 et 60, le militantisme a en effet pris son envol assez discrètement, le climat étant plutôt hostile. Il faut se souvenir qu’en 1965, l’article 372bis du Code Pénal a même élevé la majorité sexuelle pour les relations homosexuelles. Les premières associations, essentiellement masculines, se limitaient alors bien souvent à offrir un espace protégé de rencontre à la communauté.

Ce n’est qu’au lendemain de Mai 68 que d’autres groupes porteurs d’une autre vision du militantisme et de l’identité homosexuelle sont apparus.

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La Démence, Pink in Space, 1993, flyer. Copyright : Collection Fonds Suzan Daniel (AMSAB-ISG) © Thierry Coppens

Dans les années 80, les initiatives se multiplieront encore avec notamment la naissance de l’Antenne Rose, qui deviendra Tels Quels, et la création du premier groupe homosexuel étudiant en Belgique francophone, à l’Université Libre de Bruxelles.

Mais l’épidémie du SIDA ébranlera le paysage militant et festif jusqu’au mitan des années 90. De nouvelles associations verront le jour pour épauler ceux qui vivront ce drame humain.

En 1996 néanmoins, la première Pride déferlera dans les rues de Bruxelles. Cette période sera aussi marquée par davanatge de revendications au niveau politique. Le contrat de cohabitation légale sera adopté en 1998 et le mariage civil en 2003. Il y a vingt ans tout juste. Le droit à l’adoption sera lui ouvert en 2006. Période durant laquelle on apparaîtront aussi des lois anti-discriminations.

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Belgian Lesbian & Gay Pride, En Avant Marche, 1997, poster. Copyright : Collection Fonds Suzan Daniel (Amsab-ISG)

Un graphisme LGBTQI+ engagé

Les premiers projets graphiques des communautés LGBTQI+, à l’heure où le numérique n’était pas là pour épauler la communication, étaient évidemment complètement do-it-yourself. Mais au fil de l’exposition du Design Museum Brussels, on se rend compte que « ce design ‘d’en-bas’ est inventif. La maîtrise rudimentaire des techniques est la signature d’une désobéissance artisanale qui défie l’ordre établi », résument les organisateurs.

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Anne Tonglet, Autonomies lesbiennes – Nos Désirs font désordres !, 2016. Copyright : AVB – ASB Fonds Fauconnier

Il faudra attendre la fin des années 80 pour voir les ordinateurs prendre la relève. Mais quoi qu’il en soit un trait permanent restera : l’acte de subvertir. « Passant entre autres, par l’humour, le détournement d’images de la culture populaire, la construction d’un graphisme subversif opère comme un vecteur de renforcement communautaire et de célébration de la différence », souligne-t-on encore du côté du musée.

Chose plutôt amsuante : dans les années 1980 et 1990, les symboles nationaux belges – drapeau tricolore, famille royale… – seront également utilisés.

Plus tard, au début de ce millénaire, le questionnement sur la binarité des genres renforcera encore l’audace de la créativité, le graphisme étant alors chargé de brouiller davantage les frontières

Une évolution du design graphique pleine de subtilités et d’anecdotes qui se découvre donc au pied de l’Atomium actuellement Aujourd’hui, les musées ont le potentiel, sinon la mission, d’être des espaces engagés qui reflètent les différentes communautés et la diversité qui nous entoure. De la sorte, ils peuvent agir comme des agents de changements positifs », concluent Aranaud Bozzini, le directeur du musée, et Zoubida Jellab, présidente de l’asbl Atomium.

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L’expo Brussels Queer Graphics, au Design Museum Brussels. Photo : SDP

Brussels Queer Graphics, au Design Museum Brussels, 1, place de la Belgique, à 1020 Bruxelles. designmuseum.brussels Jusqu’au 5 novembre 2023.

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