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Comment savoir si on est empathe? Getty Images

Êtes-vous empathe? Et si oui, comment éviter de souffrir?

Kathleen Wuyard
Kathleen Wuyard Journaliste & Coordinatrice web

On dit de vous que vous êtes sensible, compatissant·e ou à l’écoute, d’ailleurs, vous ne vous contentez pas d’écouter mais bien aussi de ressentir les émotions des autres… Et si vous étiez empathe? Entre super-pouvoir et source de souffrance, décryptage d’une sensibilité à fleur de coeur.

Dans l’ouvrage récemment paru qu’elle consacre au sujet, Kristen Schwarz décrit l’empathe comme « un héros malgré lui ». Un titre accrocheur, certes, mais aussi et surtout une réalité pour celles et ceux qui, selon l’auteure, sont des « âmes prodigieuses qui, lorsqu’on en prend soin, ont le potentiel de changer le monde ». C’est que selon le Larousse, l’empathie est la faculté intuitive de se mettre à la place d’autrui, de percevoir ce qu’il ressent. On comprend, donc, que Kristen Schwarz y voie un super-pouvoir, même si les professionnels de la santé, eux, y restent perméables: par définition difficilement quantifiable, l’empathie reste peu étudiée, même si ces dernières années, la psychologie a commencé à s’intéresser au syndrome d’excès d’empathie, ou « usure de compassion ». Car chaque empathe l’affirme, son quotidien est bel et bien usant.

Sophie, la petite quarantaine, a longtemps échoué à mettre des mots sur ses maux. Tantôt qualifiée de « trop sensible », tantôt enjointe par son entourage à « moins se laisser atteindre », elle confie avoir passé des années à avoir l’impression qu’il y avait un problème et que celui-ci venait d’elle. « J’ai longtemps ri en douce de toutes les tendances psycho et de la tendance des gens de nos jours à se revendiquer ‘zèbre’ ou ‘HP’, mais quand les médias ont commencé à s’intéresser aux personnes hypersensibles et surtout, aux empathes, j’ai bien dû admettre que je me reconnaissais complètement dans le profil ». Et d’expliquer avoir ressenti une forme de libération à pouvoir enfin déterminer « ce qui n’allait pas » chez elle, mais aussi et surtout, à réaliser que « ce n’est pas du tout un problème, plutôt une chance, à condition de savoir le mettre à profit et me préserver ».

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Sentiments et ressentiment

Mais d’abord, être empathe, ça veut dire quoi? Pour Kristen Schwarz, « c’est comme avoir six sens au lieu de cinq. À l’insu de leur entourage, les empathes peuvent ressentir les émotions des autres, même sans en voir les manifestations directes. Ils peuvent percevoir la colère, le chagrin ou la joie d’une personne qui ne les exprime pas ». Mais encore? Pour permettre aux personnes qui soupçonnent être particulièrement sensibles aux émotions des autres, Kristen Schwarz conseille de se soumettre à ce petit questionnaire.

  1. Les personnes que vous ne connaissez pas partagent-elles souvent leur vie excessivement avec vous ?
  2. Avez-vous besoin de beaucoup de temps seul pour vous ressourcer ?
  3. Êtes-vous profondément relié à la nature ?
  4. Avez-vous besoin d’éviter les contenus et les films violents ?
  5. Vous a-t-on déjà dit que vous étiez trop sensible ?
  6. Vous sentez-vous dépassé dans les foules ou lors d’événements importants ?
  7. Votre intuition est-elle puissante, même si vous ne lui faites pas toujours confiance ?
  8. Vous sentez-vous accablé par vos émotions en présence d’une personne en souffrance ?
  9. Le sommeil est-il essentiel pour vous (plus que pour la moyenne des gens) ?
  10. Vous arrive-t-il d’accorder la priorité au bien-être des autres plutôt qu’au vôtre ?

Vous avez obtenu entre sept et dix réponses positives? Vous êtes peut-être un·e empathe qui s’ignore.

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« Le moment où je me suis rendu compte que j’étais une empathe remonte à plusieurs années. Pendant la majeure partie de ma vie, mon monde émotionnel m’avait continuellement tourmentée, et j’en étais venue à me demander s’il n’y avait pas quelque chose de détraqué chez moi. L’énergie négative n’affectait pas les autres comme elle m’affectait ; les autres ne percevaient pas ce que je remarquais ou ressentais »

Kristen Schwartz

Et l’auteure, basée dans la région d’Atlanta, en Géorgie, de raconter que c’est quand elle a commencé à se demander pourquoi elle ressentait la négativité cachée sous les mots, ou pourquoi elle mettait des semaines à se remettre de vacances bien remplies, qu’elle a réalisé qu’elle n’était pas la seule dans le cas. « J’ai vu des femmes qui prenaient les émotions des autres pour les leurs et des hommes qui « savaient » avant qu’on leur apprenne quoi que ce soit. J’en ai trouvé d’autres qui se sentaient fatigués et avaient besoin de temps seuls pour se ressourcer. La vie s’est mise à prendre plus de sens » confie celle qui pointe que « les empathes auraient pour leur part des neurones miroirs très évolués, qui réagiraient à des signaux très subtils et presque imperceptibles, leur permettant de ressentir les émotions des autres si fortement qu’ils ressentent eux-mêmes une émotion comparable. Autrement dit, les empathes peuvent ressentir ce que les autres ressentent avant même que cela soit exprimé ».

Une définition qui évoque immédiatement l’hypersensibilité, même si, d’après l’Américaine, il ne s’agit pas de confondre les deux: « la plupart des empathes sont des personnes hautement sensibles, mais tous les hypersensibles ne sont pas nécessairement des empathes ».

Si ces deux profils partagent selon elle de nombreux traits, parmi lesquels une tendance à être rapidement submergés par les stimulus sensoriels ou d’être atteints par l’humeur des autres, les empathes se démarquent par leur capacité à comprendre et à ressentir les émotions des autres. Là où les hypersensibles vont compatir à la douleur des autres, les empathes, eux, vont la ressentir comme étant la leur.

Et ça peut faire (très) mal. Sophie raconte ainsi avoir dû prendre des distances avec un membre de sa famille proche, dont les sentiments négatifs étaient si forts qu’ils la rongeaient littéralement de l’intérieur. « Sur la fin, j’avais l’impression que la rancœur que cette personne ressentait envers ce qu’elle percevait comme des injustices de la vie et son amertume étaient en train de me consumer. C’est malheureux, mais c’était elle ou moi, et j’ai dû faire un pas de côté pour ne pas sombrer dans son malheur ».

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Prendre soin (des autres et) de soi

Citant intuition puissante, créativité exacerbée, tendance à être des guérisseurs naturels et à ne pas être facilement manipulés parmi les forces de ce profil de personnalité, Kristen Schwarz met en garde contre les écueils qui l’accompagnent. Soit, principalement, une faible estime de soi, de l’anxiété, de la co-dépendance, mais aussi de la honte, à force de s’entendre trop répéter une variation de « ne te laisse pas autant atteindre ». Et pourtant, l’Américaine l’assure, « ils peuvent parfaitement ressentir tout ce qu’ils ressentent, percevoir tout ce qu’ils perçoivent et s’épanouir sans que les autres aient à changer ». Comment?

D’abord, en apprenant à fixer des limites, parce que « chacun de nous dispose d’une quantité d’énergie quotidienne qui est limitée. Si nous en dépensons la majeure partie pour les autres et que nous en gardons trop peu pour nous, nous nous épuisons, nous en tirons de l’amertume et nous souffrons de symptômes qui découlent d’un manque de soins physiques et émotionnels ».

Autre ajustement important: prendre soin de son énergie. « Vous avez peut-être remarqué que vous vous sentiez vidé après avoir assisté à un événement, ou, comme moi, que vous vous sentiez épuisé et chargé d’émotion après avoir écouté les difficultés des autres sans interruption. Prendre soin de soi marque la frontière entre l’empathe qui a le sentiment de ne pas avoir le contrôle de son expérience de vie et celui qui crée l’existence qu’il veut vivre » assure l’Américaine, qui vante les bienfaits de l’autosoin, soit l’ajout dans sa routine de « tout ce qui vous fait du bien », qu’il s’agisse d’acupuncture, de lecture, d’une balade nocturne ou d’exercices de respiration. Enfin, parce que le corps d’un empathe est le véhicule de toutes ses émotions (et celles des autres en prime) elle recommande de pratiquer la visualisation du bouclier, « un moyen simple de protéger son énergie ».

« Des études ont montré que le cerveau est incapable de faire la différence entre un événement réel et un événement imaginé. Cela signifie que lorsque nous visualisons quelque chose que nous désirons, nous créons à cette occasion un souvenir, qui rend connu l’inconnu. Avant d’assister à un événement ou quand vous vous sentez mal à l’aise, vous pouvez donc visualiser un bouclier de lumière qui vous recouvre entièrement. Persuadez-vous que ce bouclier bloquera toute négativité et que, dans le même temps, vous continuerez à ressentir ce qui est positif et aimant ».

Kristen Schwarz

Et Kristen Schwarz de rappeler que l’intuition d’un empathe est « un de ses meilleurs atouts », dont il peut notamment se servir pour obtenir une meilleure conscience de soi et un bien-être mental retrouvé, mais aussi pour éliminer les forces négatives de sa vie. « Lorsque vous commencez à vous faire confiance, vous commencez aussi à voir ce qui est le mieux pour vous et vous vous sentez en confiance pour vous détacher des personnes, des lieux et des éléments qui ne vous sont pas bénéfiques. Cet acte peut, à lui seul, avoir un impact incroyable sur votre vie » assure-t-elle encore. « Je peux pas, je suis empathe »: avouez, c’est tout de suite plus original que « ce n’est pas toi, c’est moi ».

L’empathe, un héros malgré lui, Kristen Schwarz, Editions Dangles, 208 pages, mars 2023.

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