Sea, surf and Sal
Si la petite île de Sal,
au Cap-Vert, ravit
les surfeurs du monde entier, ses beautés
naturelles se révèlent tout aussi propices
à une retraite
intérieure. Bienvenue sur l’île au sel.
Piquées dans l’océan Atlantique, au large du Sénégal, les dix îles volcaniques du Cap-Vert offrent des paysages lunaires pétris par le vent et parsemés de rocailles. Monts et cratères, pâturages et plantations se partagent un archipel où l’on rencontre également de nombreux acacias et de somptueuses plages de sable fin. Cette beauté naturelle recèle pourtant une page douloureuse de l’Histoire mondiale. D’ici en effet s’organisa durant des siècles le trafic d’esclaves africains pour les Amériques.
Découvertes en 1456 par le Vénitien Ca’da Mosto (1432-1488) et le navigateur génois Antonio Da Noli (1415-1461) pour le roi du Portugal Henri le Navigateur, les îles n’ont été peuplées que peu à peu. A Santiago tout d’abord où, dès 1462 s’installe la capitainerie de Ribeira Grande, non loin de Praia, l’actuelle capitale du Cap-Vert. Longtemps, l’archipel joue le rôle d’escale maritime pour le ravitaillement des bateaux. Les esclaves africains fraîchement capturés y étaient regroupés avant de subir leur funeste destin. » Morna » ou » coladera « , le blues océanique tant chanté par Cesaria Evora filtre encore aujourd’hui de chaque bourg, chaque maison ou hôtel. Mieux que tout autre, la chanteuse, véritable icône capverdienne évoque les sentiments mêlés de nostalgie, de douleur et d’espoir d’un peuple fier et métissé.
Du sel en héritage
Les dix îles, dont neuf sont habitées, sont divisées en deux groupes. Celles au sud, Sotavento, » sous le vent » venu du continent comme Santiago, Fogo, Brava et Maio puis, celles » au vent « , Barlavento, balayées par le souffle du large comme Santo Antão, São Vincente, Santa Luzia, São Nicolão, Boa Vista et Sal. La dernière nommée, la plus ancienne géologiquement, plane et très aride, ne couvre que 216 km2. Elle n’est sans doute pas la plus jolie des îles capverdiennes mais elle attire les amoureux de quiétude, de vastes plages de sable blanc, de belles vagues et de vents généreux… Paradis des surfeurs et plus particulièrement des wind et kite surfers, Sal accueille d’ailleurs chaque année en septembre, un festival de Funboard couplé à un grand festival de musique à Santa Maria.
Cette station balnéaire, aujourd’hui en pleine expansion, est avant tout une petite ville aux ruelles bien quadrillées et aux maisons colorées. Les églises, héritage des colons portugais, ponctuent çà et là le paysage urbain de même que les bars et petites boutiques de souvenirs et d’artisanat. En fin de journée, les cris des écoliers sortant de classe, les palabres des marchands de rue et le rire franc des jeunes femmes devant leurs maisons, égaillent les rues.
C’est tout au long de la longue plage de sable blanc que s’alignent les hôtels et resorts, de part et d’autre d’un long ponton, rendez-vous des pêcheurs à la ligne. Juste à côté, on trouve l’hôtel Morabeza, premier hôtel historique de Sal tenu depuis 1967 par les Vynckier, une famille d’ingénieurs belges ayant largement participé au développement de Santa Maria et à la reconversion de Sal comme destination touristique.
L’île, quasi déserte et dépourvue d’eau, a longtemps servi de pâturage aux troupeaux de chèvres de l’île voisine, Boa Vista. Elle ne s’est appelée Sal (sel en portugais) qu’à la découverte de salines dans le sud et surtout, dans le cratère d’un vieux volcan éteint, le Pedra de Lume. L’exploitation intensive et l’exportation de cette ressource naturelle démarra au début du xixe siècle grâce à un homme d’affaires capverdien, Manuel Antonio Martins. Pendant près de 150 ans, l’exploitation du sel va attirer une main-d’£uvre immigrante et une relative prospérité. Puis la mine se tarit. Mais alors que se meurt l’unique richesse de l’île, une autre se profile à l’aube de la Seconde Guerre mondiale. À la recherche d’un lieu pour faire halte entre l’Europe et l’Afrique du Sud, le dictateur italien Benito Mussolini achète en 1939 un bout de terre pour construire un aéroport. Racheté dès la fin de la guerre, l’aéroport devient international sous le nom d’Amilcar Cabral en mémoire du père de l’indépendance en 1975. Dans les années 1960, sa position stratégique en fait une escale privilégiée pour les long-courriers de cet axe Nord-Sud dont use la compagnie aérienne sud-africaine (SAA) qui, pendant les années de l’apartheid, se voit refuser un accès au sol par les autres nations africaines.
Balayées par les vents
Dans les années 1990, une nouvelle génération d’avions combinée avec les changements de régime politique dans plusieurs Etats africains, oblige Sal à se réorienter davantage vers le tourisme. Des Portugais, des Allemands, des Français et des Belges découvrent alors cette nouvelle destination où de belles et vastes plages de sable fin se marient avec l’accueil chaleureux des Capverdiens. Le vent qui souffle suivant un axe nord-sud, parallèle à la longue plage de Santa Maria, associée à une mer émeraude et à des températures toujours généreuses, offrent surtout une nouvelle aire de sensations aux surfeurs. Un » swell » (houle) parfait pouvant atteindre jusqu’à quatre mètres en hiver et de longues vagues déferlantes (des » point-break « ) de 300 mètres en moyenne attirent année après année les meilleurs surfeurs de la planète dont les spécialistes de kite et de windsurf qui ont ici l’occasion de s’adonner à de spectaculaires balais aériens. Ces vents, qui gâtent les surfeurs de décembre à avril, se calment pourtant de la fin de l’été au milieu de l’automne, favorisant alors la pêche au gros et la plongée sous-marine.
Pour les férus d’Histoire, la petite île de Sal s’explore en un jour. La capitale alanguie d’Espargos, le plongeon entre les roches noires dans le lagon en bord de mer de Buracona, la fantomatique mine de sel de Pedra de Lume racontent l’île et son destin mieux que de longs discours. Etape incontournable : la pause déjeuner pour déguster des langoustes près de l’ancienne usine de sel en regardant la mer battre les rochers. Il faut aussi passer un moment dans la petite bourgade portuaire de Palmeira et surtout, si on aime les déserts, apprécier l’émouvante désolation de ces paysages dans lesquels surgissent deux monts solitaires (le plus grand atteint à peine 406 mètres). De Sal partent aussi des trimarans qui effectuent la visite de l’île voisine de Boa Vista et ses grandes dunes de sable.
Texte & photos : S. Dauwe & JJ Serol / Pepite Photography
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