Reprendre son souffle: pourquoi la respiration en pleine conscience est faite pour vous

Que vous soyez rationnel ou plutôt spirituel : la respiration consciente est faite pour vous. Quiconque souhaite s’initier à la pleine conscience, à la méditation ou au yoga finit automatiquement par y adhérer, mais le coup de foudre n’est pas toujours au rendez-vous. Pourquoi observer votre respiration est-il une bonne idée ?

Depuis que  Take My Breath Away  de Berlin est devenu la bande originale de Top Gun, un sentiment d’oppression est inextricablement lié au sourire de Tom Cruise. Les papillons dans le ventre et les sauts périlleux dans les airs peuvent en effet déclencher des réactions de stress, nous amenant à retenir notre souffle ou à respirer très vite, comme si nous étions poursuivis. Cette réaction automatique de notre corps peut avoir toute une série de répercussions physiques et mentales.

Cependant, comme l’explique le neurologue Steven Laureys dans notre podcast sur la méditation, le stress n’est pas toujours mauvais. Notre corps en a parfois besoin pour agir. Toutefois, lorsque le stress est ressenti pendant trop longtemps et de manière trop intense, et qu’aucune relaxation ne suit la tension, il devient problématique. Ainsi, lorsque l’avion se pose, il est temps de se détendre et de ralentir notre respiration. Ce n’est pas pour rien que nous poussons souvent un soupir de soulagement après avoir eu le souffle coupé.

Inspirez…
Du Pranayama pratiqué par les yogis, en passant par la méthode Buteyko jusqu’à la respiration holotropique de Stanislav Grof ou la respiration du feu de Wom Hof. La respiration et ses tendances feraient un excellent sujet de recherche. La plupart des exercices sont anciens et reposent sur des traditions religieuses et spirituelles.

En Belgique, le neurologue Steven Laureys a mis la méditation respiratoire sur le devant de la scène ces dernières années, mais le « breathwork », terme générique désignant diverses techniques de respiration, gagne également en popularité dans le monde entier. L’un des gourous de la respiration les plus célèbres du monde occidental est sans aucun doute Wim Hof. Avant de se plonger dans un bain de glace, cet homme régule sa respiration, un élément très important de sa technique. Chez nos voisins du nord, il y a aussi Rob Koning, plus connu sous le nom de M. Breath.  Outre-mer, il y a Dan Brulé, qui a écrit le best-seller « Just Breathe », et qui motive des milliers de personnes à découvrir le pouvoir de la respiration. L’Américaine Jasmine Marie a fondé l’organisation « Black Girls Breathing » par frustration personnelle, après qu’un emploi très prenant dans une grande entreprise l’ait poussée au burn-out. Le journaliste scientifique James Nestor a résumé les dernières études sur la respiration dans son livre destiné au grand public « The New Breathing ».

La popularité de la respiration consciente fournit de nombreux outils utiles à la paix mentale, mais la prolifération des spécialistes et des techniques sème la confusion. Selon Steven Laureys, il n’existe pas d’approche unique. Vous seul pouvez savoir quels exercices et quelle approche vous conviennent le mieux. Vous préférez travailler avec un livre, une application, un appareil respiratoire comme le moonbird belge ou vous lancer dans une thérapie respiratoire ? Tout est possible. Ne vous laissez pas manipuler par de faux gourous qui s’intéressent surtout au contenu de votre portefeuille et respectez vos limites.

Besoin d’une pause

« La popularité des techniques de respiration n’a rien de surprenant », explique An-Sofie Heinen, kinésithérapeute et spécialiste de l’hyperventilation chronique. Nous vivons dans une société extrêmement demandeuse. Vivre dans l’urgence est devenu la norme et nous n’avons presque jamais le temps de récupérer. Par conséquent, nous respirons inconsciemment trop vite et trop longtemps, ce qui peut entraîner des troubles physiques et mentaux. Calmer notre respiration peut nous aider à sortir de la précipitation et à ressentir cette récupération si nécessaire.

La respiration est un outil puissant pour booster notre concentration pendant le yoga et la méditation, explique An-Sofie Heinen. « Elle nous aide à nous sentir plus proches de notre corps. Les personnes qui font des exercices de pleine conscience peuvent utiliser la respiration comme guide pour atteindre cet état spécifique. » Tout est lié, selon la spécialiste. « Il a été scientifiquement prouvé que le yoga et la méditation ont un effet favorable sur notre système nerveux, ce qui calme notre respiration. L’effet bénéfique du yoga et de la méditation peut alors être renforcé en se concentrant sur la respiration. » Quelle que soit la façon dont on l’envisage, de plus en plus de personnes donnent une chance au yoga, à la méditation et aux exercices de respiration, et c’est une bonne nouvelle.

Le psychologue et chercheur Roderik Gerritsen, de l’université de Leiden, a étudié les bienfaits des activités contemplatives, telles que le yoga et la méditation, sur la santé physique, cognitive et mentale. Il a conclu que l’accent mis sur la respiration réduisait le stress en augmentant l’activité du système nerveux parasympathique. Il indique que le ralentissement de la respiration permet également de ralentir le rythme cardiaque et de stimuler le nerf vague. Le nerf vague est un long nerf présent dans tout le corps, qui relie le cerveau à l’estomac et aux intestins, au cœur et aux poumons, entre autres. C’est le nerf par lequel notre cerveau et notre corps communiquent entre eux. La stimulation du nerf vague est importante pour notre bien-être mental et physique.

La respiration est donc bien plus qu’un simple apport d’oxygène. Par la respiration, vous envoyez un feed-back à votre cerveau pour qu’il devienne plus calme ou plus alerte. L’inspiration active le système nerveux sympathique (lutte ou fuite) et l’expiration stimule le système nerveux parasympathique (repos et digestion). L’inspiration accélère le rythme cardiaque et l’expiration le ralentit. Le système nerveux parasympathique est la partie du système nerveux autonome en charge du repos et de la récupération. Le système nerveux parasympathique peut être considéré comme la pédale de frein de notre corps. Il orchestre l’état de repos et de récupération. Ainsi, respirer calmement permet de calmer le cerveau reptilien (également connu sous le nom d’esprit de singe) et donc de faire baisser votre tension artérielle. Une respiration calme envoie un signal au cerveau que tout va bien. L’état idéal pour se détendre ou s’endormir.

Et si on ne respire plus ?

Souvent, ce n’est que lorsque quelque chose ne fonctionne pas bien que l’on s’arrête pour y réfléchir. Un phénomène aussi simple que la respiration peut bouleverser votre vie en cas de problème.

Lorsque le stress incite le cerveau à passer en mode « lutte ou fuite » et à produire des hormones de stress, la respiration devient superficielle. C’est une réaction normale du système nerveux », explique An-Sofie Heinen. Mais le stress peut aussi se nourrir lui-même. Comme respirer devient plus compliqué pendant une poussée de stress, le niveau d’oxygène dans le sang diminue. Le corps interprète la diminution de l’oxygène et l’augmentation du dioxyde de carbone comme un stress et crée un cercle vicieux. La respiration superficielle donne une sensation d’essoufflement, que nous cherchons à compenser en respirant davantage.

Soupir, bâillement, halètement : ces formes de respiration excessive sont une forme masquée, ou chronique, d’hyperventilation », explique la kinésithérapeute. Nous savons presque tous ce qu’est une crise d’hyperventilation aiguë, mais l’hyperventilation chronique est beaucoup plus fréquente.

Une respiration excessive chronique entraîne un taux de CO2 trop faible dans le sang, ce qui a un effet sur le degré d’acidité et rétrécit les vaisseaux sanguins. Un phénomène qui n’est pas sans conséquence. Les symptômes de l’hyperventilation chronique sont nombreux et variés. Une sensation de flottement, une pression dans la poitrine, des picotements dans les doigts, des crampes musculaires, des palpitations, de la fatigue, des bâillements excessifs, l’impression de manquer d’air, des sueurs, des problèmes gastro-intestinaux… Tous ces soucis peuvent être causés par une « sur-respiration ». Il suffit à certaines personnes d’entendre le mot « respiration » pour se sentir à l’étroit, comme si leur pilote respiratoire automatique tombait à court de carburant.

Parmi les réactions classiques, on retrouve la frustration, qui se transforme en colère contre soi-même. Pourquoi ne suis-je pas capable de respirer calmement ? Cette frustration ne fait qu’empirer la situation. Ces symptômes touchent énormément de monde, et ne pas réussir les exercices de respiration du premier coup ne fait pas de vous une personne faible. Je n’aime pas les catégories, mais nous avons remarqué que les personnes perfectionnistes, les personnes très sensibles et les people pleasers sont plus susceptibles de souffrir d’hyperventilation chronique », explique An-Sofie Heinen. Les personnes très sensibles sont moins capables de filtrer les stimuli et les perfectionnistes et les people pleasers vont souvent au-delà de leurs limites, et leur cerveau est plus susceptible de passer en mode « lutte ou fuite ». Par conséquent, il leur est plus difficile de revenir à la phase de relaxation. »  

Il est important de savoir que l’hyperventilation chronique — bien que très désagréable — n’est ni dangereuse ni mortelle et qu’il est possible d’entraîner votre corps et votre esprit pour vous en débarrasser.

Les crises de panique et l’hyperventilation chronique peuvent parfois faire penser à des problèmes physiques, comme une crise cardiaque ou une réaction allergique. En cas de doute, il est bien sûr conseillé de consulter un médecin, qui pourra vous orienter vers un spécialiste si nécessaire. Il est également possible que l’hyperventilation chronique soit en partie provoquée ou renforcée par une affection physique. La douleur et le stress causés par des problèmes physiques déclenchent parfois une hyperventilation chronique. Dans ce cas, les deux problèmes doivent être traités et du repos et un traitement médicamenteux peuvent être nécessaires pour venir à bout des symptômes.

Signal d’alerte physique
Respirer lentement au lieu de haleter calme notre système nerveux, mais c’est plus facile à dire qu’à faire. En mode « lutte », respirer profondément, lentement et calmement n’a rien d’aisé », ajoute An-Sofie Heinen. « Rechercher les causes est essentiel. Pourquoi entre-t-on en mode « lutte » ? Quels sont les facteurs de stress internes et externes ? Pour répondre à ces questions, il est utile de chercher un accompagnement, tant physique que mental. »

« Des applications telles que Breathe et Calm sont utiles, mais sachez qu’elles peuvent aussi avoir l’effet inverse si vous ne savez pas ce qui perturbe votre respiration. Les troubles de la respiration ne sont pas la cause de votre problème, mais une conséquence. Il est également important de savoir que, même si vous avez l’impression d’être essoufflé, vous ne devez pas respirer plus, mais plutôt moins. Un rythme respiratoire imposé par une application ou un exercice peut provoquer un stress supplémentaire, alimentant encore plus l’hyperventilation chronique. »

Si vous ne parvenez pas à calmer votre respiration vous-mêmes, vous pouvez demander de l’aide. En fonction de la nature exacte des facteurs de stress, je recommande de consulter un psychologue en plus d’un kinésithérapeute, ou de trouver un thérapeute qui combine les deux, comme nous le faisons dans notre cabinet. Les spécialistes de l’hyperventilation chronique travaillent sur les deux plans : le mental et le physique. »

Avant de vous lancer dans des exercices de respiration tout seul, essayez donc d’abord de définir et de traiter les causes du problème. « L’hyperventilation chronique est en fait un signal d’alerte de votre corps. C’est un signe que vous allez au-delà de vos limites, ce qui est épuisant pour le corps et l’esprit. Peut-être y a-t-il des facteurs de stress que vous pouvez résoudre ou éviter ? Il est important de travailler sur ce point. »

Aller au-delà des symptômes

Un torticolis, un diaphragme bloqué ou une mâchoire coincée : voici des motifs fréquents de consultation chez un kinésithérapeute. Quelques séances et le tour est joué ? « Si la cause de la douleur est liée au stress, même si les patients ne s’en rendent pas compte, la thérapie manuelle n’entraînera qu’un soulagement temporaire. Cela n’éliminera pas le problème. Vous combattez juste les symptômes », explique An-Sofie Heinen. Cela peut certainement faire du bien, mais ne vous attendez pas à des miracles.

Le rétablissement du taux d’acidité dans le sang, qui a été déséquilibré par une respiration excessive, peut être stimulé par un exercice physique suffisant, une alimentation saine et un sommeil de qualité. « Il est généralement nécessaire de modifier son mode de vie pour se détendre, briser le cercle vicieux et profiter enfin de la relaxation qu’apporte la respiration abdominale lente et profonde. Il est impossible de forcer les choses et il faut procéder étape par étape ». Au début du processus, il est donc préférable de ne pas contrôler sa respiration ou de la forcer à adopter un rythme. Il faut plutôt prendre le temps d’observer ce que l’on ressent, sans juger », ajoute An-Sofie Heinen. En effectuant des exercices de relaxation de manière répétée, vous prenez conscience des tensions dans votre corps. C’est le premier pas vers la détente.

En fin de compte, l’objectif de la thérapie respiratoire est que le patient soit capable de prendre les rênes lui-même. Rester éternellement dépendant d’un thérapeute n’est pas envisageable, et celui-ci doit donner les outils nécessaires pour vous entraîner. Vous vous contentez de combattre les symptômes ? La douleur reviendra et vous devrez vite reprendre rendez-vous chez votre kiné.

Les personnes souffrant de problèmes respiratoires ont souvent essayé toutes sortes d’approches, des exercices de respiration à la pleine conscience ou à la psychothérapie. C’est la combinaison d’exercices physiques et mentaux qui est généralement la pièce manquante du puzzle, explique An-Sofie Heinen.

Steven Laureys est également favorable à ce type d’approche, comme il l’explique dans notre podcast. Selon lui, nous devrions nous concentrer davantage sur le changement de nos modes de vie. Il plaide donc pour une médecine plus humaniste, dans laquelle la prévention reçoit l’attention qu’elle mérite. Selon le neurologue, l’autonomie du patient et son rôle actif sont la clé du succès.

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