On le savait, Lille a gagné son pari de capitale européenne de la culture en 2004. Mais, en 2008, elle continue de nous surprendre et de nous faire de l’oil ! Loin de se figer sur son glorieux passé industriel, elle laisse éclater son enthousiasme et son talent. La preuve par trois : art contemporain, design et architecture.

Loin de retomber comme un soufflé, l’effet  » Lille capitale culturelle européenne 2004  » a muté en  » Lille 3000 « . C’est dire si finalement la métropole du nord de la France voit loin avec son credo un brin utopiste :  » La culture comme un lien social « . Il y a deux ans, elle nous amusait et faisait danser avec les  » Bombaysers  » indiens. L’hiver 07-08, elle nous déroutait en faisant venir la collection d’art contemporain de François Pinault.  » Le passage du temps  » a été un véritable succès populaire et médiatique. Gros coup pour les uns comme pour les autres. Prochain rendez-vous ? 2009, avec un thème très européen :  » Les frontières invisibles, East Is The New West Is The New Eastà « 

 » Les frontières invisibles « 

Cette idée est familière dans cette ville-carrefour entre Paris, Londres et Bruxelles. Le Lillois regarde autant vers la capitale belge, à 23 minutes de TGV, que vers Paris, à 55 minutesà Selon Eugène Dirson, architecte d’intérieur, c’est sans doute ce qui explique  » ce goût très prononcé pour le design d’avant-garde et les lignes épurées « . Et d’ajouter :  » Ici, on soigne son intérieur, c’est une nécessité météorologique !  » Il suffit de se promener dans la rue Esquermoise et le Vieux Lille pour constater que les plus grandes marques de mobilier sont présentes et que les éditeurs les plus pointus du design contemporain sont représentés dans pas moins de quatre boutiques parfaitement achalandées.

 » Maintenant, même les Belges viennent faire leurs achats ici « , assure fièrement Isabelle Sdez, chez Spiridon. Il y a donc obligation de surprendre. Thierry Laigle affiche à dessein des choix plutôt osés parmi les collections Knoll, Fritz Hansen ou Cappellini dans sa boutique Intérieur, au c£ur du quartier de Wazemmes. Pour marquer sa différence, il organise également des expositions d’art contemporain. Parce que sans aucun doute, il existe dans le Nord une réelle tradition de collectionneurs. De décembre 2007 à février 2008, le musée de l’Hospice Comtesse a d’ailleurs réuni, lors de l’exposition Secrets de Collections Lilloises, 69 £uvres provenant de collections privées lilloises, reflet de la passion locale pour l’art, notamment du xxe siècle, qui n’avaient jamais été montrées au public. On chuchote que le choix a été très compliqué vu la qualité et le nombre des £uvres.

Folie douce

L’air est encore plutôt frisquet, mais c’est déjà la foule des grands jours sur le marché de Wazemmes. Les étals de fruits et légumes ou de fringues occupent toute la place et débordent dans les rues avoisinantes. La rue Gambetta prend des airs de Ramblas barcelonaises. Jeunes trentenaires tirés à quatre épingles et griffés Marant ou APC et femmes voilées improvisent ici chaque dimanche un paseo. Wazemmes est volontiers montré par les Lillois comme un parfait exemple de mixité sociale et culturelle. Maxime Dufour accueille ce petit monde hétéroclite du quartier dans sa pas-tout-à-fait-vraie-mais-galerie-quand-mêmeà Explication :  » Il fallait faire vivre le hall trop grand et glacial de notre immeuble, une ancienne boulangerie industrielle devenue siège de la Sécurité sociale, puis vendu par plateaux. Pourquoi ne pas exposer des artistes du Nord ? » Il a convaincu les cinq autres copropriétaires et imposé une seule condition : rien au-dessus de 500 euros.

De l’autre côté de la place, un peu de monde déambule déjà, botte de poireaux sous le bras, dans la Maison Folie de Wazemmes. Sa programmation n’a jamais fléchi depuis sa création en 2004.  » Dès le départ, notre travail a été fondé sur une idée de proximité et d’ouverture maximale aux associations du quartier.  » Evidemment, Laurent Tricard, le chargé de communication, confesse qu’au début de cette aventure un peu idéaliste ils ont essuyé quelques regards en biais ; mais aujourd’hui, le sourire est plutôt confiant. On croise une troupe de danseurs hip-hop en résidence, on assiste à un joyeux décrochage d’exposition, à l’invasion affectueuse, bruyante et parfumée d’un groupe de femmes qui sortent du hammam installé au rez-de-chaussée. Avec un budget de fonctionnement de 972 000 euros, cette Maison Folie est devenu un incontournable de la scène culturelle de la métropole.

Tout comme la Condition Publique, ex-Maison Folie installée à Roubaix dans une ancienne usine de conditionnement de laine. C’est ici qu’a eu lieu, en décembre dernier, la dix-septième Grande Braderie de l’Art : 150 artistes pour 10 000 visiteurs et des prix allant de 1 à 250 euros. La compagnie Art Point M y a également monté la dernière édition du jeune festival Nord Art Musique électronique (NAME), huit jours dédiés à la musique et à la culture électro sous toutes leurs formes. Bref, le quartier est devenu le rendez-vous de toute la branchitude de la métropole.

L’ambiance à l’Alimentation, restaurant d’insertion, est très  » Klapisch « . Art Point M, lui, organise des soirées au Tri postal. Ce gigantesque bâtiment de briques, offrant 6 000 m de plateaux vierges entre les gares de Lille-Flandres et Lille-Europe, est le poumon d’une ville en marche. Et 2009 ?  » On y travaille « , nous répond-on. Entre deux gares et aussi entre deux villes : celle qui encercle la Grand-Place et celle, plus moderne, de l’architecte Rem Koolhaas. Le verre, l’acier et le cuivre font bon ménage avec les façades de briques, dorées ou crénelées à la flamande, mais elles font chambre à part. A Euralille, l’architecte Jean-Paul Viguier construit pour le groupe Barrière un hôtel de luxe et un casino. Aux immeubles signés Jean Nouvel ou Christian de Portzamparc s’ajouteront très bientôt des bâtiments siglés Dominique Perrault ou Jean-Michel Wilmotte. En tout, plus de 757 000 m2 sur Euralille 1 et 2.

Au même moment, on parle de la restructuration prochaine de l’ancienne gare de Saint-Sauveur, à deux pas du parc Lebas, tout récemment réaménagé et cerné d’une audacieuse grille rouge dessinée par les paysagistes de West 8. En attendant, les équipes de Lille 3000 se frottent les mains et en rêvent pour 2009, puisque l’ancienne gare pourrait venir en appui du Tri postal et former de cette manière un nouveau et gigantesque terrain de jeuà

Stéphane Bréhier Photos : Gaël Arnaud

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content