Les « beige flags » signalent-ils une relation ennuyeuse… ou équilibrée?
Les réseaux sociaux sont sans appel, une série de signes, les beige flags, permettraient de savoir si une personne est ennuyeuse ou non. Et donc, si elle est digne de votre amour ou pas. Tout sauf l’ennui? Nos chroniqueurs dissèquent cette alerte beige.
Appartenant respectivement aux générations Z, Millenial et X, Thibault Dejace, Kathleen Wuyard, Nicolas Balmet et Nathalie Le Blanc confrontent leurs points de vue sur le buzz du moment dans notre chronique « 10 ans d’écart ». Le sujet de la semaine: les beige flags, à repérer si vous voulez éviter une relation amoureuse ennuyeuse.
Thibault, 24 ans: « Les beige flags ne font que rendre mon partenaire plus attachant »
Après la déferlante des « red flags » – comprendre ces signaux d’alerte censés vous éviter une relation avec une personne toxique au possible – place aux « beige flags ». Et à l’image de la couleur beige, qui est un brin ennuyante et fade, ces « drapeaux » témoigneraient de petits aspects chez votre partenaire qui ne sont pas graves au point d’être des motifs de rupture, mais qui n’en sont pas de vrais plus non plus.
Pour certains, ces beige flags, seraient également le signe d’une relation ennuyante, sans folie et où la routine s’installe vite. Mais est-ce une si mauvaise chose ? Sur les réseaux, le couple et la vie en duo sont constamment romancés. Il faut parcourir le monde, pique-niquer dans les parcs, danser jusqu’au bout de la nuit, se couvrir mutuellement de cadeaux et j’en passe.
Et si j’admire cela, j’en reste spectateur. Car force est de constater que ma relation est émaillée çà et là de beige, et ça me va très bien comme ça. Comme une douce ode à la banalité et à l’ennui, ces petits moments me sont précieux. J’irais même jusqu’à m’aventurer à dire que je pense que ces instants beiges sont nécessaires à l’équilibre sain d’un couple. Et les beige flags de mon partenaire ne le rendent, à mes yeux, que plus attachant. D’autant qu’un ami qui est synesthète émotionnel lui a associé la couleur beige récemment. Dois-je y voir un mauvais signe ?
Kathleen, 34 ans: « Plus beige la vie! »
Si je pouvais retourner dans le passé le temps de dispenser quelques conseils à l’ado que j’étais, ce serait de ne jamais succomber aux sirènes du solarium (vulgaire! potentiellement mortel!), d’acheter des Bitcoins dès leur arrivée sur le marché (et de les revendre en novembre 2021) mais aussi et surtout d’arrêter de croire aveuglément à la vision dangereusement distordue de l’amour propagée par la pop culture.
Mais si, souvenez-vous: au début des années 2000, les comédies romantiques étaient une succession de relations torturées, où plus on se déchirait, plus on s’aimait, et s’il y avait un peu de fidélité en prime, c’était encore plus passionnel. Naïve que j’étais, à l’époque, je m’étais laissée convaincre que ça ressemblait à ça, l’amour avec un grand A, ce qui m’a amenée à saboter une relation heureuse et apaisée avec mn eerste grote liefde, tout doux et pas compliqué pour un sou, puis à enchaîner sur une sorte de tentative personnelle d’établissement du record de sortie avec le pire connard possible (malheureusement, je pense que j’en suis toujours détentrice).
Heureusement, l’âge et l’expérience aidant, quand j’ai rencontré celui qui est aujourd’hui mon mari, j’étais prête à accepter que quelque chose clochait dans ma sélection de partenaires potentiels. Et alors que sur papier, il semblait plutôt beige (pas de tatouages! plusieurs diplômes, dont un doctorat! une paire d’Oakley portée de manière non-ironique!) par chance, j’ai immédiatement réalisé que c’était surtout parfait pour moi qu’il était. Depuis, on coule des jours heureux, où les parties de Scrabble avec d’autres parties plus intimes, où les seules portes claquées le sont parce que si on ne se dépêche pas, on va perdre notre réservation, et où la flamme est d’autant plus vibrante qu’elle n’est étouffée par aucune vapeur (de relation) toxique. Ce que j’en dis? Plus beige la vie!
Nicolas, 44 ans: « Je préfère ne pas me prononcer »
Selon le site significationdescouleurs.com (oui, ça existe), le beige est « synonyme de fiabilité et de conservatisme. Il est considéré comme une couleur neutre, calme et relaxante. C’est la couleur du fonds de teint, mais aussi des intérieurs typiques des années 70. Il existe du beige clair, du beige foncé, du beige sable, du beige rosé ou du beige gris. » Au passage, le site rappelle également que, jadis, les premiers Macintosh étaient de couleur beige, tandis que l’entreprise Chanel, avec sa fameuse ligne Les Beiges, en a fait « un élément de distinction et d’élégance ».
Tout ça pour dire quoi ? Eh ben pas grand-chose, si ce n’est que le site significationdescouleurs.com (je vous jure que ça existe) n’est pas né de la dernière pluie et semble à la pointe de la connaissance en matière de tonalités. Et pourtant ! Pourtant. Pas une seule ligne sur ces « beige flags » qui associent la couleur beige à des personnes qui ressembleraient à tout sauf à des boute-en-train.
Pas un mot sur ces individus qui préfèrent regarder France 3 plutôt que Big Bang Theory, qui boivent des bières sans alcool, qui lisent Le Figaro, qui sont fans de Michel Onfray, qui utilisent des expressions comme « les chiens ne font pas des chats » ou qui n’aiment pas les saucisses Zwan. Dès lors, si je ne peux même pas compter sur le site significationdescouleurs.com (non mais vérifiez si vous ne me croyez pas !) pour me forger une vraie opinion sur cette tendance, je préfère ne pas me prononcer. L’absence de sources fiables, dans mon métier, pourrait engendrer l’ouverture d’une véritable boîte de Pandore. Et là, j’avoue que j’ai plutôt envie de m’ouvrir une boîte de saucisses Zwan.
Nathalie, 54 ans: « Les beige flags sont divertissants au possible »
Le racisme ordinaire, les mauvais baisers et la croyance dans les affirmations des horoscopes sont mes red flags. Lire: il m’est impossible d’envisager une relation avec quelqu’un ayant une de ces caractéristiques, qui sont pour moi une excellente raison de rupture imminente.
Tel un arbitre de football, j’ai aussi quelques cartes jaunes, qui me font sérieusement douter mais au sujet desquelles je suis prête à lâcher du lest. Les grands gestes romantiques, par exemple, sont très agréables en théorie, mais ils me font toujours frissonner, et pas dans le bon sens du terme. Pareil pour les personnes trop théâtrales, ou qui n’aiment pas les montagnes. Bien sûr, ce n’est pas obligé de partager tous les intérêts de son partenaire, mais je ne sais pas si je suis préparée à faire une croix sur les sommets et toutes les vacances potentielles que je pourrais y passer.
Les beige flags, par contre? Divertissants au possible! Ce grand dadais dégingandé qui faisait dix salutations au soleil chaque matin alors même qu’il ne voyait pas le but du yoga (du sport, mais amusant, selon lui), l’Ostendais qui engloutissait toute la chantilly de sa glace avant d’entamer le reste de la coupe (alors même que tout le plaisir tient dans l’association de la crème fraîche et de la crème glacée), le Liégeois qui a refusé de me dire quand il était né (alors qu’il n’avait que cinq ans de moins que moi) ou encore l’Écossais qui choisissait la destination de chaque city-trip sur base de la présence d’un Rembrandt dans le musée d’art local (il a fini par admirer 300 de ses tableaux entre eux): ça n’a duré avec aucun d’eux, mais leurs beige flags me font encore sourire quand j’y pense aujourd’hui. Et ça, c’est le contraire même de l’ennui.
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Découvrez les chroniques 10 ans d’écart, où les générations confrontent leurs points de vue
24, 34, 44, 54 ans: voit-on forcément la vie autrement avec (plusieurs fois) dix ans d’écart ? Positionnés chacun dans une décennie différente, nos journalistes confrontent chaque vendredi leurs points de vue en débattant des sujets dont tout le monde a parlé lors de la semaine écoulée.
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