Bien marier vins et plats d’été
Le moment est venu de sortir meubles de jardin et barbecue. Il est temps aussi de choisir les vins qui accompagneront les plats d’été.
Les tables estivales font la part belle et aux salades et au barbecue. Attention: peu d’aliments sont aussi attachés à déstabiliser les vins que les salades. Non seulement elles cachent sous leur habit de chlorophylle une indifférence royale vis-à-vis du vin, mais plusieurs d’entre elles, comme la roquette, dressent des rangs d’amertume. Les moutardes, elles, détestent le jus de la treille et le vinaigre l’assassine. De leur côté, les huiles les plus sapides (noisette, noix, olive) se refusent aux vins rouges. Alors, il faut composer, remplacer le vinaigre d’alcool par un bon vinaigre de vin, du balsamico, du citron ou du verjus (à base de raisins verts). L’utiliser avec parcimonie. Choisir des huiles d’arachide, de soja ou de tournesol. On peut aussi remplacer une partie du vinaigre par de l’eau et l’on monte le tout au mixer.
Barbecue ? Les pirates français qui pullulaient aux Antilles utilisaient l’expression de la » barbe à cul » pour désigner la cuisson d’un animal entier au feu de bois. De leur côté, les trappeurs canadiens parlaient de » barbe à la queue » lorsqu’ils rôtissaient un gibier à poils. Ces expressions passèrent aux Etats-Unis ou, prononcées à l’américaine, elles devinrent barbecue. Attention: dans un barbecue ce sont les braises qui cuisent (les flammes peuvent communiquer une désagréable âcreté!). Il est donc indispensable de placer une feuille d’aluminium sur le gril pour accueillir les aliments gras et éviter qu’en tombant sur les braises, la graisse n’attise le feu.
Tomate et mozzarella
Insensible aux caractères des vins, la tomate fraîche mène sa petite vie de » pomme d’amour « . Douce, généralement à base de lait de vache, parfois de bufflonne (c’est mieux, mais plus rare), la mozzarella joue un peu les entremetteuses. Cela n’empêche pas les rouges taniques de piquer du nez. Les rosés donnent le ton et les blancs s’imposent s’ils sont secs sans être tranchants, présents au palais sans être trop parfumés : côtes-du-rhône, bandol, coteaux-du-languedoc ou, moins courant, un coteaux varois.
Le choix de Weekend: Coteaux Varois 1999 – Château Miraval blanc. 330 F (Wine Not). Tél.: 02-513 47 74.
Le domaine de Miraval s’épanouit sur des sols argilo-calcaires dans une vallée boisée sur les communes de Correns et Chateauvert. Il peut prétendre aux appellations côtes-de-provence et coteaux varois. Hormis 5 % de sémillon, cépage largement diffusé du Bordelais aux » nouveaux mondes « , le Château Miraval blanc fait appel au rolle, plant réservé au bellet blanc qui croît parmi les fleurs et les oeillets sur les hauteurs de Nice. Des rendements modérés, une légère recherche de la surmaturité des raisins, de longues (4 semaines) fermentations à basse température et une technicité de pointe conditionnent un vin jaune-vert, riche en agrumes, tendre avec un côté soft et une finale vive. Pour accompagner aussi: artichauts à la barigoule, poissons grillés, coquilles Saint-Jacques à la provençale…
Chèvre chaud
Dans l’épisode de la salade au chèvre chaud, c’est le fromage qui sauve la mise. Privilégiez un vin blanc jeune, nerveux et incisif comme peuvent être les vins à base du cépage sauvigon ou de chenin. Sancerre et pouilly-fumé sont connus et chérots. Plus abordables: les quincy ou les reuilly et aussi un sauvignon de Touraine 2000 mis en bouteille par Delhaize et fringant à souhait. Retenez encore les vins de pays comme le Chevalier de Pamerac, les bordeaux blancs nourris au sauvignon. Côté chenin, cherchez la jeunesse, la verdeur, doublez les fortes têtes de vouvray, montlouis ou savennières pour des coteaux moins connus d’Anjou. Les rouges d’Anjou (saumur-champigny) et de Touraine (saint-nicolas-de-bourgueil, chinon) jeunes et servis frais réalisent des mariages de raison plus que d’amour.
Le choix de Weekend: Vin de Pays d’Oc blanc – Chevaliers de Pamerac – 105 F (Spar).
Grenache (50 %) pour l’alcool et la souplesse, sauvignon blanc (30 %) pour la nervosité et la fraîcheur se répartissent 80 % de l’encépagement. Le solde est apporté par la clairette et l’ugni blanc. L’un apporte richesse et une tendance à l’embonpoint, l’autre une ténacité à thésauriser l’acidité. Ces caractères impriment une robe fraîche et légère d’où s’envolent des effluves de fleurs blanches, de fruits exotiques et un chouia de poivre blanc en finale. A la fois souple et acidulé, il convient aussi aux pizzas, escargots, calamars, cocktail de crabe, gambas grillés.
Crevettes
La penaeidea, une crevette géante vivant dans les eaux tropicales et subtropicales, représente environ la moitié de la consommation mondiale. C’est généralement surgelée qu’on découvre la black tiger, la whiteleg shrimp ou la giant tiger prawn. Plus petite, mais costaude, la caridea regroupe une vingtaine d’espèces dont le bouquet en est la vedette rose. Elles proviennent de Scandinavie, d’Islande, de Groenland et d’Alaska. L’incontestable star reste, bien entendu, la crevette grise ou crevette de la mer du Nord baptisée crangon crangon. Les crevettes ne sont jamais meilleures que cuites immédiatement après avoir été pêchées et dégustées avec un peu de pain bis et un vin sans acidité outrageuse : bourgogne aligoté, mâcon-villages, bordeaux à base de sauvignon.
Le choix de Weekend: Bordeaux blanc sauvignon 1999 – Château la Garenne. 199 F (Savour Club). Tél.: 02-732 07 70.
Prototype du bordeaux blanc de bonne facture, franc et net, ce vin issu du sauvignon blanc avoue ses origines avec une plaisante subtilité. Sous une robe légère jaune paille traversée de reflets verts, il distille de fines séquences de fruits avec un rappel de fougère. Menée par un agréable acidulé, la bouche évolue avec harmonie parmi les fruits (citron mûr, peau d’agrumes). Pour accompagner fruits de mer, sole meunière, truite au bleu, saumon grillé, salade de crevettes.
Tartare de thon
Discret, il y a encore quelques années, le thon fait aujourd’hui partie des trois ou quatre poissons au top. Il alimente la filière sushimi comme les tendances fusion des cartes branchées. Attention, la famille est vaste et un thon peut cacher une bonite. Pour le tartare, dosez mayonnaise à l’huile d’arachide, vert d’oignon émincé et gingembre rose haché. Ajoutez persil, coriandre fraîche, dés de citron et son zeste blanchi et haché, quelques câpres et cornichons, assaisonnez, versez quelques gouttes de tabasco puis le thon détaillé en cubes. Accompagnez d’une petite salade à l’huile d’olive et de pain de campagne grillé. On reste dans cet univers ensoleillé avec un rosé des côtes-du-rhône, tavel, lirac ou costières-de-nîmes ayant du répondant. Encore qu’un rouge léger, un vin de pays, épicé par la syrah et servi frais puisse faire des palais heureux.
Le choix de Weekend: Costières-de-Nîmes rosé 1999 – Château Vermeil. 139 F (GB).
Vingt-quatre communes disséminées entre Nîmes et Arles accueillent cette appellation d ‘avenir qui ne couvre pas la moitié des 25 000 ha attribués. Malgré une vinification à basse température pour mieux valoriser les arômes, ce rosé reste peu loquace au nez (groseille, mûre, quelques épices). Rond en attaque, il manifeste un agréable fruité et une touche d’eau-de-vie dans une matière bien charpentée mais fraîche. Pour accompagner aussi : salade de tomate et mozzarella, charcuteries, volaille rôtie, brochettes de viande ou tartare de thon.
Baby homard
Dès le mois de mai, la pêche au baby homard bat son plein sur les côtes orientales du Canada et du Massachusetts. Simplement poché vivant dans un court-bouillon, il sera fendu en deux ou ,s’il dépasse les 500 g, détaché de la queue et tranché en médaillons. Servir avec une sauce mayonnaise nature ou mêlée d’herbes. Choisir un vin blanc ferme et d’une opulence racée : savennières, vouvray sec, saint-aubin, mâcon-villages, la gamme des grands bourgognes ou des côtes-de-rhône septentrionaux (hermitage) ou, pour le jardin : un vin de pays des côtes de thongue 1999 domaine de Montmarin à base de marsanne, le raisin des crozes-hermitage, saint-joseph et autres hermitages blancs. C’est le moment de sacrifier un grand blanc marqué par le chêne neuf.
Le choix de Weekend: Vin de Pays des Côtes de Thongue – Marsanne 1999 Domaine de Montmarin. 244 F (Cooreman). Tél.: 02-466 72 17.
Cette appellation » zonale » du Languedoc-Roussillon s’étend sur quatorze communes du bassin de Thongue, dans l’Hérault. La marsanne est courtisée pour sa constitution vigoureuse. Tout en jaune vif, elle conjugue fleurs blanches (acacia), fruits (pamplemousse, pêche) et tonalités exotiques. Les papilles y ajoutent une matière bien structurée avec d’agréables rondeurs pour accompagner truite aux amandes, poisson meunière ou grillé, aïoli, crustacés à la nage ou froid, rôti de porc, petits farcis niçois…
Maatjes
Les maatjes, dont la pêche commence le 31 mai, sont généralement escortés d’oignons hachés, voire d’une garniture de haricots verts princesse et de tomate. Quelle que soit la préparation (et plus encore avec l’oignon), les maatjes malmènent les vins. Si bien qu’on les propose souvent avec du genièvre. Reste le problème du vin qui suit sur des papilles sérieusement anesthésiées. Ce ne sera pas le cas avec un » jerez-sherry-xérès » fino, servi frais, qui réalise un accord parfait. Sancerre et pouilly-fuissé paraissent trop parfumés. Les bourgognes blancs et tout ce qui est rouge trébuchent. On aura plus de chance avec un jeune saumur blanc, un » petit » riesling sec ou un pinot blanc jeunet et sans trahison sucrée ou un sauvignon.
Le choix de Weekend: Vin de Pays du Jardin de la France Sauvignon 2000 – Petit Brugeois – Henri Bourgeois. 255 F (Feys-Van Acker). Tél.: 050-33 21 98.
Cet espiègle vin de pays du jardin de la France dédicacé au raisin sauvignon triomphe dans la fraîcheur. Tant dans son habit or très pâle agrémenté de scintillement vert clair que dans ses épanchements aromatiques : fleurs blanches, agrume, genêt. Gaiement acidulé, il soigne son équilibre avec une légère touche de gras. De quoi lui permettre de passer de l’apéritif à la table pour accompagner maatjes » nouveaux » et aussi poisson au beurre blanc, truite fumée, crustacé froid, tartare de poisson.
Carpaccio
Filet de boeuf cru finement tranché, le carpaccio déferla dans les restaurants italiens puis s’en échappa, ne craignant pas de troquer le boeuf pour le poisson, la coquille Saint-Jacques ou le canard. Restons avec le boeuf pour découvrir l’union inattendue avec un meursault ou un graves blanc, un tokay-pinot gris avec un léger sucre résiduaire qui favorise le flirt ou un rosé assez puissant. En rouge, nous avons apprécié le chassagne-montrachet de Joseph Drouhin servi à 14 °C. Mais aussi : minervois, coteaux-du-tricastin, costières-de-nîmes, saumur-champigny.
Le choix de Weekend: Saumur-Champigny 1999 Paul Filliatreau. 322 F (Yves Catulle). Tél.: 02-426 61 00.
Paul Filliatreau et son fils Frederik exploitent une quarantaine d’hectares au coeur de l’appellation saumur-champigny. Chaque parcelle du vignoble est vinifiée séparément pour préserver les particularités des différents terroirs. Récolté sur des sols argilo-calcaires, autour du village de Chaintres, le cabernet sauvignon module un vin rubis au nez élégant de fruits rouges (framboise…) saupoudré d’un soupçon de poivre frais. Une attaque fruitée amène une bouche fraîche, effleurée par les épices et joliment prolongée sur un tanin intégré. Jovial et facile pour accompagner à 14-15 °C : terrines, volaille grillée ou rôtie, canard aux navets, côtes d’agneau, lapin à la moutarde… et carpaccio!
Sardines grillées.
Les sardines doivent être fraîches, brillantes et les ouïes rouges. Pour éliminer leur entêtante odeur, le grand chef Joël Robuchon conseille de leur couper la tête et d’enlever l’arête centrale et les entrailles. Même servi frais et peu tanique, le vin rouge n’a aucune chance avec les sardines, c’est du blanc qu’elles veulent. Et tant mieux s’il est jeune et un peu mordant pour nettoyer le palais. L’option sauvignon peut être largement plébiscitée, du vigoureux quincy aux simples et gouleyants vins de pays en passant par la manne des bordeaux blancs. Encore qu’un chenin jeune ou un blanc du Portugal puissent parfaitement convenir.
Le choix de Weekend: Palha-Canas Vinho Branco 1999 – Companhia das Vinhas de S. Domingos. 195 F (Lelièvre). Tél.: 03-233 11 90.
Depuis le milieu des années 1990, la viticulture portugaise a réalisé d’énormes progrès. Les rouges desséchés et les blancs oxydés reculent devant des vins francs, frais et même fruités. Ce vin de l’Estremadure, région particulièrement productive située parallèlement à l’océan Atlantique au nord de Lisbonne, en est un bon exemple. Vinifié à partir de cépages locaux (arinto, fernão pires, vital) et d’un peu de chardonnay, il renforce sa fraîcheur à l’aide d’un discret gaz carbonique et de références fruitées (fruits blancs, pêche). Bien bâti, il tiendra tête au gras et au parfum persistant des sardines grillées. Pour accompagner aussi: calamars, gambas, morue au four, aïoli, paella.
Chiche-kebab
D’origine turque, le chiche-kebab traduit à l’origine une brochette alternant cubes de mouton et dés de graisse de mouton. Les cubes prélevés dans l’épaule seront plus savoureux s’ils macèrent dans de l’huile d’olive, yaourt, filet de citron, oignon haché et poivre. Après quelques heures, ils sont enfilés sur des brochettes en compagnie de poivron, tomate et oignon. On se gardera des vins rouges à base de pinot noir (de Bourgogne ou d’ailleurs) qui voient leur acidité exagérée par une viande saignante. Les tanins trop présents accentuent l’amertume des vins. Il faut donc naviguer dans des crus simples, peu fruités, assez souples, plutôt rustiques et servis frais : côtes-du-ventoux, vacqueyras, corbières, cahors, minervois.
Le choix de Weekend: Minervois 1999 – Château d’Oupia. 215 F (Feys & Van Acker). Tél.: 050-33 21 98.
André Iché, propriétaire-vigneron, signe des vins d’une impeccable rectitude. Elaborée à partir de vieux ceps de carignan (50 %), syrah (40 %) et grenache (10 %) travaillés en longues cuvaisons, cette cuvée colorée et foncée développe un nez de fruits noirs, de réglisse, d’épices et de garrigue. En bouche, la concentration fruitée va de pair avec une mâche ferme et des tanins bien portants qui s’ordonneront sur une viande rouge d’agneau… ou de boeuf.
Spare ribs
Partie supérieure de forme allongée, étroite et plate de la poitrine de porc, les travers sont composés de muscles, de plus ou moins de graisse et de la partie médiane des côtes. Le porc adore le gamay servi frais, qu’il soit de Touraine, du Lyonnais ou du Beaujolais. On peut le garder avec une sauce épicée pour la fraîcheur qu’il apporte ou hausser le ton pour tenir tête à l’aigre-doux et solliciter un tokay-pinot gris ou un gewurztraminer sec et sans trop d’exubérance aromatique.
Le choix de Weekend: Régnié 1999 – Domaine du Tracot – Cuvée de Montméron et du Potet. 319 F (Yves Catulle). Tél.: 02-426 61 00.
Hormis un peu moins de 6 ha sur la commune de Lantigné, les vignobles de ce dixième cru (depuis 1988) de beaujolais sont répartis sur 746 ha du village de Regnié-Durette. Géographiquement parlant, cette appellation s’insère entre le morgon, au nord, et le brouilly, au sud. Respectueux du caractère du cépage gamay et de la qualité, Jean-Pol Dubost modère ses rendements, pratique des vendanges manuelles et traque les arômes floraux dans des fermentations à basse température. Délicieusement fruité (cerise, cassis) au nez comme au palais, taquiné par un soupçon d’eau-de-vie, cette cuvée brille par sa franchise et sa fraîcheur. Pour accompagner à 12-13 °C, assiette anglaise, pintadeau rôti, noix de veau braisée, viande rouge de boeuf et, bien sûr, son grand copain le porc.
Serge Tonneau
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