LE GRAND JEU ÉCLECTIQUE
De New York à Hongkong, en passant par Londres, Paris ou Madrid… L’architecte d’intérieur belge Gert Voorjans travaille dans le monde entier. Il signe, entre autres, les boutiques de Dries Van Noten et compte de nombreux trendsetters parmi ses clients. Son havre anversois est la brillante synthèse de son art de l’éclectisme.
Gert Voorjans rentre de Hongkong où il a supervisé la nouvelle boutique Femme qu’il a dessinée pour Dries Van Noten dans le Landmark, la galerie commerçante la plus prestigieuse de la mégalopole chinoise. Le décorateur et le styliste, tous deux Anversois, se connaissent bien. Le premier a travaillé plusieurs années durant pour le second. Devenu indépendant, Gert a conservé des liens étroits avec Dries, puisqu’on lui doit aussi le remarquable flagship store Van Noten du quai Malaquais à Paris, conçu comme un luxueux appartement.
C’est en Campine, au c£ur des très beaux paysages de la vallée de la Meuse, que Gert Voorjans a grandi et trouvé sa vocation. Ses parents tenaient un magasin de meubles. Après ses études d’architecture d’intérieur, à Hasselt, il rejoint rapidement les antiquaires et galeristes Axel et May Vervoordt chez qui il passe sept années déterminantes, avant d’entrer chez Dries Van Noten puis de mener ses propres projets. Parfaitement à l’aise dans le monde de la mode, il compte parmi ses clients les plus célèbres la femme d’affaires Joyce Ma – elle a introduit, en Asie du Sud-Est, la plupart des grands créateurs, de Armani à Van Noten – ou Nina Garcia, une des prêtresses fashion de New York.
UNE CRÉATIVITÉ INTUITIVE
Son havre ? Anvers. Dans un souci de rationalité, Gert Voorjans a agencé son studio de création et son appartement dans un même immeuble. L’esprit qui règne sur son univers intime témoigne de son éclectisme, son goût pour l’originalité, sa créativité intuitive. Son credo ? » Il faut que, au final, l’ensemble ait une gueule. Ce n’est pas pour autant qu’il faut aller dans l’exclusivité, le rare, le cher. Je déteste la copie, qui ne rayonne pas comme l’original. Mais cinq belles choses mises ensemble peuvent, elles aussi, engendrer une véritable cacophonie. «
Gert Voorjans aime les défis : » Sortez tout l’intérieur d’une maison et laissez-moi la réaménager en employant les mêmes meubles et les mêmes objets. Et vous verrez combien elle peut être différente. » Son style est toutefois reconnaissable entre mille. Sa vivacité s’exprime par des couleurs, par des meubles et objets assemblés en organisant d’étonnants contrastes. » Je suis tout le temps en éveil. Où que je sois, je regarde et je trouve des choses qui me correspondent. Si je ne peux les destiner à un intérieur spécifique, à un projet en cours, je les range dans une sorte de répertoire qui m’est personnel. Je sais qu’elles ont un potentiel et qu’elles pourront servir à une composition future. «
Gert Voorjans, qui confie rechercher prioritairement le charme et la convivialité, a mis tous ses préceptes en application chez lui aussi. L’accessoire le plus banal y côtoie en effet l’objet hyperprécieux, sans que l’on sache réellement si celui-ci est choisi pour sa valeur intrinsèque, le tout avec un sens absolu de l’éclectisme.
Dans le hall, sur une colonne en noyer, le décorateur a posé une irrésistible statuette en bronze doré des années 50 : un chat jouant du luth. Pour un effet théâtral, dans le living, il a aligné plusieurs hautes colonnes en bois – elles sont italiennes et datent du XVIe siècle – avec, à leurs pieds, leurs chapiteaux respectifs. Afin d’agrémenter plus encore le salon, il a transformé la verrière en jardin tropical. » Où que j’aille, s’il y a un jardin botanique, je le visite. Les plantes sont très importantes à mes yeux. Et on peut construire tout un monde dans un jardin de 4 à 5 m de longueur. «
La petite salle à manger est adorable. La table ronde est entourée de deux chaises vert bouteille et parme qui ne dépareraient pas dans une orangerie. Quant au lustre anglais, certains de ses éléments arborent également des reflets parme. Une statue, elle, est coiffée d’un collier ethnique, devenu couronne. Une note d’humour, la patte Voorjans.
Le maître de maison, qui déclare volontiers que » le trop est ennuyeux « , le démontre avec brio dans les différentes pièces. Dans la chambre à coucher trône ainsi un lit à baldaquin simplement habillé d’un kilim. En face de lui, une commode, dont le décor évoque le bambou, est surmontée d’un miroir et de deux appliques Jules Wabbes. Preuves supplémentaires de l’art de l’éclectisme de Gert Voorjans.
PAR JEAN-PIERRE GABRIEL
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