Des plats rôtis au four, la tendance food qui cartonne

© DIANE HENDRIKX
Barbara Serulus Journaliste

Il trône depuis toujours dans les cuisines mais révèle plus que jamais tout son potentiel pour mitonner aussi bien des préparations réconfortantes, remplies de nostalgie, que des mets dans l’air du temps. A vos plats… Prêts? Enfournez!

Bonne-maman serait bien surprise d’apprendre que la nouvelle génération délaisse son chou-fleur au gratin. A la place, il est coupé en tranches grossières avant d’être jeté dans un four brûlant. Le résultat? Un intense goût de grillé avec des bords bruns et croustillants. Au cours de la dernière décennie, la technique qui consiste à faire rôtir les légumes sous le gril a fait des émules: les choux de Bruxelles se révèlent ainsi délicieusement sucrés, le potiron en sort moelleux à souhait (et il n’est plus indispensable de l’éplucher) et les asperges vertes sont magnifiquement noircies. Les plats préparés qui ont fait le bonheur de tous les pressés durant une décennie au moins sont désormais remplacés par des préparations au four, une nouvelle cuisine de tous les jours qui combine source de protéines, légumes et glucides, tout en un… et nécessite finalement peu d’investissement en temps puisqu’il suffit d’attendre tranquillement que le tout cuise.

Merci le progrès

Mais à quel moment avons-nous réalisé que le four pouvait servir à autre chose qu’à élaborer un gâteau ou un poulet rôti? Yves Segers, coordinateur du centre d’histoire agricole flamand et maître de conférences en histoire rurale à la KU Leuven, répond à cette question. « Le fait que nous utilisons davantage cet électroménager est principalement dû à la précision et au confort des modèles modernes. Les premiers fours étaient alimentés au charbon: ils étaient minuscules et la température était difficile à contrôler. Puis sont apparus ceux au gaz et enfin les électriques. Mais ce n’est que dans les années 60 que les fours tels que nous les connaissons sont devenus courants: avec une vitre pour pouvoir vérifier la cuisson sans avoir à l’ouvrir, un thermomètre et une lumière! Des innovations que nous considérons comme acquises, mais qui étaient à la pointe du progrès à l’époque. »

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Annemie Morris

Selon cet expert, les préparations au four qui nous sont familières aujourd’hui existent depuis les années 60 ou 70. Auparavant, les cuisiniers se limitaient à y réaliser un rôti, du gibier, un poulet, ou encore des flans, gâteaux, pain ou biscuits. Mais peu à peu sont apparues des recettes de légumes gratinés: chou-fleur, poireaux et chicons avec sauce au jambon et au fromage, pour arriver aujourd’hui à une multitude de propositions où tous les légumes s’invitent sous le gril, garnis de mozzarella et d’herbes du Sud, pourquoi pas? L’influence de la cuisine méditerranéenne est clairement présente.

Peu à peu, le dîner au four est ainsi parvenu à faire de l’ombre au repas à la casserole, d’autant qu’il nécessite souvent moins de vaisselle. Annemie Morris, du mouvement féminin Ferm, affirme: « Les gens recherchent de plus en plus le confort et le gain de temps. Dès lors, les plats au four représentent le moyen idéal de préparer des repas sains tout en faisant autre chose en même temps. De plus, nous ne sommes plus fans des légumes cuits: nous les aimons désormais al dente et cela présente également des avantages pour la santé puisqu’ils renferment davantage de vitamines et de fibres. Avant, c’était différent: on pensait qu’il était plus sain de bien cuire les légumes. »

Légumes au top

Reste à connaître les secrets d’un plat végé au four réussi… Melissa Clark, journaliste culinaire au New York Times, en a fait un mode d’emploi. Pour elle, il est indispensable de monter le thermostat: 200 °C est le minimum, voire 230 °C si l’on désire des parties un peu croustillantes. La plaque de cuisson, elle, se doit d’être assez grande – pour que tous les éléments aient de la place pour rôtir sans fumer – mais également assez basse – pour une bonne circulation de l’air. En prime, la rédactrice recommande de couper tous les ingrédients en morceaux de taille égale afin de les chauffer uniformément. Les matières grasses sont également un élément important: elles fournissent une croûte brune tout en assurant une bonne cuisson. Par exemple, l’huile d’olive est classique, mais l’huile de coco, l’huile végétale neutre ou encore les graisses au goût plus prononcé comme celle d’oie conviennent également. Pas besoin d’en ajouter beaucoup cependant: il suffit d’aperger la préparation et de remuer jusqu’à ce que tout soit recouvert d’une fine couche. Ensuite, les herbes sèches comme les graines de fenouil ou de coriandre fonctionnent bien. Les herbes dures comme le thym, le romarin et la sauge donnent également une saveur supplémentaire – à bien mélanger au reste afin qu’elles soient également recouvertes d’une couche d’huile et ne sèchent pas. Aussi, il est agréable de rehausser les saveurs à l’aide de gousses d’ail, de quartiers de citron ou de piments frais. Les herbes fraîches sont par contre à proscrire car elles ne résistent pas longtemps à la chaleur. En guise de touche finale, on peut ajouter, à la sortie du four, une vinaigrette, un oignon (rouge) pelé, un peu de fromage frais émietté ou une sauce épicée, pour une pointe de fraîcheur.

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u003cstrongu003e u003c/strongu003eWim Ballieu

Mais que les nostalgiques se rassurent: le traditionnel « chicon au gratin » de mamy n’est pas encore mort! C’est ce qu’explique Wim Ballieu, un cuisinier flamand qui tente de donner un second souffle aux plats au four d’antan. Son dernier livre, reprenant soixante recettes au four, sera publié en novembre. « Je souhaitais me débarrasser de l’éternelle composition viande-patate-légumes. Dans mes préparations, on retrouve au minimum 80% de légumes. D’ailleurs, la recette à base de purée de butternut, de curry vert et de lentilles est l’une des plus appréciées. Le dessus du plat est garni de tranches d’orange: tous ceux qui l’essaient l’adoptent. » C’est l’année dernière, lors du confinement du secteur horeca, que ce chef a redécouvert cette façon de cuire pour offrir une « nourriture réconfortante ». Dès lors, il a lancé Wim’s Deli à partir des cuisines de Balls & Glory, une chaîne de restaurant qui décline la boulette à toutes les sauces. Il y proposait des spécialités au four, dans un plat en verre, pouvant être emportées ou livrées. Une manière de questionner aussi le public sur le problème des emballages jetables avec lesquels le secteur de la restauration à emporter est aux prises. Une initiative qui fut un franc succès!

Fort de cette expérience, Wim Ballieu donne quelques tips. Pour lui, un bon plat au four doit avoir « quelque chose de croustillant et quelque chose de crémeux ». « La couche inférieure doit renfermer la sauce: rien de pire qu’une casserole aqueuse. Et la couche du milieu doit être légèrement ferme, de sorte que vous puissiez voir les différentes couches lorsque vous servez », décrit-il, insistant sur le fait que tous les ingrédients ne doivent pas toujours passer le même temps sous le gril. Et d’illustrer ce conseil par l’une de ses inventions faite de saucisse au fenouil et de tomates, surmontées d’une couche de purée de chou de Savoie et de quelques lardons: « La saucisse et les tomates ont d’abord le temps de rôtir et sont seulement ensuite recouvertes d’une couche de purée lisse et soyeuse. » Des lardons qui apportent une touche croustillante sur le dessus, au même titre qu’une chapelure classique aux corn flakes. Bon appétit!

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