Après le flygskam, le tågskryt va-t-il faire dérailler pour de bon les départs en vacances?

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Après le flygskam, place au tågskryt - DR
Kathleen Wuyard-Jadot
Kathleen Wuyard-Jadot Journaliste

Vous aviez déjà dû endurer le flygskam, ou avihonte, et les réprimandes à l’annonce du moindre voyage en avion. Désormais, il s’agit d’affronter le tågskryt, ou la propension des adeptes du train de vous rabâcher les oreilles avec leur moyen de transport favori (et écologique).

Appartenant respectivement aux générations Z, Millenial et X, Thibault Dejace, Kathleen Wuyard, Nicolas Balmet et Nathalie Le Blanc confrontent leurs points de vue sur le buzz du moment dans notre chronique « 10 ans d’écart ». Le sujet de la semaine: le tågskryt, ou fierté du train, pendant positif (mais tout aussi pénible?) du flygskam.

Thibault, 23 ans: « Le tågskryt, c’est bien beau, mais… »

Le tågskryt, nouveau mot suédois à la prononciation plus qu’hasardeuse, illustre la fierté de prendre le train pour voyager. Adios l’avion, bonjour le train et place au slow travel afin de réduire notre empreinte carbone lors de nos prochaines escapades.

D’ailleurs, je suis moi-même actuellement touché par une légère fièvre Tågskyrtiesque, partant dans les prochains jours en Écosse en train. Mon aventure dans le pays du chardon sera bien évidemment relayée sur ce site (patience, ça arrive bientôt) et je dois bien admettre que la possibilité d’y aller en train me réjouit.

Découvrir les paysages écossais depuis la fenêtre de mon wagon, traverser la Manche (ce qui me remplit à moitié d’angoisse -mon côté claustro- et à moitié d’excitation) à bord de ma locomotive, et voyager jusqu’à l’Alba tout en minimisant mon impact sur l’environnement est effectivement source de fierté. Même si, voyager en train, c’est bien beau et je suis plus que partant à l’idée d’embrasser pleinement le tågskryt et d’abandonner l’avion pour favoriser le voyage sur rail. Mais il serait peut-être plus que temps que ce dernier soit plus accessible et jouisse d’une offre un peu plus étoffée afin que les connections soient un brin plus faciles. Mais bon, on peut toujours rêver…

Kathleen, 33 ans: « Rail aïe aïe »

Ayant récemment décidé de me rendre à Berlin, une fois n’est pas coutume, non pas en voiture ni en avion mais bien en train, et payé exponentiellement plus cher pour avoir le privilège de gagner ma ville favorite dans un wagon bondé, je ne suis qu’admiration pour les personnes qui font constamment le choix conscient d’opter pour ce moyen de transport, certes, bien plus écologique, mais aussi, il faut le dire, souvent plus long et toujours plus coûteux que ses alternatives.

Est-ce là la raison d’être du tågskryt? Car si je suis la première à louer les efforts consentis par les adeptes du train, je dois bien avouer que leur tendance à le rappeler tels des disques rayés (raillés?) me laisse perplexe. Certes, bien avant l’invention du train, Aristote affirmait déjà que le sacrifice de soi est la condition de la vertu, mais à trop l’étaler, n’en finit-on pas par pêcher par orgueil?

Peut-être que c’est moi qui déraille, mais au fond, le tågskryt, je me demande si ce n’est pas un peu pareil que la confiture, en l’occurence, celle au goût obscur ramenée de vacances pour tenter d’en garder le goût: plus on l’étale, plus on tente en réalité d’avaler au plus vite l’amertume que cela nous laisse en bouche. Parce que de la marmelade de pelures de nèfles grecques achetée sur un étal à la sauvette, au fond, ça goûte un peu comme 8h (payées rubis sur l’ongle) dans un espace confiné avec des toilettes prises d’assaut et un bambin qui braille en continu dans la rangée d’à-côté: pas super. Après, si c’est le prix à payer pour sauver la planète, alors je vous en prie, tartinez votre fanwagonnade (je pense qu’un meilleur néologisme existe) à votre guide.

Nicolas, 43 ans: « Je n’oserais jamais me moquer du tågskryt, même gentiment »

On est d’accord : ici, on ne se cache rien ? Alors sachez ceci, chers lecteurs : quand j’ai proposé à notre petite équipe de disserter sur cette tendance nommée « tågskryt », l’une de mes collègues – je ne citerai pas son nom, mais elle a les cheveux très clairs et se trouve en 2e position sur la photo ci-dessus – n’a rien trouvé de mieux que de me répondre : « Tu me le prononces correctement demain à la rédaction, et le sujet est vendu, ah ah ! ». Voilà. Je pense que, parfois, il faut oser dire les choses et raconter un peu ce qui se passe dans les coulisses de cette rubrique qui fait désormais des millions de vues partout sur le globe.

Certaines vérités ne doivent pas rester dans l’ombre, surtout quand l’avenir de notre belle planète bleue est en jeu.Tout ça pour dire que, moi, personnellement, je n’oserais jamais me moquer, même gentiment, d’une tendance qui consiste à encourager les voyageurs à prendre le train au lieu de l’avion.

Car moi, personnellement, je n’ai jamais été contre le slow tourisme, la prise de conscience et tout ce qui découle du mot « green » – je suis même un grand fan d’Eva Green et de Hulk. D’ailleurs, je n’ai pas besoin d’en parler pendant des heures pour vous convaincre, chers (innombrables) lecteurs : pas plus tard que ce 1er mai, j’embarque ma chère et tendre vers une ville allemande nommée Düsseldorf, et au lieu de m’y rendre par la voie des airs ou celle du bitume, figurez-vous que j’ai opté pour ces bons vieux rails. Autant dire qu’en matière de modèle à suivre, il n’y a pas mieux que moi-même (pour info, je donne aussi des cours de Narcissime Appliqué tous les jeudis soirs – plus d’infos sur mon compte Insta). Je vous laisse plancher là-dessus avec vos propres valeurs, non sans remercier au passage ma collègue au cheveux clairs (oui, elle) qui m’a soufflé l’idée de Düsseldorf pour mon citytrip – comme quoi, on peut très bien n’avoir aucune conscience écologique et être sympa quand même.

Nathalie, 53 ans: « Le train est le moyen de transport le plus agréable qui soit »

Je suis littéralement née dans la #teamtrain. Mon père était signaleur à la SNCB, ce qui nous permettait de nous déplacer souvent en train gratuitement. Parfois, nous allions à la gare et prenions le premier train qui partait, pour nous offrir une excursion surprise d’une journée.

En Espagne, en Italie et même en Irlande (avec deux bateaux entre les trajets en train, bien sûr), toutes les vacances de mon enfance étaient des vacances en train. Je n’ai pris l’avion pour la première fois qu’à l’âge de 19 ans, principalement parce qu’il n’y avait pas de train pour la Tunisie. C’est peut-être pour ça que j’ai toujours trouvé que le rail était une merveilleuse façon de voyager.

Vous pouvez regarder le monde défiler pendant que vous vous détendez en lisant, en bavardant ou en profitant de votre pique-nique. Les trains de nuit sont des sortes de machines à voyager dans le temps qui vous font traverser les Alpes pour mieux vous réveiller frais et dispos en bord de Méditerranée ou de la mer Adriatique. Les trajets domicile-travail sont une autre affaire, mais le slogan « Le train, c’est toujours un peu un voyage » est 100% correct en ce qui me concerne. Je vais d’ailleurs en Écosse en train cet été. Parce que je ne veux pas prendre l’avion pour y aller ? Un peu. Mais aussi et surtout parce que je trouve simplement que le train est le moyen de transport le plus agréable qui soit. Est-ce que cela fait du moi un fanfaron du train ? Qu’il en soit ainsi, et vive le tågskryt!

Découvrez les chroniques 10 ans d’écart, où les générations confrontent leurs points de vue

23, 33, 43, 53 ans: voit-on forcément la vie autrement avec (plusieurs fois) dix ans d’écart ? Positionnés chacun dans une décennie différente, nos journalistes confrontent chaque vendredi leurs points de vue en débattant des sujets dont tout le monde a parlé lors de la semaine écoulée.

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