pièce à vins
Enivrante, la pièce à vins? DR Unsplash

La pièce à vins, le nouveau marqueur de statut qui distingue les maisons de riches

Kathleen Wuyard-Jadot
Kathleen Wuyard-Jadot Journaliste

Qu’il semble loin le temps où une vulgaire cave où conserver quelques flacons ainsi tempérés suffisait. Désormais, on mesure l’opulence d’une demeure à la taille (et le niveau technologique) de la pièce à vins qui y est dédiée. Un snobisme qui enivre les promoteurs immobiliers de plaisir mais ne fait pas tourner la tête de tous nos chroniqueurs pour autant.

Appartenant respectivement aux générations Z, Millenial et X, Thibault Dejace, Kathleen Wuyard, Nicolas Balmet et Nathalie Le Blanc confrontent leurs points de vue sur le buzz du moment dans notre chronique « 10 ans d’écart ». Le sujet de la semaine: la pièce à vins, version 2023 de la Rolex de Séguéla pour déterminer qui en est (et en a) ou pas.

Thibault, 23 ans: « La pièce à vins? Une question de survie quand on a un chat »

Dans ma maison idéale, il y a une immense bibliothèque. Des pans entiers de murs remplis de pages dévorées, cornées, surlignées ça et là. Un joyeux mélange de genres, d’époques et de reliures (défoncées ou non) qui occupe une place centrale dans mon foyer imaginaire.  Et dans mes rêves les plus fous, j’y déambule allègrement un verre de rouge à la main, soigneusement choisi et stocké dans les règles de l’art, dans une pièce dédiée, l’apanage dernier cri du grand luxe.Mais me voilà forcé de me réveiller.

Et de me rappeler que j’habite un petit deux pièces bruxellois. Que je partage ce dernier avec un colocataire assez poilu et énergétique – Léon, mon chat pour ceux qui suivent cette chronique avec assiduité (et vous en faites partie, j’en suis sûr). Et que ledit coloc, en plus de ne jamais payer le loyer, ni de participer au ménage, est plutôt du genre maléfique maladroit. Son dernier jeu en date ? Confondre mes (quelques) belles bouteilles de vin avec des quilles de bowling. Un strike à coup sûr.

Alors oui, je peux peut-être rêver encore longtemps avant d’avoir mon pan de mur débordant de livres. Mais peut-être que celui de la pièce à vins arrivera plutôt que prévu, instinct de survie oblige ! Et personne n’a dit que cette pièce devait être gigantesque. Cela doit bien exister en version mini non ?Bon, reste plus qu’à savoir où la disposer maintenant… Peut-être que si je rêve assez fort, j’arriverais à pousser mes murs ?

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Kathleen, 33 ans: « Donnez-moi plutôt une pièce à gueule de bois »

Dans sa version contemporaine, le passage du cap de la trentaine s’accompagne toujours d’une forme de responsabilisation allant de la constitution d’une collection complète de Tupperwares à, pour les plus chanceux, l’achat d’un bien immobilier, mais sauf chance vraiment insolente (lire: richesse générationnelle) ce dernier n’a plus rien de la quatre façades d’hier. Et quand bien même, les néo propriétaires sont toujours plus nombreux à s’inscrire dans un rapport raisonné, voire même résolument réfractaire, à la consommation d’alcool.

Une cohorte dont je fais partie, mon ivresse de la fête ayant progressivement fait place à la réalisation que sans alcool, elle était tout aussi folle et les lendemains, eux, nettement moins douloureux. Il n’empêche qu’il m’arrive encore de me laisser tourner la tête par une bonne bouteille, surtout si elle sort de la cave paternelle, or malheureusement, quand on boit moins, on ressent encore plus fort les effets délétères de l’éthanol. Ce qui m’amène à une proposition: plutôt qu’une pièce à vins, pourquoi pas une pièce à gueule de bois? Température contrôlée, lumière tamisée, surfaces confortables et coussins frais, celle-ci, également accueillante en cas de grippe, grosse fatigue, déprime ou Weltschmerz est nettement plus versatile. Et garantie sans reflux tanniques en prime.

Nicolas, 43 ans: « Je m’imagine déjà rendre mes amis ivres… de jalousie »

En tant que consommateur régulier de rouges flacons, il va sans dire que je déborderais de joie et d’allégresse si je pouvais m’offrir une pièce entièrement dédiée au vin dans mon humble demeure. Je m’imagine déjà aller y piocher l’accord parfait pour une soirée raclette ou un barbecue, en observant les yeux émerveillés de mes amis ivres… de jalousie.

Je me vois en train d’ausculter paisiblement les étiquettes de mes grands crus venus tout droits d’Italie, de Nouvelle-Zélande ou d’Argentine. Et je m’imagine parfaitement en train d’organiser des petites dégustations entre gens de bons goûts, passant d’un Merlot à une Syrah, puis à un Pinot Noir merveilleusement équilibré.

Bref, je me vois bien gagner au Lotto et transformer mon pactole en argent liquide (dans le sens premier du terme). En plus, je suis quasiment certain que ça ferait très plaisir à ma chère et tendre (que je gagne au Lotto, hein, pas que je dilapide tout en vin : elle est sympa mais pas à ce point-là).

Nathalie, 53 ans: « Je préfère de loin m’offrir une bibliothèque sur mesure »

Je comprends le plaisir qu’il peut y avoir à posséder cave ou une pièce à vins soigneusement organisée. Même si, bien que le vin soit considéré comme un symbole de statut par excellence, les tendances impénétrables qui traversent le secteur (vin orange? notes d’écurie?) le rendent parfois impénétrable pour les profanes. Autant laisser le soin à un designer de l’agencer pour vous, même si quitte à faire appel aux lumières d’un expert, je préférerais de loin m’offrir une bibliothèque remplie d’ouvrages triés sur le volet pour moi.

J’aurais à ma portée des rayonnages entiers remplis de mes auteurs préférés, mais aussi de plumes inconnues à découvrir, de biographies de personnes pas forcément célèbres mais aux profils atypiques et d’un éventail de livres d’art. Sans oublier, bien sûr, une section voyage comprenant, pour chaque destination, un ouvrage signé de ses deux meilleurs auteurs (un homme et une femme) ainsi qu’un dédié à la gastronomie du pays et un autre à son histoire. Une collection méticuleuse que j’assemble moi-même livre après livre, faute d’avoir les moyens de m’offrir une bibliothèque clé sur porte. Encore que, maintenant que j’y pense, voilà peut-être la clé de ma fortune future: créer des bibliothèques pour ceux qui ont beaucoup d’argent mais pas le temps de dénicher des livres. En voilà une perspective enivrante…

Découvrez les chroniques 10 ans d’écart, où les générations confrontent leurs points de vue

23, 33, 43, 53 ans: voit-on forcément la vie autrement avec (plusieurs fois) dix ans d’écart ? Positionnés chacun dans une décennie différente, nos journalistes confrontent chaque vendredi leurs points de vue en débattant des sujets dont tout le monde a parlé lors de la semaine écoulée.

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