2010-2019: De A à (la génération) Z, portrait des jeunes d’aujourd’hui

Voyager pendant un an avant de commencer des études ou un travail à l'instar des millennials ? Non, les jeunes d'aujourd'hui sont trop pragmatiques et déterminés pour ça. © iStock

La génération Z entre dans l’âge adulte. Qu’avons-nous appris dans les années 2010 sur les jeunes nés après 1995 et leur vision du monde ?

La génération Z au travail : l’autonomie est un atout

La menace du terrorisme, l’effondrement des banques et les récessions économiques, la crise des réfugiés et du climat, la crainte d’une perte de richesse : selon les observateurs de tendances, la génération Z a eu les pieds sur terre dès le départ. Voyager pendant un an avant de commencer des études ou un travail à l’instar des millennials ? Non, les jeunes d’aujourd’hui sont trop pragmatiques et déterminés pour ça. Ils prennent pleinement conscience qu’ils devront sans doute se contenter de moins que les générations précédentes. Être diplômé le plus rapidement possible, trouver un bon job et économiser de manière significative sont donc les mots d’ordre.

Néanmoins, des études ont démontré que la génération Z ne convoite pas seulement la sécurité de l’emploi et un salaire confortable. Un environnement agréable, de chouettes collègues et un travail utile importent également beaucoup à leurs yeux, tout comme l’autonomie. Lorsque le spécialiste néerlandais du recrutement YoungCapital et le bureau d’études Motivaction ont interrogé des jeunes de 15 à 17 ans l’année dernière, quatre sur cinq ont répondu qu’ils souhaitent organiser leur travail comme bon leur semble. Les horaires ? La moitié d’entre eux les fixent eux-mêmes.

Cette génération ne fait pas de compromis, avertissent les observateurs de tendances : la volonté des jeunes de travailler dur et leur capacité à faire plusieurs choses à la fois sont si grandes qu’ils s’opposent aux hiérarchies verticales et à l’autorité. Le respect ne s’obtient pas sur la base de la fonction, de l’âge ou de l’ancienneté, mais il se mérite. Les réseaux dans lesquels les digital natives grandissent sont donc horizontaux et accessibles à tous : le diplôme ou le nombre d’années d’expérience n’a pas d’importance sur les blogs et YouTube. Pour la génération Z, pas de patron autoritaire donc, mais un collègue mentor inspirant.

La génération Z accorde également une attention particulière à l’entrepreneuriat. Grâce à Internet, le monde entier est à portée de clic et toute personne ayant un projet ou un talent peut le concrétiser. La connaissance n’est plus un prérequis, elle est disponible en ligne. Un jeune sur deux envisage de créer sa propre entreprise ou de travailler comme indépendant à un moment donné. Malgré toutes les success stories des jeunes entrepreneurs et des stars de l’Internet, beaucoup émettent cependant des réserves sur l’idée d’une génération DIY. « Leur esprit d’entreprise présumé est avant tout un mécanisme de survie », a déclaré l’année dernière le bureau d’études américain Altitude, « une façon de ne pas avoir à compter sur les autres. »

La génération Z et le bien-être mental : de l’importance d’être heureux

Satisfaits de leur propre vie, convaincus de leurs capacités et optimistes sur leur avenir personnel : selon plusieurs chercheurs sur le bonheur, la génération Z a beaucoup à offrir en termes de confiance en soi. L’internet, les réseaux sociaux et les gadgets numériques favoriseraient cette assurance et ce sentiment d’autonomie car en ligne, les possibilités d’apprentissage et de connexion avec le monde entier sont infinies.

Mais la génération toujours « on » suscite également pas mal d’inquiétude. Ainsi l’utilisation excessive des smartphones ronge les temps de pause et réduit la qualité du sommeil, exposant davantage les jeunes à la dépression et au burn-out. De plus, les selfies idéalisés et les images soigneusement retouchées sur les réseaux sociaux créent également de l’insécurité et accentuent la peur de l’échec : sur Instagram, les autres semblent d’emblée plus beaux, plus intéressants et plus amusants que soi. Si l’on ajoute à cela les attentes élevées des parents, un agenda chargé – les études sont souvent combinées très tôt à un job – et une multitude d’options, la prétendue crise de la santé mentale chez les adolescents devient beaucoup plus plausible.

Sur Instagram, les autres semblent plus beaux, plus intéressants et plus amusants que soi.
Sur Instagram, les autres semblent plus beaux, plus intéressants et plus amusants que soi.© Getty Images / Alexander Spatari

« La génération Z établit de plus en plus le lien entre la dépendance aux réseaux sociaux et la santé mentale », rétorque la futurologue britannique Lucie Greene. Des phénomènes tels que le uglie selfie et l’avènement de modèles authentiques comme Greta Thunberg au lieu et place de célébrités photoshopées illustrent que les jeunes sont parfaitement conscients que les choses sont souvent mieux présentées en ligne et s’opposent à cette vision. Ils sont même de plus en plus nombreux à mettre de côté smartphones et Instagram, ne serait-ce que pour faire autre chose sans être dérangés. Par ailleurs, la popularité croissante des groupes de discussion fermés et de la messagerie privée suggère que les jeunes veillent plus et mieux à leur vie privée que les générations plus âgées.

La pression sur les jeunes est cependant bien réelle : la grande majorité d’entre eux ne considèrent pas le bonheur, une carrière et le succès comme le fruit du hasard ou des circonstances, mais comme un choix personnel. En d’autres termes, ceux qui ne réalisent pas leur idéal ne le doivent qu’à eux-mêmes. « Cette génération estime que tout est un choix », a déclaré Tom Palmaerts, chasseur de tendances, dans Trendwolves. « Vous n’avez pas d’abdos en béton et votre condition physique est lamentable ? C’est uniquement parce que vous avez choisi de ne pas faire de sport. » Il n’est pas étonnant que la génération Z maîtrise le self-control et mène une vie meilleure en matière de sexe, d’alcool et de drogues que les jeunes des générations précédentes.

Génération Z et le genre : le rejet des étiquettes

« La génération Z rejette les catégories traditionnelles », affirme l’observateur de tendances René Boender, co-auteur de l’ouvrage Gen Z. Verlangen naar verandering (La génération Z aspire au changement, NDLT) le mois dernier dans le magazine Trouw. « Les jeunes considèrent la division homme-femme désuète. Les hommes peuvent aussi être féminins et vice versa. Ils ne croient pas non plus que certaines tâches soient plus adaptées aux femmes ou aux hommes. » Selon René Boender, ils ont la même aversion pour les étiquettes et le compartimentage en matière de genre, de race ou d’âge : « Homme, femme, noir, blanc, bisexuel, transgenre, jeune ou vieux : chacun est concerné et doit pouvoir être lui-même sans avoir à se justifier. »

Élevée dans des classes multiculturelles, avec Barack Obama et un monde où les LGBT peuvent se marier et adopter des enfants, la génération Z semble en effet baigner dans la diversité. Par exemple, six adolescents américains sur dix sont convaincus qu’une plus grande diversité ethnique est positive pour la société, et dans un sondage réalisé par VTM et Wat, autant de jeunes Belges réclament davantage de diversité à la télévision et dans les films.

Homme, femme, noir, blanc, bisexuel, transgenre, jeune ou vieux : la génération Z rejette le compartimentage et embrasse la diversité.
Homme, femme, noir, blanc, bisexuel, transgenre, jeune ou vieux : la génération Z rejette le compartimentage et embrasse la diversité.© Getty Images / Willie B. Thomas

Le mot « fluide » revient également souvent dans la bouche de la génération Z : une identité propre en tant que donnée réalisable et en constante évolution, notamment en ce qui concerne le genre et la sexualité, et l’expression de cela à travers les vêtements et les produits de beauté. « Les jeunes décident chaque jour qui ils veulent être et comment ils regardent le monde. Ils ont un contrôle total sur leur identité. Pour cela, ils se dissocient complètement des stigmates et des étiquettes des générations précédentes », a déclaré Tom Palmaerts dans Trends.

La génération Z et le monde : s’atteler au changement

Les jeunes d’aujourd’hui sont plus instruits que jamais, le nombre d’inscriptions dans les universités et hautes écoles n’a cessé d’augmenter au cours de la dernière décennie. De plus, ils sont intimement convaincus qu’ils dépendent d’eux-mêmes et sont responsables de l’avenir. La méfiance envers les politiques et les grandes entreprises est élevée. La recette parfaite pour une attitude engagée sur des thèmes tels que le climat et l’injustice sociale. « La génération Z est préoccupée par l’impact que son comportement et ses décisions peuvent avoir sur les villes, les pays, la terre et les générations futures », explique Lucie Greene. « Leur esprit d’entreprise fait d’eux des agents de changement. »

Les jeunes marchent pour le climat.
Les jeunes marchent pour le climat.© Getty Images / Dursun Aydemir / Anadolu Agency

Les belles paroles et la compréhension des générations plus âgées n’apaisent pas ceux qui brossent pour le climat : il est temps d’agir et aux yeux de la génération Z, cela commence par de petits efforts dans leur propre vie, comme faire son shopping auprès de marques respectueuses de l’environnement, manger moins ou pas de viande, et opter pour le covoiturage ou les transports publics. Les valeurs des employeurs potentiels comptent également : plus de la moitié de la génération Z considère la pertinence sociale, la réputation d’une entreprise et sa politique écologique et sociale plus importantes que le secteur en question, ont remarqué Accent Jobs et Trendwolves. Cela correspond également à leur attitude militante : l’époque des idéaux et des rêves d’un monde meilleur est révolue, il s’agit désormais de ce qu’on peut faire ici et maintenant, et des choix qu’on opère en tant que consommateur et travailleur.

Ce qui peut déjà être balayé d’un revers de main, c’est l’image des screenagers passifs et nombrilistes. Leur engagement est démontré par le nombre croissant de jeunes qui font des voyages de bénévolat, mais aussi par la popularité des mèmes et des mouvements sociaux, même lorsqu’il s’agit de questions « lointaines » comme la loi interdisant l’avortement en Alabama (dont l’entrée en vigueur est actuellement bloquée). « Les jeunes d’aujourd’hui se rendent de plus en plus compte qu’ils ont aussi du pouvoir entre les mains avec leur smartphone », a déclaré l’écrivaine Charlotte Lara sur vrt.be. « Ils se regroupent sous des hashtags et ne se reposeront pas tant que la réalité hors écran ne changera pas. En raison de la protestation climatique, les adultes semblent seulement se rendre compte maintenant que cette génération est effectivement engagée et qu’elle secoue l’ancien système politique jusqu’à ses fondations. »

La génération Z et les marques : difficile à attraper

La génération Z montre également son côté disruptif face aux marques, détaillants et spécialistes du marketing. « Non seulement ils consomment plus d’informations que toute autre génération précédente, mais ils sont aussi habitués à les traiter et à séparer le bon grain de l’ivraie », explique Lucie Greene. « Ils constituent le groupe le plus critique à l’égard des marques, le plus résistant aux mensonges et le plus curieux, et ils se plaignent sur les réseaux sociaux des comportements qui ne leur plaisent pas. » Grâce à leur forte conscience sociale et à leur attitude militante, les jeunes sont en effet sensibles au fonctionnement des entreprises, et prennent position sur les questions sociales et environnementales.

En mai dernier, Calvin Klein a dû présenter ses excuses pour un spot publicitaire dans lequel Bella Hadid embrassait l'influenceuse virtuelle Lil Miquela. Cette image était utilisée à des fins commerciales sans soutien à la cause LGBT, ont estimé les internautes.
En mai dernier, Calvin Klein a dû présenter ses excuses pour un spot publicitaire dans lequel Bella Hadid embrassait l’influenceuse virtuelle Lil Miquela. Cette image était utilisée à des fins commerciales sans soutien à la cause LGBT, ont estimé les internautes.© .

L’honnêteté et la transparence sont essentielles. « La génération Z peut percer à jour les fausses promesses », prévient Lucie Greene. Il y a plus d’informations disponibles sur les entreprises que jamais, et les efforts doivent aller au-delà des paroles et de l’image. Pensez à Calvin Klein qui a dévoilé en mai dernier un spot publicitaire dans lequel Bella Hadid embrassait l’influenceuse virtuelle Lil Miquela. Cette image était utilisée à des fins commerciales alors que la communauté LGBT elle-même n’était pas réellement impliquée et encore moins soutenue, ont estimé les internautes.

Outre la force numérique de la génération Z (un tiers de la population mondiale, un quart de la population aux États-Unis et en Grande-Bretagne) et son pouvoir d’achat (les estimations pour le seul marché américain vont de 44 à 143 milliards de dollars par an), il faut aussi tenir compte de son impact sur le marché de la consommation au sens large. Les adolescents d’aujourd’hui ont davantage leur mot à dire sur les achats familiaux que les générations précédentes, souligne une étude de InSites Consulting. Mais ils ne restent pas les bras croisés devant le petit écran et se battent pour attirer l’attention en ligne. « Nous expliquons aux annonceurs qu’ils ne peuvent atteindre cette génération que s’ils communiquent de manière brève et avec une vision d’ensemble », a déclaré le consultant américain Dan Schwabel au New York Times.

Si l’authenticité, l’artisanat, les expériences et le sens du réalisme séduisent la génération Z, celle-ci est beaucoup moins sensible aux tendances de la mode. « Les jeunes expriment davantage leur propre style que les générations précédentes et n’adoptent pas le dress code de leurs pairs », a déclaré The Futures Company.

Traduction : virginie·dupont·sprl

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content