« Brigitte Bardot est un paradoxe permanent »: portrait d’une icône rongée par le mythe

La lecture n’est pas un passe-temps, c’est une promesse, celle de voyager dans le temps et l’espace au gré des ouvrages. Ivre de livres, Kathleen Wuyard vous emmène page à page dans ses périples papivores.
«Il n’y a pas de hasard, que des rendez-vous.» C’est Paul Eluard qui l’a affirmé. Et s’il était là pour constater la sortie à intervalles rapprochés d’une fascinante iconographie de Brigitte Bardot, d’un film où Pamela Anderson prête ses traits à une showgirl en fin de parcours ainsi que d’un documentaire d’Arte consacré à Britney Spears, il est probable qu’il ajouterait «CQFD».
Trois femmes, trois blondeurs incandescentes, trois gloires dont il ne semble parfois rester que des cendres.
Si Pamela Anderson renaît des siennes, Britney, elle, se borne à poster des chorégraphies sur Instagram, tandis que B.B. défend bec et ongles ses amies les bêtes. On en finirait d’ailleurs presque par se convaincre qu’elle les aime plus que ses semblables, elle dont la proximité avec le (manifeste du) clan Le Pen a tant terni l’éclat. Grandeur et décadence, érotisme et conservatisme, splendeur et déchéance…
L’historien et critique de cinéma Antoine de Baecque, auteur du Bardot tout juste publié aux éditions Les Pérégrines, capture en deux mots seulement l’essence de celle que la postérité retiendra par ses initiales: B.B. est un «paradoxe permanent».
« Brigitte Bardot est le nom de contradictions insolubles »
Petite, elle m’épouvantait.
Enfant des années 90 et de parents friands d’émissions de variété française, qui cultivaient alors une folle nostalgie des sixties, je ne concevais pas que la dame au nid de cheveux gris puisse être la même personne que l’incroyable beauté qu’on montrait dans les images d’archives. Au déclin physique se superposait celui, bien plus grave, de la réputation d’une femme alors déjà connue autant pour ses prises de position réactionnaires que pour sa carrière cinématographique, ce qui ne l’empêchait pas de continuer à fasciner.
C’est qu’ainsi qu’Antoine de Baecque l’écrit: «Brigitte Bardot est le nom de contradictions insolubles.»
Le mystère mais aussi le mythe restent entiers, préservés de la marche impitoyable du temps et des tendances.
B.B. ne peut pas plus sombrer dans l’oubli que vraiment succomber à l’opprobre populaire puisqu’elle n’est pas une simple mortelle mais bien la femme.
Celle-là même créée par Dieu, ou du moins Roger Vadim, inaccessible idéal qu’on continue de poursuivre sept décennies plus tard. Blondeur solaire, yeux limpides noircis par le maquillage, moue boudeuse, poitrine conquérante, silhouette affolante: c’est Brigitte, c’est Pamela, c’est Britney.
Ce sont des idoles qu’on hisse sur des piédestaux pour le plaisir de les en faire tomber, cibles d’autant d’adoration que d’attaques.
Et si c’était pour ça, au fond, plus que pour sa beauté d’hier, que l’inoubliable héroïne du Mépris continue de fasciner aujourd’hui?
« Tout reste à faire »
L’ado projetée sur le devant de la scène dans des rôles qui la sexualisent, la célébrité tellement fulgurante qu’elle en devient une prison, la misogynie et le regard tout aussi cruel de certaines femmes, les propos polémiques, le mal-être, les tentatives de suicide…
Le parcours de la Parisienne devenue star internationale pourrait être celui de tant de célébrités contemporaines. A la seule différence que, contrairement à B.B., un adolescent chétif alors connu sous le nom de Robert Allen Zimmerman (pseudonyme: Bob Dylan) ne leur a pas dédié sa toute première chanson.
En 1988, dans un entretien accordé à Studio Magazine, Brigitte Bardot notait que «rien n’est jamais à refaire, mais tout reste à faire».
En superposant sa trajectoire à celle des blondes atomiques qui l’ont suivie, on ne peut s’empêcher de penser que ces mots restent décidément bien à-propos. Et à l’enfant épouvantée que j’étais, je pointerais que B.B., elle, n’a jamais été refaite.
Bardot, Antoine de Baecque. Les Pérégrines.
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