L'écharpe noodle de Balenciaga - Montage Vif Weekend

Balenciaga nous prend-il pour des nouilles avec son écharpe loufoque à 1700€?

Kathleen Wuyard
Kathleen Wuyard Journaliste

Après son ersatz de sac IKEA ou ses baskets détruites et artificiellement salies, Balenciaga est de retour avec un nouvel accessoire aussi invraisemblable qu’hors de prix, en l’occurence, une écharpe qui évoque plus le déguisement que le vêtement.

Appartenant respectivement aux générations Z, Millenial et X, Thibault Dejace, Kathleen Wuyard, Nicolas Balmet et Nathalie Le Blanc confrontent leurs points de vue sur le buzz du moment dans notre chronique « 10 ans d’écart ». Le sujet de la semaine: la nouvelle écharpe de Balenciaga, une drôle de nouille en fausse fourrure vendue près de 2000 euros tout de même.

Thibault, 23 ans: « Même si cette écharpe est peak Balenciaga, je passe mon tour »

C’est donc la nouvelle tendance luxe du moment. Après le sac à main poubelle, les baskets complétement déchirées ou le paquet de chips tout froissé en guise de sac de soirée, cette « écharpe » à mi-chemin entre la nouille et la pâte, d’un rose flashy à souhait, le tout pour la modique somme de 2050 dollars, ou 1700 euros, est le nec plus ultra du style.

Quand bien même cette somme traînerait sur mon compte bancaire, croyez-moi bien que j’achèterais autre chose que cette immonde écharpe. Même si cette écharpe est qualifiée de « peak Balenciaga ». Non merci, je passe mon tour. Les pâtes ou les nouilles je les préfère dans mon assiette qu’autour de mon cou.

Mais comme chaque semaine, cette rubrique me fait réfléchir quelque peu (pas trop, après j’ai mal à la tête). Si j’avais 1700 euros à dépenser en fringues, j’en ferais quoi ? Alors pour vous, j’ai rêvé grand. Voici la (courte) liste de mes envies. J’achèterais donc les Tabi Boots de Maison Margiela, un trench Burberry, classique mais efficace, une casquette de chez Céline et pour terminer le tout, un pantalon plissé noir de chez Issey Miyake. Pas de nouille géante à l’horizon, je passe mon tour j’ai dit!

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Kathleen, 33 ans: « Je ne suis pas fâchée, juste déçue »

Pour reprendre une expression serinée ad nauseam par l’autorité parentale, je ne suis pas fâchée, juste déçue. Parce que là où les novices, Dieu les garde, verront un coup d’éclat, voire même, se réjouiront de l’inventivité qui se cache derrière ce qui est beaucoup de choses mais pas, comme son nom l’indique, une écharpe, la vérité est qu’il s’agit plutôt d’une approche usée (et usante) de la mode.

À l’image de certains de nos confrères sans scrupules, qui s’adonnent aux joies de ce qu’on appelle platement les articles « pute à clics », de plus en plus de maisons pourtant réputée jouent à qui fera la proposition la plus invraisemblable, un jeu aussi dangereux pour les yeux que pour la crédibilité d’un univers déjà qualifié de frivole et irréfléchi par ses critiques, et auquel Balenciaga excelle. Baskets plus détruites qu’après une guindaille étudiante, babouches qui évoquent les paquets de frites du McDo, ersatz impayable de sac IKEA ou encore collab’ grotesque avec Crocs, la maison de couture n’en rate pas une. Sauf qu’à force, c’est loupé: le seul élément de choc survient quand on constate que plutôt que de se renouveler, elle préfère continuer à sortir vêtements et accessoires volontairement invraisemblables. Las.

Nicolas, 43 ans: « Je refuse de rire du malheur des autres »


Primo, ça ressemble à une nouille. Deuzio, c’est hors de prix. Est-il vraiment nécessaire de rechercher des arguments supplémentaires avant de pouvoir dire « non merci » à cette étrange création tout droit sortie d’un Shein encore plus craignos que Shein lui-même ? Honnêtement, j’ai l’impression de voir une écharpe qui est passée dans un sèche-linge de très mauvaise humeur qui s’est dit « Tiens, je ne sais pas trop quoi faire aujourd’hui : et si je transformais l’écharpe d’Allison en nouille géante, histoire que la gamine chiale un bon coup, après tout, elle n’a pas fini sa purée hier soir. »

Vraiment, je suis assez convaincu que, demain, si je croise un quidam qui porte cette chose dans la rue, je ne pourrai pas m’empêcher de penser que cette personne est la victime d’un banal dialogue de couple qui s’est transformé en plaisanterie de mauvais goût. C’est parti d’un défi mignon du genre « Mon amour, si tu m’aimes vraiment, offre-moi du Balenciaga pour mon anniversaire ». Et le gars est tombé sur LA pièce que quelqu’un chez Balenciaga a un jour créée « pour rigoler » au Carnaval ou le 1er avril, et qui a malencontreusement fini dans leurs boutiques.

C’est forcément un truc du style. Dès lors, je ne préfère même pas en sourire, parce qu’on m’a toujours appris à ne pas rire du malheur des autres (même si ce n’est pas l’envie qui me manque). Nota bene : pour ceux qui, comme moi, se demandent à quelle variété de pâte précise cette « écharpe » fait penser, il s’agit des cellentani. Ne me remerciez pas, je ne fais que mon métier.

Nathalie, 53 ans: « Ceci n’est pas une écharpe »

Je ne pense pas être quelqu’un de très exigeant, mais le moins que j’attende, c’est que les choses fassent ce qu’elles promettent. Prenez une écharpe, qui se trouve être l’un de mes vêtements préférés. Les écharpes d’hiver doivent être chaudes et douces, comme un long câlin qui vous protège des rigueurs de l’hiver.

Les foulards de printemps et d’été doivent quant à eux être beaux et de préférence, colorés eux aussi, car je compte sur eux pour égayer mes tenues souvent sombres. De plus, ils doivent aussi être doux ou soyeux, car j’aime avoir quelque chose dans les mains et en été, mon écharpe est souvent mon truc préféré à tripoter.

Selon ces critères, l’écharpe Wire de Balenciaga échoue aussi bien comme écharpe d’hiver que d’été. Elle n’a pas l’air confortable, vous ne pouvez pas l’enrouler autour de votre cou lorsque le vent est un peu trop fort, et comme elle est épaisse et ronde, vous ne pouvez pas non plus jouer avec lorsque vous êtes coincé dans la circulation. Et pourtant, selon nombre de journalistes mode, le créateur qui se cache derrière ce « foulard » (et le faux sac Ikea à 2000€, les Stan Smith sales à 700€ ou encore les oursons BDSM) est génial. Peut-être que je manque de sens de l’humour? À moins qu’il ne s’agisse d’art conceptuel, auquel cas, je serais prête à être un peu moins sévère. Une chose est certaine: ceci n’est pas une écharpe, comme dirait l’autre.

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23, 33, 43, 53 ans: voit-on forcément la vie autrement avec (plusieurs fois) dix ans d’écart ? Positionnés chacun dans une décennie différente, nos journalistes confrontent chaque vendredi leurs points de vue en débattant des sujets dont tout le monde a parlé lors de la semaine écoulée.

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